Rensuke Oshikiri – Mangaka de l’enfance blessée

Oshiriki_RensukeIl y a des artistes qui arrivent à nous toucher en particulier, dont l’œuvre nous parle tout particulièrement. Et me concernant, Rensuke Oshikiri est de ceux là, après l’avoir découvert dès la publication française de Bip-Bip Boy, le premier de ses titres à arriver chez nous, chez Omake Manga qui est pour le moment le seul éditeur avec Mana Books à explorer l’impressionnante bibliographie de l’auteur. Et après quelques titres et deux animes, on peut déjà dégager une forte personnalité à cette œuvre, non seulement de par son esthétique marquée, mais aussi vis-à-vis de certaines récurrences que l’on va aborder ici.

Mais tout d’abord, pour proposer un portrait pertinent de l’auteur, petit retour chronologique sur certaines choses, afin de le resituer de façon globale.

Qui est Rensuke Oshikiri ?

Derodero DeluxeRensuke Oshikiri est un mangaka né le 19 septembre 1979, qui a déjà près de 20 ans de carrière derrière lui, ayant commencé en 2003 avec la publication de Derodero dans le Young Magazine, qui semblait déjà porter en germe beaucoup d’éléments caractéristiques de l’œuvre de l’auteur. Cette série en 16 tomes inédite en France raconte l’histoire de Mimio Hino, un jeune délinquant qui a la capacité de voir les esprits. On se retrouve ainsi au carrefour du manga sur l’adolescence, de la tranche de vie, du fantastique et de l’horrifique, soit des éléments que l’on semble retrouver dans beaucoup de ses œuvres, et en tout cas présents dans toutes celles qui sont disponibles en France. À noter que cette première série a connu au Japon une réédition Deluxe en 2013, le signe d’un auteur qui fonctionne bien et d’un titre qui a réussi à rester.

Et en effet, un élément déjà très remarquable est sa productivité. En moins de 20 ans de carrière, il a déjà dépassé la vingtaine de séries publiées, et si certaines sont très courtes (avec des one shot dans le lot), il a aussi dessiné quelques séries dépassant la vingtaine de tomes. Une productivité impressionnante, pour un mangaka qui avoue dessiner jusqu’à 200 pages par mois.

Le mangaka de l’enfance tourmentée

Yuuyami TokaiTrois ans et quelques one shot et histoires courtes après le début de sa première série, il confirme cet attrait pour l’adolescence et le fantastique/horreur avec une autre série longue (13 tomes), Yuyami Tokkotai, narrant les aventures de Tsuji, lycéen dont la sœur a été assassinée par un esprit, qui rejoint le Club de Recherches sur le Paranormal de son établissement afin de venger sa soeur.

PupipoEncore une fois, on retrouve une grosse focale mise sur l’adolescence, le monde des esprits et le rapport à la mort, et le cadre scolaire, récurrents dans son œuvre. Mais le mangaka ne manque pas non plus d’humour, composante qui peut être présente dans ces histoires fantastiques, et qui est également parfois centrale, comme c’est le cas dans la comédie Pupipo !, publiée à partir de 2007 et terminée en 3 tomes au Japon (et qui a connu une adaptation animée). On est toujours dans le cadre scolaire avec une bonne dose de fantastique, mais cette série semble être plus positive d’après ses couvertures et surtout son synopsis, qui aborde l’ouverture aux autres.

Je vais éluder les titres qu’il a sorti dans les années 2008 à 2010, car ce sont ceux que l’on a pu avoir en France, et j’y dédierai une sous partie spécifique. À l’exception notable de Tsubaki, une histoire de fantasy en trois volumes sur une jeune fille qui entend la voix des montagnes, et cherche à les apaiser des hommes qui les dérangent. Et rien que sur la base de ce pitch, je suis très intéressé par ce titre !

Ses mangas des 10 années suivantes continuent d’explorer les figures de l’enfance tourmentée, à l’image de Homura no Me (2012), série fantastico-historique en 6 tomes ou une jeune enfant est sauvée du salon de prostitution où elle vit par une créature extraordinaire. Enfin, Oshikiri a encore deux séries en cours actuellement, Hi Score Girl Dash, spin off de son titre phare chez nous, qui reprend le personnage de Hidaka des années après, alors devenue institutrice, une bonne façon d’explorer à nouveau la figure de l’enfance. La seconde est Flower, qui est un seinen dramatique sur lequel je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations.

Ce retour rapide sur son œuvre, non exhaustif, est surtout là pour mettre en avant des titres qui me semblent potentiellement intéressants, mais surtout l’importance de la figure de l’enfance dans la bibliographie de l’auteur. La majorité de ses mangas présente des enfants orphelins, en souffrance ou psychologiquement instables. Une bonne dose de fantastique accompagne également ces récits, et les personnages adultes sont parfois absents, d’autres fois responsables des problématiques des enfants (chose qu’on voit particulièrement bien dans ses titres parus en France).

Semai Sekai no IdentityAinsi, il semblerait que le sujet travaille vraiment l’auteur, et loin de moi la volonté de faire de la psychologie de comptoir, mais il semblerait qu’il ait quelque chose à régler sur ce point. D’où peut-être le fait qu’il ait publié le manga autobiographique Bip-Bip Boy. De même, en faisant mes recherches, j’ai découverte la série en 5 tomes Semai Sekai no Identity, l’histoire d’un wanabe mangaka qui se suicide juste avant que son projet soit validé, que la sœur va reprendre en mains pour faire honneur à son frère. L’histoire d’un auteur en devenir qui se suicide me semble assez forte dans l’idée également, et laisse à penser qu’il y est question d’une certaine souffrance psychologique liée au métier.

Ainsi, même si l’auteur a versé plusieurs fois dans la comédie, avec beaucoup de talent qui plus est, il y a un côté très dur dans l’approche psychologique (mais aussi visuelle) dans ses mangas.

GuranbaDernier point remarquable, que je lie à la thématique de l’enfance, l’importance des figures des grands parents. Je pense en particulier aux mangas Sayuri et Le Perce Neige, où dans un cas la grand mère, et dans l’autre le grand père, ont une grande importance dans l’histoire. La grand mère de Sayuri est développée d’une façon à la fois originale et percutante sur ce point. Il a également publié en 2015 le manga Guranba, comédie fantastique en un volume centrée sur une vieille femme.

Ses mangas parus en France

Et pour ce qui est de l’humour, on peut clairement constater avec ses deux premières séries sorties chez nous qu’il est à l’aise dans ce domaine. Bip-Bip Boy (2009) et Hi Score Girl (2010) sont encore deux séries focalisées sur la figure de l’enfance, mais dans une vision plus positive. La première, publiée en France par Omake Manga (qui est donc l’éditeur qui a amené l’auteur chez nous) est autobiographique et cache derrière son humour plein d’autodérision une forme d’amertume vis-à-vis de son enfance, mais aussi des difficultés de l’âge adulte. Et concernant Hi Score Girl, publié chez Mana Books, il s’agit d’une série tranche de vie sur les premiers émois amoureux, sur fond d’âge d’or du jeu vidéo d’arcade.

Mais avant ça, il y a aussi eu au Japon Le Perce Neige en 2008, paru chez nous en 2019 chez Omake Manga en deux volumes (contre trois lors de sa première parution japonaise). Cette série courte nous raconte comment un harcèlement scolaire va virer en vengeance sanglante, mais pas seulement. Le titre, malgré sa durée réduite, arrive à beaucoup surprendre dans son développement, et on comprend que la thématique globale n’est finalement pas le harcèlement scolaire (bien qu’elle soit présente et importante), mais bien l’enfance blessée et brisée, qui prend de nombreuses formes avec les différents élèves, mais aussi quelques figures adultes.

Et dans un registre similaire, mais dans le genre fantastique, Omake a également publié en 2020 le one shot Sayuri, paru en 2010 au Japon. Cette fois-ci, il est question d’une famille qui emménage dans une maison hantée par l’esprit d’une jeune fille décédée, de quoi exploiter une fois de plus cette thématique de l’enfance brisée.

En dehors de ces quatre séries, nous n’avons pour le moment aucun autre titre de l’auteur de disponible en France. J’ai plusieurs fois questionné Omake concernant la possibilité d’éditer d’autres mangas d’Oshikiri, et ils m’ont signalé être en bons termes avec l’auteur et son éditeur donc rien n’est impossible. Et pour le coup, je pense qu’il y a largement de quoi faire et des titres vraiment intéressants, d’autant plus qu’il a œuvré sur toutes sortes de durée. Il a fait beaucoup de one shot et séries très courtes (moins de 6 tomes), quelques séries plus longues (dont Hi Score Girl, qui fait 10 volumes et a un spin off qui a démarré au Japon).

Me concernant, j’espère vraiment qu’on aura droit à d’autres titres de l’auteur par chez nous, si possible toujours chez Omake qui fait un très bon travail d’édition. Que ce soit ses comédies, ses titres horrifiques ou la tranche de vie, je pense qu’il y a vraiment des choses potentiellement très intéressantes à découvrir pour nous.

High Score GirlÀ signaler aussi que l’anime qui adapte Hi Score Girl est disponible chez nous sur Netflix, et il s’agit d’une pure pépite à tous les niveaux, que ce soit l’animation en elle-même très fidèle au style de l’auteur, les musiques somptueuses, la valeur ajoutée avec les images des jeux vidéo, et le doublage français de très grande qualité. Un vrai bel anime en seulement 24 épisodes que je recommande très chaudement. Par ailleurs, Hi Score Girl est une série vendue à plusieurs millions d’exemplaires au Japon, et semble vraiment être LA série la plus importante de l’auteur, qui a sans nul doute puisé dans sa propre enfance.

Mais en plus de ça, le fait de se focaliser sur plusieurs enfants qui vont grandir au fil des épisodes/tomes permet de traiter avec beaucoup d’intelligence et de densité cette question, et le passage à l’adolescence. Ainsi, l’anime aussi bien que le manga me semblent deux excellentes portes d’entrée dans l’œuvre du mangaka… Que l’on peut ensuite compléter par la lecture de Bip-Bip Boy qui revient sur l’enfance d’Oshikiri et l’importance du jeu vidéo dans sa construction identitaire. Le troisième tome permet en plus de faire le lien avec Hi Score Girl, évoquant le succès du manga et les soucis de droits liées à son exploitation animée qui a fait beaucoup de mal au mangaka.

Tatami ChanOn peut aussi voir gratuitement sur Crunchyroll l’anime très particulier The House Spirit Tatami-Chan, petite comédie très sympathique très ancrée dans le style de l’auteur. C’est un format très court avec des épisodes de moins de 5 minutes, qui sont plus des petits sketchs, avec une animation des plus basiques, afin de conserver un budget très bas. Il n’empêche que l’anime ne manque pas de charme et permet d’avoir une œuvre de plus à se mettre sous la dent.

J’espère ainsi que ce retour sur cet auteur qui me parle tout particulièrement vous aura donné envie de le découvrir. Me concernant, je recommande tous ses titres disponibles chez nous, que je considère comme des pépites. Le fait qu’on ait à la fois de la comédie, de l’autobiographie et des récits plus violents ou fantastiques donne déjà un choix intéressant, tout en développant de façon systématique la question de l’enfance blessée, à la fois passionnante et fondamentale.

23 commentaires

  1. J’aime bien ce format d’article, ça permet de découvrir des mangakas que personnellement j’oublie souvent derrière leurs œuvres. Je retiens très peu de noms.. Alors que ce sont pourtant des auteurs à part entière, comme tu le montres encore ici. Et que je n’ ai jamais pensé le contraire, c’est juste.. Je ne saurais même pas expliquer. Bref c’était très intéressant à lire, merci pour la découverte 🙂 J’ajoute l’animé Hi Score Girl à ma liste sur Netflix pour commencer !

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    • Oui, la question de l’auteur et de son importance est vraiment quelque chose qui m’obsède.
      Après, le domaine du manga est assez spécifique dans la littérature, car c’est vraiment quelque chose de très collectif même s’il peut y avoir de véritables visions d’auteur. Et selon moi c’est vraiment le cas avec Oshikiri, qui arrive à vraiment me fasciner, d’où mon envie de parler de ses mangas, dans l’espoir que les titres évoqués arrivent en France à terme.

      Aimé par 2 personnes

    • Merci à toi pour ton commentaire !

      Me concernant, j’aime vraiment tous ses titres sortis chez nous, et j’espère de tout cœur que d’autres suivront. En regardant un peu ce qu’il avait publié au Japon, j’ai vu qu’il y avait encore largement de quoi faire et ça me fait vraiment espérer. Je croise les doigts pour que Omake continue de l’éditeur ici !

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  2. Super article.
    J’adore ce genre d’article centré sur des auteurs, ça permet de découvrir certaines pépites comme ce fu le cas très récemment pour moi avec Kouji Seo.
    Je ne connaissais pas rensuke oshikiri, mais j’ai déjà vu quelques-uns de ces titres en librairie (La perce neige et Hi-Score Girl). Je rajoute les 4 titres déjà sortis en France sur ma liste du futur achat, et j’espère qu’on aura aussi ces autres œuvres qui m’ont l’air très intéressantes avec les informations que tu nous décris.

    Aimé par 1 personne

    • Oui, j’espère aussi !
      Je m’étais déjà un peu renseigné sur ce qu’il avait fait, mais pour l’article, je suis allé chercher un peu pour trouver les synopsis des différents titres et ça donne vraiment envie. J’y crois beaucoup du côté de chez Omake, au moins pour les séries courtes et les One shot. Mais j’aimerais aussi voir ses series plus longues arriver chez nous !

      Merci à toi pour ton commentaire, j’espère que ça te plaira quand tu découvriras, et si tu as Netflix, je te conseille vraiment l’anime Hi Score Girl qui est top !

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