Le Monde selon Setchan est ma première incursion chez l’éditeur Le Lézard Noir, qui propose des mangas qu’on pourrait qualifier d' »exigeants » (même si je ne raffole pas de ce terme), ou en tout cas qui ne sont clairement pas les plus mainstream, et qui se destinent à un public adulte. Ça tombe bien, j’en suis un, et j’aime bien de temps en temps aller vers des titres un peu différents de ce que j’ai l’habitude de lire.
Cette maison d’édition se caractérise également par un soin tout particulier accordé à l’objet, ne produisant que des grands formats si je ne dis pas de bêtise, avec un papier et un encrage de qualité, justifiant le prix des volumes (Setchan coûtant 11 euros par exemple). Un positionnement qui me parle et qui donne de beaux résultats, comme on va le voir avec ce titre en particulier.
Le Monde selon Setchan est donc un one shot, que l’on doit à Tomoko Oshima. Il semblerait que ce soit le seul titre de cette autrice, que j’aimerai revoir à l’occasion, car son style visuel et d’écriture détonne, au point où l’on pourrait presque croire que l’on ne lit pas un manga. Voyons donc plus en détails de quoi il en retourne.
Dans un monde alternatif, la société tokyoïte est secouée par des mouvements étudiants. Sur fond de terrorisme et de préoccupations nucléaires post- Fukushima, Setsuko, étudiante, fait figure d’exception. Apolitique, détachée de cette réalité, elle n’a d’attrait que pour le sexe sans engagement. Par un après-midi ensoleillé, elle sera pourtant abattue dans une fusillade. Entre temps, son destin aura croisé celui d’Atsushi un autre étudiant sans histoires.
Ceux que l’on surnomme Setchan et Akkun, ces deux êtres que tout oppose, vont se rapprocher et se perdre.
Comme l’indique le résumé, Setchan, le personnage principal du récit, meurt dès les premières pages, et on revient au fil du manga sur des petits épisodes de sa vie. Un choix scénaristique qui n’est pas anodin, puisque toute la lecture se fera à l’aune de ce destin funeste que l’on connaît d’avance. Et c’est encore moins anodin quand on lit le titre, puisqu’on a le sentiment que Setchan passe finalement dans cette histoire comme un fantôme, qu’elle aurait pu faire des choses, vivre des événements, mais que finalement non.
Akkun, le personnage masculin, semble être le témoin de ceci. Il apprend à la connaître, se dit qu’elle est bête, mais noue quand même un certain lien avec. Lien dont on sait qu’il ne pourra pas aller bien loin, compte tenu de la finalité de cette histoire.
Le manga est structuré en petits chapitres assez courts (entre 10 et 20 pages), finalement assez peu narratifs. On pose plutôt un cadre, un peu particulier et surtout très anxiogène, avec un terrorisme omniprésent et des jeunes qui s’en inquiètent, s’en moquent, ou vivent avec, tout simplement. Et si le manga est peu narratif, il dit cependant beaucoup de chose. Avec le portrait de ces deux personnages qui, chacun à leur façon, semblent « faire avec » et ne pas vraiment se soucier de ce qui se passe, l’autrice semble nous décrire un monde qui n’a pas vraiment de sens, et dans lequel on n’en cherche plus.
Elle explique avoir créé le personnage de Setchan en 2010 mais que suite aux événements de Fukushima, elle ne correspondait pas aux différentes visions du monde qui se confrontaient. Et c’est peut-être ça qui frappe : on voit des personnages sans idéaux dans un monde bourré d’idéologie, mais qui finalement ne parle pas aux individus, qui ne sont plus en recherche de quoi que ce soit.
Le récit se déroule, avec très peu d’avancée, si ce n’est la rencontre entre Setchan et Akkun, mais comme on sait que les choses seront finalement brisées, on se dit à quoi bon ? Et c’est ce qui m’a plu dans ce récit. On capte un moment de vie, qui est finalement insignifiant, et il se termine. C’est extrèmement triste, mais c’est surtout parce que ces vies apparaissent comme totalement dépassionnées, victimes de ce monde qui n’a pas de sens. C’est une histoire qui a une forme de radicalité, sous le vernis d’un dessin très doux, et qui ne parlera pas forcément à tout le monde. Moi ça m’a beaucoup touché.
Vous pouvez trouver d’autres avis (bien mieux construits que le mien qui est, je l’avoue, un peu bordélique… ça arrive) via les liens en dessous :
Cat’n Geek
La pomme qui rougit
Les Miscellanées d’Usva
Je cherchais juste des avis pour me faire une idée, le tien tombe à pic. Je ne pense pas que ça me plairait, c’est justement trop peu narratif pour moi. Par contre, j’aimerais bien recroiser l’autrice sur autre chose.
Merci pour ton avis honnête et complet, je trouve 🙂
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Ah ben tant mieux si ça a permis de t’aiguiller, j’ai eu le sentiment que c’était un peu confus…
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Visuellement, c’est tout à fait mon style et c’est vrai qu’il est étonnant au premier abord avec ce synopsis ! Je jetterais bien un coup d’œil à l’occasion si je tombe dessus en librairie 🙂
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Je t’y encourage !
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C’est une très bonne maison d’édition, tant par la qualité d’édition que par les choix des titres, j’adore. 😍
Je n’ai pas encore eu le temp de tester celui-ci mais après ton avis, il monte au sommet de ma whishlist 😉
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J’espère que le style de parlera alors, car c’est quand même assez particulier. J’ai essayé de traduire au mieux ce que j’avais ressenti en le lisant.
Chez Le Lezard Noir, il y a Le Tigre des Neiges qu’il faut que je lise, et Tokyo Tarareba Girls qui est prévu quand il sortira.
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Je comprends t’inquiètes ! C’est difficile à retranscrire ce genre de titres.
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Je ne connaissais pas du tout cet éditeur ni ce manga, merci pour la découverte ! Je pense que ça pourrait me plaire, je vais me le noter 🙂
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Cool ! J’espère en effet que si tu le lis il te plaira.
C’est vrai que Le Lezard Noir est u petit éditeur, et c’est vraiment pas du manga très mainstream qu’il édite donc il est asse peu connu.
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Justement je trouve ça cool, en roman je lis peu de mainstream alors pourquoi pas en manga aussi ? 🤔
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En effet, c’est juste que je préfère préciser parce qu’il faut être dans le mood du coup pour ce genre d’histoire. Mais je ne doute pas du fait que ce soit ton cas.
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Le titre semble avoir le mérite de ne pas tomber dans la facilité ni le passe-partout.
Après avoir lu ta chronique, je regarde différemment la couverture avec ses couleurs peu accentuées qui semblent parfaitement correspondre à l’ambiance de ce manga et à cette idée que « Setchan passe finalement dans cette histoire comme un fantôme ».
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En effet, en tout cas c’est le sentiment que j’ai eu en lisant le manga.
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Je confirme, ce moment de vie qu’on capte pleins d’émotions m’a vraiment touché ! (Et je viens de voir que t’a mis le lien vers ma chronique, merci c’est trop gentil ♥)
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De rien, c’était important pour moi de partager d’autres avis car je trouvais que le mien manquait un peu de clarté. Du cou en partageant d’autres points de vue ça peut donner une idée plus précise sur le titre.
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Je l’avais vu chez Usva. Intrigant mais je sais pas encore si je tenterai le coup. 😊
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Je comprends ta sensation de ne pas trouver les mots, ça m’arrive aussi, parfois on a beaucoup aimé un livre mais impossible d’expliquer pourquoi. En tout cas, moi tu m’a convaincue. Le graphisme me séduit beaucoup mais la présentation de l’éditeur me laissait assez perplexe. Ce que tu en dit en revanche me fait très envie. Je vais quand même aller jeter un oeil aux autre critiques pour voir 🙂
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Oui, je trouvais aussi que le résumé était peu clair et pas trop en phase avec le récit.
Mais je pense qu’ils ont aussi eu un peu du mal à vraiment décrire le titre.
J’espère que tous les avis cumulés te permettront de te faire une idée plus précise du titre.
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[…] : l’Apprenti Otaku La manière dont l’ami Otaku décrit ce titre m’a beaucoup intrigué: comme un moment […]
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Vraiment un titre unique auquel il est difficile de trouvé les mots pour décrie ce qu’on en ressens une fois l’avoir lu.
Comme la si bien dit Vagabon dans ton article « ça raconte rien mais en même temps ça raconte tellement de trucs ». J’ai vraiment eu l’impression après avoir terminé ma lecture d’avoir assisté à un bref passage presque insignifiant d’une vie, mais un passage suffisant pour comprendre qui était Setchan, mais aussi sa vision sur les manifestations et attentat qu’elle accepte et sais que peu importe la finalité, cela ne changera rien à sa façon de vivre sa vie.
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Je pense que c’est un peu le but l’idée que ça ne raconte rien, et beaucoup en même temps.
C’est un titre propice à l’introspection je trouve, et c’est ce qui m’a plu personnellement.
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