Mon avis sur… Sun-Ken Rock Deluxe T.3 de Boichi

Sun en Rock

C’est vraiment compliqué pour moi de parler de ce troisième tome de l’édition deluxe de Sun-Ken Rock, qui compile donc les tomes 5 et 6 de l’édition standard. Compliqué car Boichi n’a pas simplement du talent, il a du génie… Mais il a aussi des travers qui deviennent vraiment plus que problématiques. Compliqué car on se retrouve avec un tome quasiment irréprochable et un second dont la moitié est dingue également, mais l’autre moitié est ahurissante tant elle est honteuse. Et le pire, c’est qu’il semblerait que l’auteur n’en ait même pas conscience… Petit résumé avant d’expliquer ce que j’entends par là :

Ken a pris la tête d’une bande de joyeux malfrats délirants mais solides comme le roc. Après avoir laminé le groupe Gal-ki, le gang qui tyrannisait et exploitait le petit peuple de Yeong Deung Po, Ken et sa bande deviennent les protecteurs « officiels » du quartier.
Cette fois, ils se retrouvent mêlés à un différend opposant le groupe Fine et un casino…

Je vais prendre ce volume de façon linéaire, en veillant bien à segmenter les deux tomes qui le composent, afin de rendre compte le plus clairement possible de l’évolution de mon expérience de lecture. Le tome 5 commence donc en développant le monde des casinos en Corée (avec de nombreuses données chiffrées pour qu’on comprenne le poids financier de ce domaine, en le comparant au Japon et aux États-Unis). L’intrigue est lancée par une querelle entre le patron du groupe Fine, un des dix plus grands groupes industriels de Corée, et un casino tenu par un mafieux. Oh Dal-Soo, le PDG du groupe Fine ne tolère pas que son fils ait été malmené par un croupier, et envoie donc ses hommes régler leur compte aux employés du casino. Mais Ken (qui n’a pas été contacté pour aider le groupe lors de cet affrontement) décide de manipuler les médias pour faire arrêter Oh Dal-Soo. C’est alors que ce dernier, en liberté conditionnelle fait appel à la Sun-Ken Rock Team pour l’aider dans la guerre ouverte qu’il mène contre Lee Man-Gu, le directeur du casino. Ceci lance donc ce nouvel arc pour le contrôle du casino.

Casino

Comme on peut s’y attendre, il s’agit d’un arc extrêmement musclé et de ce point de vue, c’est toujours mené de main de maître, les planches d’anthologie avec des poses incroyablement iconiques s’enchaînant à un rythme frénétique. Mais il n’y a pas que l’action qui soit au top, l’écriture est également brillante, Boichi n’oubliant jamais de mêler les différentes strates de son récit en y intégrant toujours un commentaire social et politique fort sur son pays. On baigne ainsi dans une grande forme d’ambiguïté politique et morale en restant dans l’idée directrice posée dans le premier tome : y a-t-il réellement une différence dans la façon de fonctionner entre un gang et un état ? De la même façon, ce tome questionne les relations complexes entre le monde des jeux d’argent et l’État, dressant des parallèles passionnant et posant les bonnes questions. De ce point de vue, Boichi ne me déçoit aucunement et traite sa thématique avec un grand sérieux.

De plus, cet arc est encore et toujours l’occasion pour Ken d’évoluer et de s’affirmer de plus en plus comme un véritable leader. J’adore ce personnage car c’est un idéaliste plutôt vertueux, dans un monde totalement opposé à ses idéaux. Il souhaite avoir un salaire annuel, et très peu élevé qui plus est (16 000 dollars par an), comme un homme honnête. Il est d’une grande fidélité envers ses hommes et envers Yumin (quand bien même ils ne sont pas encore ensemble) et ne souhaite devenir plus fort que pour protéger les autres. On a l’habitude de dire que l’on retrouve des valeurs chevaleresques dans les récits de yakuza, et personnellement c’est un genre que je ne connais pas vraiment, mais j’ai le sentiment de retrouver cette idée à travers le personnage de Ken, et c’est ce qui me plait beaucoup chez lui.

Et ces deux tomes sont l’occasion pour lui d’évoluer encore. Comme je l’ai dit, une fois le cadre et les enjeux posés, ce double volume donne la part belle à l’action puisqu’une fois la Sun-Ken Rock Team dans le casino, ça ne va pas arrêter de se fritter. Ken se sépare rapidement du groupe pour monter les étages afin d’accéder à Lee Man-Gu, mais il va devoir affronter un par un ses boss. Cette construction linéaire avec combats de boss m’a beaucoup plu car elle rappelle les jeux vidéo mais est aussi l’occasion de mettre en scène des personnages très charismatiques et hauts en couleurs. Mais c’est aussi là que va arriver le moment de lecture qui m’a vraiment mis mal à l’aise.

Avant d’en arriver là, petit point rapide sur le tome 5 (la première moitié de cette édition deluxe donc). Ce tome est brillant à tous points de vue, magnifiquement illustré et écrit, il est quasiment irréprochable en tout point. Même la représentation problématique des femmes est ici quasiment absente. Par exemple, lorsque l’on entre dans le casino pour la première fois, on voit sur deux planches une strip-teaseuse à moitié nue, mais on ne s’attarde pas dessus. Là ça me va, on la montre car cela fait partie du cadre de la scène et pose l’ambiance, comme dans un épisode des Soprano. La représentation de la nudité partielle se fait dans un contexte où on n’est pas dérangé, on comprend ce que ça fait là. C’est plus problématique en cours de tome avec le personnage de Kae-Lyn, seule membre féminin de la Team, dont on voit absolument systématiquement la culotte. Cette tendance à la mettre tout le temps en sous vêtements tue tout le charisme du personnage pour moi tant Boichi abuse sur sa sexualisation. C’est d’autant plus dommage qu’elle aurait été super stylée en costume comme les autres membres de la team. C’est vraiment le seul point noir cependant de ce tome.

Ce qui n’est clairement pas le cas du tome suivant… Comme je l’ai dit, Ken se retrouve seul à devoir enchaîner les boss avant d’arriver à Lee Man-Gu. Les deux premiers sont excellents, ils ont chacun une caractérisation propre et leur affrontement sera l’occasion pour Ken de comprendre des choses concernant son statut de boss de gang, et ses idéaux. C’est bien écrit, parfaitement dessiné, avec deux adversaires originaux et intéressants, bref, un travail impeccable comme on l’aime chez Boichi ! Sauf que le troisième affrontement est clairement pas de ceux-là. Je vais spoiler l’identité de l’adversaire mais c’est pour la bonne cause : il s’agit d’une femme ultra sexy, quasiment nue, qui va utiliser son charme pour essayer de vaincre Ken, tout en l’attachant en mode 50 nuances de Grey au passage… Et là, rien ne nous sera épargné pendant les 3 CHAPITRES que va durer la séquence. Et comme ce n’est pas suffisant, on lui ajoute une jumelle pour être sur que le malaise atteigne son point culminant. Boichi va, vous vous en douter, s’en donner à cœur joie sur les cadrages des poitrines, des fesses et des entrejambes qui à ce stade ne sont qu’à peine cachées. J’ai totalement halluciné et je me suis même senti vraiment gêné tant j’avais l’impression de ne plus lire une histoire d’action et de mafieux, mais d’être en face d’un manga érotique à 100%. Et l’auteur ne cherche aucun prétexte pour justifier la scène (en même temps, comment justifier ça ?)… Personnellement, je m’en serai franchement passé, ça fait vraiment très tâche dans le récit. Mais à la limite, s’il tenait tant à faire affronter des personnages féminins, je me dis qu’il aurait dû tenter une approche plus pudique pour faire passer le truc, parce qu’en l’état, ça fait terminer ce volume pourtant très intense sur une note plus que négative.

Cependant, je tiens à signaler que je ne fais part ici que de MON expérience et de comment j’ai vécu la chose. Jusqu’ici, les travers de Boichi me gênaient mais je faisais avec. Mais dans ce volume, cela m’a clairement énervé. Je ne peux pas malgré tout ignorer les 3/4 de l’ouvrage que j’ai trouvé brillant, car l’auteur dessine et écrit merveilleusement. De ce fait, je donne un point de vue très personnel (comme toujours de toute façon) d’une expérience de lecture qui m’est également personnelle. Je ne souhaite pas faire les donneurs de leçon ni dire si vous devez passer outre ces éléments, ou au contraire boycotter l’oeuvre à cause de ça. Chacun a son point de vue sur la question, et je souhaitais simplement donner le mien. Personnellement, je vais continuer, même si je sais que l’arc suivant va me mettre hors de moi puisqu’il sera apparemment encore pire de ce point de vue. Mais j’aime cet univers, ces personnages et le style de son auteur, donc dans ces moments, je serre les dents et j’espère que ça passera vite, pour revenir à ce qui me fait vibrer dans Sun-Ken Rock. Car malgré tout ça, il y a vraiment quelque chose de définitivement brillant dans cette série qui me touche.

En résumé, cette lecture fut très particulière entre ses 3/4 qui m’ont encore une fois soufflé de par le style visuel ultra brutal de Boichi, allié à une écriture de grande qualité qui développe une belle richesse thématique, et ce dernier quart dégueulasse. De ce fait, comme je l’ai dit plus haut, je ne tiens pas à encourager ou non à la lecture de l’oeuvre, de toute façon chacun et chacune est libre de faire à sa guise. Mais de mon point de vue, on est face à un ouvrage qui a du génie, c’est indéniable, mais ici vraiment entaché par des choses que je n’aimerai plus voir chez cet auteur (mais qui visiblement sont profondément ancrées en lui).

3 commentaires

  1. Merci pour cet exposé détaillé, il n’y en a pas beaucoup et c’est cool de voir chroniqués chaque volumes d’une série complète (j’essaye de le faire également mais en plus bref que toi). Par contre si tu bloque vraiment sur l’aspect semi-hentai, arrête tout de suite car il y en a d’autres… Boichi doit être un obsédé ou totalement soumis aux chiffres de vente des otaku japonais car son manga est une alternance baston/sexe. Je n’ai pas de problème avec les filles nues dans les BD mais effectivement ici elles sont totalement chosifiées et ca devient vulgaire. L’esprit mafia justifie partiellement cette vision (celle des personnages). C’est étrange qu’il puisse passer ainsi du manga ecchi au manga scientifique pédagogique comme Dr Stone. Wallman est court et plus propre et on dirait qu’Origine réequilibre un peu ses pulsions (pas encore lu)….

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  2. Ce que je vais te dire va t’horrifier mais bon. Ce tome n’était clairement pas le plus gênant côté fesse. Mais genre… Vraiment pas mdr (donc ça correspond au tome 6 de la version classique). Le tome 8 est complètement trash. Je te le dis en guise de soutien mental.
    Sinon, ton retour était fidèle à l’œuvre, 😉j’espère juste que le tome 4 en deluxe ne te fera pas suer 😂

    Aimé par 1 personne

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