Ma Mangathèque Idéale #25 : Pino – l’I.A. émotionnelle de Takashi Murakami

Pino - Murakami

Après la réédition du Chien Gardien d’étoiles sous forme d’une très belle intégrale dans la collection Graphic, Pika nous fait la joie de publier dans un même format un autre titre de Takashi Murakami jusque là inédit en France : Pino – l’IA émotionnelle. Une histoire de science-fiction qui, si elle diffère en terme de cadre de récit, conserve une approche similaire de l’être humain en relation avec une autre espèce qui va mettre en exergue la question du rapport à l’autre et des émotions. Un programme qui, bien entendu, n’a pu que me séduire, d’autant plus que la question de la parentalité est ici centrale.


Un grand merci à Pika pour l’envoi de ce volume. Vous trouverez un extrait via CE LIEN.


Pino – l’I.A. émotionnelle est une série courte, prépubliée en 2020 dans le magazine Manga Action de l’éditeur Futabasha. L’édition française chez Pika, dans un grand format habituel de la collection Graphic nous permet d’avoir un one shot de très belle facture, de 320 pages avec pages couleurs, pour 20 euros seulement. La traduction est de Victoria Okada, et si ce n’est deux coquilles, je n’ai rien relevé de problématique, bien au contraire. Le texte est fluide et permet de retranscrire la poésie et la tonalité émotionnelle du récit, assez propre à cet auteur que je vous encourage à découvrir.

Le chien gardien d'étoilesAprès Le Chien Gardien d’étoiles avec lequel il a beaucoup en commun (jusqu’à la couverture à la composition assez similaire, où un être humain tend une main à une créature issue d’une autre espèce), Takashi Murakami nous propose une nouvelle histoire riche en émotions et en réflexion sur l’Homme et son rapport à l’altérité. Après avoir partagé les pensées et réflexions d’un chien, c’est à un robot que nous avons droit ici comme support émotionnel et physique d’humains en proie avec des difficultés de la vie. Le fait d’ailleurs d’offrir un récit assez miroir (que ce soit consciemment ou non) avec son manga phare est très intéressant en ce qu’il éclaire à postériori certaines thématiques du premier.

Mais ici, en prenant un contexte de science fiction et la question ultra rebattue de l’intelligence artificielle, l’auteur s’ancre dans un imaginaire très codifié, ce dont il a conscience. Il précise d’ailleurs dans la postface avoir dans un premier temps effectué pas mal de recherches sur le sujet, tout en s’autorisant à tracer sa propre voie, faisant fi de considérations scientifiques trop rébarbatives pour chercher surtout à atteindre sa vérité émotionnelle. Chose qui, pour ma part, me parle bien davantage.

Pour ce qui est du récit, le premier chapitre encapsule de façon quasi-autonome le nœud de tension principal de l’histoire, qui mêlera ensuite l’intime à des enjeux plus importants :

Pino est le nom générique du robot humanoïde produit en masse, équipé de l’I.A. « pino », la première intelligence artificielle au monde à atteindre la singularité technologique. Pino est donc le pionnier des robots réellement pensants, autonomes et dotés d’une intelligence qui dépasse très largement le niveau des êtres humains.
Hana travaille dans une entreprise pharmaceutique. Elle collabore à distance avec un Pino qui œuvre dans un laboratoire situé à des centaines de kilomètres. Le petit robot est en charge du bon traitement des animaux utilisés pour tester les nouveaux médicaments de la firme. Seulement, le jour où il apprend que son laboratoire doit être fermé, un changement drastique va s’opérer chez Pino…

Ce résumé éditeur ne dépasse pas le cadre du premier chapitre donc, car la suite de l’histoire suit deux intrigues liées, qui sont l’enquête d’un détective au sujet du disfonctionnement du fameux robot Pino dans le centre de l’entreprise pharmaceutique, et la vie d’une mamie qui perd légèrement la boule aux côtés d’un autre robot Pino, qu’elle prend pour son fils décédé. La simple évocation de ceci donnant une bonne indication sur la teneur émotionnelle du récit.

En mêlant ces deux niveaux d’intrigue, l’auteur s’autorise un peu de suspense, mais, surtout, questionne la naissance d’émotions et d’empathie chez une intelligence artificielle. Dans le cas du fameux Pino qui vit avec cette vieille dame en tant que robot thérapeutique (et qui est au final le personnage principal de l’histoire), le fait qu’il se fasse passer pour l’enfant décédé pour le bien de sa propriétaire me renvoie d’une certaine façon au film A.I. de Spielberg, où un couple décide d’acheter un robot pour supporter le coma de leur enfant malade. Et dans les deux cas, il y a une forme de quête de sa propre identité, qui se manifeste cependant différemment de l’un à l’autre (Pino semblant plutôt vouloir être considéré pour lui-même après avoir passé sa vie à s’effacer derrière l’identité de l’enfant mort, là où David de A.I. souhaite devenir un vrai petit garçon, comme Pinocchio, afin d’être accepté comme l’enfant de la mère pour de bon, à l’égal de l’autre).

Ce faisant, le manga questionne, de la même façon que Le Chien Gardien d’étoiles, la nécessité du lien à l’autre pour survivre, et comment certaines formes de vie sont prêtes à faire passer leurs propres besoins et aspirations au second plan pour rendre l’humain heureux. En travaillant ces thématiques via la question de l’intelligence artificielle, Murakami greffe son approche émotionnelle à la notion de libre arbitre, classique dans ce genre de littérature. Greffe qui prend fort bien ici, tant tout cela semble se marier tout à fait naturellement.

Et, sans trop déflorer les circonvolutions du récit, l’auteur arrive à trouver le ton juste en toute circonstance pour développer ses idées et son approche, avec notamment une patte graphique toujours aussi soignée et reconnaissable, s’autorisant des moments de pure poésie qui sont accentués par le point de vue de Pino sur tout cela. Ainsi, à l’image des meilleures histoires de robot, le titre arrive à nous ramener à notre propre humanité par le biais d’une créature artificielle. C’est en ça que Pino – L’I.A. émotionnelle est, à mes yeux, un titre aussi majeur que Le Chien Gardien d’étoiles.

3 commentaires

  1. Autant celui d’Akata me semblait juste une redite, autant celui-ci me semble une belle variation avec ce qu’apporte le mélange de SF et d’émotion. Je vais finalement peut-être me laisser tenter même si 20€ ça pique forcément car je ne trouve pas que le dessin justifie un tel format ^^!

    Aimé par 1 personne

    • Teuteuteu ! Le dessin est magnifique ! En tout cas moi j’aime beaucoup le style de l’auteur. Alors ça manque quand même un peu de chien à mon goût, mais le robot Pino offre quand même un remplaçant de qualité.

      Pour moi il n’y a aucun doute quant au fait que c’est avec Le Chien Gardien d’étoiles un des titres qui justifie son prix en terme de qualité.

      Aimé par 2 personnes

      • Haha tu aimes aller à contre-courant sur les dessins et auteurs. La preuve avec ta passion pour Oshikiri ><
        Je ne suis pas surprise que l'amoureux des chiens en toi ait noté ce manque. Mais je note que le robot compense bien, un bon point pour moi qui adore ces derniers 😉

        Aimé par 1 personne

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