Yawara T.1 – La série culte d’Urasawa arrive enfin en France

Yawara

L’arrivée de Yawara ! en France est un petit événement dans le monde du manga. Comme chaque série d’Urasawa finalement, mais ici il y a un petit quelque chose en plus, puisqu’il s’agit de la première série d’importance de l’auteur, petit phénomène au Japon, que nous n’avions jusque là jamais eu la chance de voir alors qu’elle date de plus de 30 ans ! De ce fait, en fan d’Urasawa, je ne pouvais pas passer à côté, et surtout, je ne pouvais pas proposer un « simple » avis. Nous allons donc dans cet article revenir sur le manga en lui-même et ce qu’il représente dans un premier temps, ensuite nous jetterons un œil sur l’édition proposée par Kana, car il ne s’agit pas ici de bêtes volumes au format poche, et enfin, on passera à mon avis sur ce premier tome à proprement parler. Ainsi, si vous êtes simplement intéressé par savoir ce que vaut ce volume, vous pouvez directement passer à la dernière partie.

Une série culte au Japon, et inédite en France

Comme je l’ai dit en introduction, l’arrivée en France de Yawara ! n’est pas rien, puisque la série a déjà plus de 30 ans. Prépubliée entre 1987 et 1993 au Japon dans le magazine Big Comic Spirit de Shogakukan (qui a par la suite publié 20th Century Boys et Happy ! de l’auteur), elle totalise 29 tomes ce qui en fait la série la plus longue d’Urasawa, et celle qui a assis la réputation du mangaka dans son pays. Auparavant, Urasawa avait déjà commencé la série Pineapple Army (de 1986 à 1988) qui totalisera au final 8 tomes (en France, nous n’avons qu’un recueil sous forme de One Shot paru chez Glénat).

Yawara ! va devenir un beau succès au Japon, remportant le grand prix Shogakukan en 1990, ayant droit à une adaptation animée ainsi qu’un film live et un jeu vidéo. Ce manga aura un impact culturel tel que la judoka Ryoki Tani, populaire dans les années 1990, sera surnommée Yawara-Chan. De plus, le titre connaîtra deux éditions deluxe, la première en 1998-1999, compilant la série en 19 volumes, et la seconde en 2013-2015, compte 20 volumes. C’est cette édition qui a servi de modèle à l’édition française qui nous arrive chez Kana. De quoi profiter de la série dans les meilleures conditions comme nous le verrons dans la partie suivante.

Quoi qu’il en soit, Yawara ! a été un succès retentissant pour Urasawa, dépassant les 30 millions de ventes uniquement au Japon. C’est d’ailleurs fort de ce succès que son éditeur lui a demandé de travailler sur une nouvelle série sportive, ce qui donnera Happy ! Et si le titre n’a pas eu autant d’impact, il reste une série de grande qualité dans la tradition de ce que Urasawa est capable de nous offrir. Enfin, précisons également que Yawara ! date d’une période où Urasawa était jeune et un véritable bourreau de travail, puisqu’il dessinait en parallèle Master Keaton dans un autre magazine. Depuis, il a constaté que des rythmes pareils n’étaient pas sans danger pour la santé et a nettement diminué, ne travaillant que sur une série à la fois, sur un rythme de parution plus haché, raison pour laquelle les tomes d’Asadora sont un peu longs à arriver.

De ce fait, j’espère que vous aurez compris que l’arrivée de Yawara ! en France n’est pas chose anodine, que ce soit pour les fans d’Urasawa, ou les fans de manga en général (car je me permets de penser que si on aime le manga, on doit s’intéresser à Urasawa à un moment ou à un autre).

Une édition de qualité

Je l’ai rapidement précisé dans la partie précédente, la présente édition française de Yawara ! est calquée sur l’édition Deluxe japonaise. Elle reprendra la tomaison de cette édition, en 20 volumes au lieu de 29 (Kana annonce des tomes d’environ 300 pages), dans un grand format similaires à ce qu’on trouve déjà en manga d’Urasawa, je pense à Happy ! ou encore Monster. Le papier et l’impression sont de qualité, tout comme la traduction, et les pages couleurs sont inclues ce qui est toujours un plus appréciable. Pour dire les choses clairement, c’est du bon travail, à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un éditeur comme Kana dans le traitement éditorial d’un de ses auteurs star.

Précisons que l’illustration de jaquette avait été faite par Urasawa pour l’occasion, et est bien plus moderne en terme de charte visuelle que ce qui se faisait à l’époque. Et surtout, l’illustration de Yawara est dans le style du Urasawa d’aujourd’hui. On pourrait dire que c’est un petit mensonge sur la marchandise car à l’intérieur du manga, le visuel est moins assuré et moderne. Mais la pratique est quand même répandue dans le monde de l’édition de manga, et n’a rien de choquant, mais si on prend l’ouvrage sans le feuilleter uniquement sur la base de sa couverture, on risque d’être surpris.

YAWARAPour finir sur l’édition, vous savez peut-être qu’Urasawa est coutumier du fait de reprendre ses œuvres et en modifier certains visuels. Que ce soit pour affiner l’expression d’un visage, corriger un problème de raccord ou tout simplement revoir la mise en scène d’une séquence, il aime retoucher à ses œuvres, ce qui fait parfois débat chez les fans. Et Yawara ! n’échappe pas à cette règle et dès ce premier tome, vous risquez de très facilement voir les planches modifiées, car on se retrouve plusieurs fois avec le visage de Yawara dessiné avec le style du Urasawa d’aujourd’hui au milieu de pages beaucoup plus marquées par son style des débuts. Un mélange qui peut perturber, certains disent que ça les fait sortir de l’histoire, mais me concernant j’aime bien car on retrouve des expressions de visage et des postures typiques d’Urasawa, de véritables plans signature, qui font toujours leur petit effet.

Mon avis sur ce premier tome

Nous arrivons donc à mon avis sur ce premier tome, après avoir rapidement resitué la série ainsi que cette édition spécifique. Nous sommes donc dans une comédie sportive, dans laquelle on suit la jeune Yawara Inokuma, entraînée depuis son plus jeune âge par son grand-père, lui-même ancien champion de la discipline. Il souhaite faire de sa petite fille la nouvelle star du judo non seulement au Japon, mais aussi au niveau mondial, la révélant aux jeux-olympiques de Barcelone en 1992 (rappelons que la série a commencé en 1987). Mais ce qui va s’écarter des canons du manga sportif, c’est que la jeune fille n’a pas envie de faire du judo, et souhaite simplement être une adolescente normale, qui pense au shopping et aux garçons.

Et c’est évidemment de cette dissonance que naît une bonne partie des situations comiques du manga, le grand-père étant clairement le personnage le plus haut en couleurs et le plus barré de ce premier tome. Même si, il faut admettre que ce côté « j’impose mes rêves et ma vision de la vie à ma petite fille » est un peu malsain en terme de modèle d’éducation… À voir comment ce sera développé par la suite.

Quoi qu’il en soit, cet élément central au récit permet de développer en parallèle les aspects sportifs et tranche de vie du titre, puisque Yawara essaie de s’extraire du monde du judo pour vivre sa vie, entre sorties entre amies, recherche d’un petit ami et vie scolaire. De là découlent des situations déjà assez variées, avec assez peu de liant pour le moment, ce qui ne dérange pas forcément dans la lecture d’autant plus que des objectifs à long terme se dessinent quand même.

YAWARA

De ce fait, on se retrouve dans une comédie qui fonctionne fort bien, à l’ambiance très agréable ainsi qu’au rythme maîtrisé (les 300 pages passent très vite). En bref, un premier tome réussi. Sauf qu’on est dans une série majeure de la carrière d’Urasawa, et pas dans n’importe quel titre. De ce fait, il y a une valeur ajoutée lié à cet aspect.

Car un des plaisirs de découvrir enfin Yawara ! vient du fait qu’on découvre un Urasawa encore très jeune, avec une expérience professionnelle de seulement quelques années dans le milieu. On prend donc plaisir à découvrir un style visuel très différent de ce qu’on connaît aujourd’hui. Même si, pour avoir lu le premier tome de Master Keaton, l’aspect très rond des visages notamment m’a rappelé ce titre (pour rappel, Master Keaton a commencé en 1988). Évidemment, on ne retrouve pas toute la virtuosité de l’auteur de Monster ou Billy Bat, mais ces débuts sont très prometteurs, et on retrouve déjà certains aspects de l’Urasawa qu’on connaît aujourd’hui, notamment dans le character design (en particulier celui du grand père).

Alors j’en conviens, cet aspect « découverte d’une des premières séries d’Urasawa » ne parlera pas à tout le monde, et certains pourraient simplement trouver l’écriture et l’esthétique du titre datées, mais en tant que fan de l’auteur, cela contribue grandement au plaisir de la lecture, d’autant plus qu’on est dans un travail de qualité. De même, des fans d’Urasawa pourraient rester sur leur faim compte tenu du fait qu’il s’agisse d’une ambiance très différente de celles auxquelles ont est habitué avec lui. Mais cet élément fait aussi partie du plaisir, car quel que soit l’artiste, j’aime découvrir des facettes différentes de son travail. Et si le titre rappelle Happy ! par son ambiance et certaines thématiques (notamment la célébrité et la rivalité entre une fille fortunée et une pauvre), je n’ai aucun doute sur le fait que Yawara ! va réussir à trouver sa propre voie. Et il ne faut pas oublier que Yawara ! a été publié avant Happy !, et non l’inverse.

Quoi qu’il en soit, ce premier tome est très réussi et très intéressant pour lui-même, que l’on s’intéresse ou non à l’œuvre d’Urasawa. Car ce serait triste de réserver un titre simplement aux fans acharnés, d’autant plus qu’on a ici déjà dans ce premier volume de beaux personnages, une ambiance qui fonctionne très bien et un début d’histoire qui donne envie de continuer, entre comédie et réflexions plus profondes comme Urasawa sait nous proposer. Et si on y ajoute l’aspect « historique » qu’a ce titre dans la carrière de l’auteur, ça en fait une série à côté de laquelle il serait vraiment dommage de passer.

33 commentaires

  1. Ton article est bien construit avec ses trois parties et me fait me rendre encore plus compte de la beauté et de la valeur de ce qui m’attend dans ma table de chevet depuis quelques jours déjà.
    Je ne pense pas avoir assez lu d’Urasawa pour profiter pleinement du côté première série mais je vais largement m’y retrouver quand même.

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  2. Voilà un billet complet 😊

    J’avais bien vue pour la couverture que l’illustration était plus récente, mais prise dans ma lecture, je n’ai pas fait attention à ces petits changements. Je vais le relire du coup.

    Après, même si le dessin fait plus vieillot, je trouve les mises en scènes dynamiques… Perso, cela ne m’a pas dérangée, car le récit est drôle et passionnant même pour quelqu’un qui n’aime pas forcément les séries sur le sport ou qui est une bille en judo.

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    • Effectivement, d’ailleurs je suis fans ce cas de figure, le sport en général ce n’est pas mon truc, et le judo mes parents ont voulu me forcer à en faire petit et j’ai arrêté rapidement 😆

      Le côté plus vieux du trait ne me dérange pas du tout non plus mais je trouvais qu’il fallait le signaler.

      D’ailleurs petite anecdote, c’est avec ton article sur ce titre que j’ai découvert ton blog car tu avais la seule critique sur livraddict à ce moment là !

      Je n’ai pas encore lu ton article sur Atchoum, car je n’ai pas encore fini de le lire mais j’irai voir ça dès que ce sera fait.

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      • Concernant le graphisme, c’est toujours mieux de signaler quand la couverture ne correspond pas à l’intérieur. Ca porte à confusion.
        Je ne sais plus si je l’ai fait dans mon article d’ailleurs.

        J’ai hâte d’avoir ton avis sur Atchoum ! J’ai beaucoup aimé malgré quelques petits bémol, mais là c’est vraiment personnel.

        Je me remets doucement au blogging même si j’entre dans une période compliquée.

        En surfant sur wordpress.com j’ai découvert pleins d’autres blogs sur le manga et sur la littérature qui sont passionnants,

        Je suis impressionnée par tes articles très complets. C’est très plaisant à lire.

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      • Merci beaucoup pour le compliment, ça me touche. Je fais de mon mieux avec le temps libre limité dont je dispose.
        C’est vrai que wordpress permet de faire beaucoup de belles découvertes en terme de blogs, et en terme de lectures également.
        Il ne me reste qu’une histoire à lire dans Atchoum et pour le moment, c’est plutôt du tour bon pour moi. Je trouve qu’Urasawa sait très bien s’adapter au format très court.

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      • WordPress.com a beaucoup évolué depuis que j’y suis ( au moins 12 ans avec mon blog )… je me souviens des débuts où il y avait encore peu de blogs en français… Parfois je me sens un peu larguée… Bref…

        Oui, Urasawa sait aussi bien faire des récits très courts que de longues histoires… Mon mari est méga fan de toutes ses œuvres, moi je suis plus sélective, mais dans l’ensemble c’est un excellent mangaka. Dans la même veine qu’Osamu Tezuka (pour dire). Il sait raconter des histoires et ce n’est pas forcément donné à tout le monde.

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      • Oui, moi il est devenu mon mangaka préféré. Il me reste encore quelques titres à découvrir, notamment 20th Century Boys dont je compte prendre la réédition de Panini qui sort dans quelques semaines, Master Keaton, et Yawara que j’achète en direct. Et enfin Pineappel Army, mais comme la série complète reste inédite en France, on ne peut qu’attendre…

        Vous avez un titre préféré d’Urasawa ton mari et toi ?

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  3. Dans le domaine du format édition deluxe, on ne peux jamais savoir à l’avance combien de tomes les séries choisies feront par rapport au nombre de volumes de poche.

    Voyons quelques exemples concrets :
    • « Ashita no Joe » : 8
    • « Cat’s Eye » : 15
    •  » City Hunter » : 35 (Petite précision à l’intention des éventuels curieux : les tomes suivant le numéro 32 ne sont pas numérotés mais marqués X Y et Z.)
    • « Death Note » : 6 (format double titré « Black Edition »)
    • « F.Compo » : 12
    • « Hikaru no go » : 20
    • « Hokuto no Ken : 14
    • « Monster » : 9
    • « Saint Seiya » : 22

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  4. J’aime beaucoup la façon dont tu présentes cet article même si je ne pense pas lire ce titre. Je l’ai feuilleté en librairie et la thématique ne me dit trop rien donc.. Toutefois j’ai appris des choses grâce à ton article donc c’est chouette o/

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  5. La figure du grand-père me donne à elle seule envie de découvrir le titre, car si je te rejoins sur le côté malsain d’imposer ses desiderata à sa famille, ça reste quand même quelque chose d’encore présent, a fortiori au Japon… Du coup, réussir à faire du comique à partir d’une situation tragique/pesante, ça attise ma curiosité !

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  6. Tu avais raison, je pouvais lire ta chronique de manière totalement safe, ouf ! (vu que je n’ai pas encore lu mon exemplaire ><)
    Je sens que la figure du grand-père va me plaire. J'aime l'idée de découvrir un Urasawa jeune, encore en construction. J'espère juste que le parallèle avec Happy ne va pas trop me gêner vu que je complète aussi la série en ce moment ^^!

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    • J’essaie en règle générale d’en dévoiler le moins possible, même si parfois c’est compliqué si je souhaite aborder des points précis.
      Mais avec ce premier tome, on reste dans de l’exposition et je suis resté relativement évasif sur ce qui se passe. J’ai passé sous silence énormément de choses pour rester sur la surface et le pitch de base.

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  7. Entre « Yawara » et « 20th Century Boys », je ne sais plus où donner de la tête… Je crois que je vais rester sur ce dernier. (quand il faut faire un choix…) Merci pour ton retour en tout cas !

    Pour le graphisme, je suis partagée… D’un côté, je trouve pas ça choquant (tu avais fait le comparatif entre deux planches sur Twitter, il me semble), d’un autre, je trouve ça dommage pour l’authenticité. Certains fans de l’auteur ont peut-être envie de découvrir son coup de crayon du début sur TOUTES les planches. Que l’auteur ne soit plus satisfait, ça me paraît sain et logique mais il ne devrait peut-être pas y retoucher… Je sais pas.

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    • En fait j’avais juste partagé le comparatif sur twitter, c’est le site L’antre secrète, spécialisé en Urasawa qui l’a fait.
      Personnellement, j’avoue qu’avoir des planches refaites avec le style du Urasawa d’aujourd’hui me plaît, mais c’est un débat sans fin la question des modifications à posteriori chez cet auteur. Du coup je me suis contenté de le signaler et à chacun d’avoir son avis sur la question je pense.

      Et effectivement, l’actualité Urasawa est super chargée actuellement, pour mon plus grand bonheur !

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