Je crois que mon nouvel adage va être « il n’est jamais trop tard pour se lancer dans une série longue ». Car si comme tout le monde je cède (trop ?) souvent aux sirènes de la nouveauté, rien ne me plaît plus que découvrir des séries de grandes qualité qui ont déjà de la bouteille quand bien même ça entame parfois sérieusement mon budget. Avec Vinland Saga, j’ai eu la chance de pouvoir découvrir la série en médiathèque, et elle est devenue une de mes préférées, au point où j’achète les tomes petit à petit afin de l’avoir d’une part, et de soutenir l’auteur, Makoto Yukimura d’autre part.
Ce chef d’œuvre entrant dans sa dernière partie, pour une fin prévue d’ici 5 ans avec environ 30 tomes au compteur final, je me dis qu’il est toujours temps de le découvrir, d’autant plus que Kurokawa fait actuellement une promotion sur la série avec les deux premiers tomes au prix d’un.
Tout ça pour dire que je pense continuer encore longtemps à vous bassiner avec ce manga, qui est pour moi extraordinaire, et ce vingt-troisième volume ne déroge pas à la règle. Cet article contiendra un minimum de spoil afin d’être lisible par tous et toutes, mais je vous renvoie également à mon article sur les tomes 1 à 8 pour vous faire une idée de la qualité de la série (sachant que pour moi c’est à partir de l’arc suivant qu’on arrive dans quelque chose d’exceptionnel).
La guerre de succession des Jomsvikings s’est achevée. Thorfinn et sa troupe s’apprêtent à repartir vers Miklagard, étape indispensable pour financer leur voyage vers le Vinland. De son côté, Sigurd, le mari de Gudrid venu jusqu’à Jomsborg pour la retrouver, s’apprête à rentrer en Islande. Gudrid a promis qu’elle rentrerait avec lui. De son retour dépend l’honneur de Sigurd. Pourtant, après avoir été au cœur d’une guerre sanglante, Sigurd a des doutes. Gudrid et lui doivent-ils vraiment vivre l’existence que Halfdan, le père de Sigurd, a choisie pour eux ?
Petite précision avant d’entrer dans le vif du sujet, ce tome longtemps attendu ne fait que 140 pages. Ou plus précisément, seulement 140 pages sur les environ 200 sont dédiées à Vinland Saga, le reste étant une histoire courte qu’avait écrit Makoto Yukimura il y a plus de 15 ans, avant de se lancer dans sa fresque viking. Mais passé la frustration de ne pas avoir autant de matière que d’habitude, il faut reconnaître que cette histoire courte, focalisée sur un ancien samouraï ayant vraiment existé, est de toute beauté et délivre une très belle morale dans son final à la fois très émouvant et très intelligent. Yukimura explique qu’il y a une parenté thématique avec Vinland Saga, car cette histoire pose la question de ce que vivre signifie, et je trouve en effet qu’il touche à quelque chose de vraiment puissant, comme dans Planètes et Vinland Saga. Tout ça pour dire qu’encore une fois, la politique des auteurs ne ment pas dans le cas de Yukimura, et on trouve une vraie constance thématique dans ses œuvres, en plus d’une virtuosité qui va grandissante.
Ceci étant dit, on peut passer à ce qui nous intéresse le plus dans ce tome 23, c’est à dire l’avancée de l’histoire. Même si en réalité, on est plus dans un moment de battement, où les choses n’évoluent pas des masses. Mais c’est justement ce qui est intéressant, car on peut ainsi prendre le temps de se poser, d’approfondir certains personnages et poser des questions intéressantes.
Et pour ce qui est de l’approfondissement, ce tome est clairement celui de Sigurd, comme on pouvait le deviner à la couverture. On clôture ici tout le parcours de ce personnage que j’ai trouvé absolument passionnant. Car si Thorfinn est sûrement le personnage le plus densément écrit et le plus magnifique de la série (voir mon article qui lui est consacré), Yukimura développe aussi ceux qui sont secondaires avec un talent et un soin qui forcent le respect. Et Sigurd bénéficie très clairement de ce soin, avec un rôle très secondaire mais une évolution passionnante qui trouve ici son aboutissement, alors qu’il finit par prendre son destin en mains et s’émanciper de son père.
Ainsi, entre moments de vie, séquences humoristiques et réflexions profondes sur ce qu’il est, Sigurd finit par trouver sa propre voie, et quitte l’intrigue de la plus belle des façons (car je suppose qu’on ne le verra plus).
Mais si une grosse partie du volume lui est dédié, on ne met pas Thorfinn et sa bande de côté. Évidemment, on va reprendre là où on en était, et si comme mois vous vous êtes renseignés sur la réalité historique, vous ne serez pas étonnés en apprenant comment évolue la relation entre notre héros et Gudrid. On a également droit à une mini ellipse de deux ans, où l’on passe une partie du voyage commercial de nos héros, qui visait à trouver les fonds pour leur expédition au Vinland. Ainsi, après s’être posés un peu, ils vont certainement pouvoir reprendre leur voyage afin d’atteindre l’objectif que Thorfinn s’est fixé.
En résumé, si ce tome est surtout un volume de transition avant de reprendre les choses sérieuses, il n’en reste pas moins une lecture magnifique, totalement au niveau du reste de la série. En apportant une belle conclusion au parcours de Sigurd, tout en faisant le lien avec Thorfinn et sa bande, Yukimura continue de développer son discours humaniste, dans un récit aux grands enjeux qui n’oublie jamais que les destins individuels et les personnages sont le cœur du récit. On ne le dira jamais assez, Vinland Saga est un pur chef d’œuvre.