Tokyo Tarareba Girls T.2&3 et Trait pour trait T.2 de Akiko Higashimura

Après avoir découvert Akiko Higashimura en 2020, et être tombé en amour pour le style de la mangaka, je continue mon exploration en poursuivant deux de ses séries en cours actuellement en France : Trait pour Trait et Tokyo Tarareba Girls. Deux séries différentes, mais qui finalement sont intéressantes à lire et évoquer conjointement.

Pour rappel, Trait pour Trait est une série autobiographique en 5 tomes évoquant les jeunes années de la mangaka, centrée sur sa relation à son professeur de peinture qui a eu, on le comprend vite, un impact énorme sur le devenir de Higashimura. Tokyo Tarareba Girls est, de son côté, une série en 9 tomes plus basée sur les nombreuses plaintes de ses amies célibataires, dans laquelle trois trentenaires en crise se retrouvent régulièrement pour se plaindre de leur vie affective compliquée. Deux sujets qui n’ont rien à voir, mais dans les deux cas, on retrouve le style spécifique de la mangaka, et finalement on a l’impression que les deux lectures se nourrissent mutuellement. C’est en tout cas comme ça que je le ressens, du fait qu’elles sortent conjointement.

Trait pour traitCela vient je pense de deux similitudes importantes dans ces séries, qui est le rapport au passage du temps et un côté assez amer lié à cela. Dans Trait pour trait, tout ça s’exprime vis-à-vis de la figure du professeur, dont on suppose qu’il est décédé, puisque Higashimura s’adresse à lui dans la narration, mais avec beaucoup de regrets concernant le fait qu’elle n’ait pas pu lui dire certaines choses, le présenter à son entourage, etc… De ce fait, si on a eu aucune confirmation pour le moment, il me semble évident que le professeur est mort, et cette relation à cet individu disparu contribue grandement à l’aspect amer du titre, et à sa tonalité émotionnelle.

Dans Tokyo Tarareba Girls, le côté amer vient, quant à lui, du rapport au fait de vieillir et de faire du sur place dans sa vie. Soit encore une fois une réflexion sur le passage du temps, bien qu’elle se manifeste différemment. Les trois amies vivent chacune des histoires d’amour compliquées, et ressentent une énorme pression vis-à-vis du fait qu’elles ne sont pas encore mariées à plus de 30 ans. De là découle une tonalité particulière, assez mélancolique, et finalement plutôt universelle dans les interrogations posées, qui rend ces trois femmes particulièrement justes et touchantes dans leur développement.

Mais tout cela n’est pas fait sans humour, bien au contraire. Et ce dans les deux séries !

En effet, un élément qui caractérise Akiko Higashimura dans tous ses titres disponibles en France (les deux concernés ici, mais aussi Princess Jellyfish et Le Tigre des Neiges, que j’ai commencé également en 2020) est son humour absolument décapant, et qui a en plus cette qualité d’être toujours adapté à la tonalité globale des séries. Car chacun de ses titres a vraiment un ton différent, et si l’humour est une constante, Akiko Higashimura l’adapte afin que cela soit toujours en phase avec son storytelling global. Je pense notamment au Tigre des Neiges où son humour passe beaucoup par son rapport à l’aspect historique, la mangaka se mettant en scène pour apporter de la légèreté aux passages les plus potentiellement lourds.

Cet humour passe en partie par les situations, parfaitement exploitées, mais également par un sens du dialogue impressionnant avec un tempo comique d’une grande précision. Et sur ce point, impossible de ne pas évoquer le travail de traduction. J’ai déjà parlé de mon rapport à cette question, étant bien incapable de juger de la fidélité d’une traduction. Par contre, je me sens capable d’émettre un avis sur la qualité du phrasé et de la fluidité du texte.

TTGEt en l’occurrence, dans le cas des mangas de Akiko Higashimura, le travail de traduction a une importance capitale tant la mangaka accorde une attention maniaque au texte (en tout cas, c’est le sentiment que j’ai en lisant ses titres). Et ces deux séries sont traduites par Miyako Slocombe, qui a par ailleurs remporté il y a quelques jours le prix Konishi de la traduction de manga pour son travail sur Tokyo Tarareba Girls. Une bonne occasion pour rendre justice au travail des traductrices et traducteurs, sans qui on ne pourrait tout simplement pas profiter de la richesse du manga. Et dans le cas des titres de Akiko Higashimura, l’importance que l’auteur accorde au texte et en particulier aux dialogues fait que le travail de traduction est d’autant plus important pour conserver le style de la mangaka.

Et la traduction de manga m’intéresse par ailleurs beaucoup en tant que lecteur (pour rappel, je n’ai pas la moindre notion de japonais), et j’aime quand ce genre d’occasion permet de mettre sous les feux des projecteurs le travail des traducteurs et traductrices, qui est aussi l’occasion d’avoir des textes très intéressants nous expliquant ce qui se joue dans le processus de traduction.

Avec tout ça, je n’ai pas franchement abordé l’évolution des deux séries, mais au moins ça évite les spoils intempestifs. J’espère surtout qu’à travers cet article, vous ressentez un peu en quoi le travail d’Akiko Higashimura me touche et me parle tout particulièrement. Et comme on a encore assez peu de séries de cette mangaka pourtant majeure chez nous, je pense qu’il n’est pas nécessaire de préciser que je recommande grandement l’achat de ces deux séries, mais également du Tigre des Neiges. Je citerai bien aussi Princess Jellyfish, mais on ne peut se la procurer qu’en numérique… ce qui reste mieux que rien !

35 commentaires

  1. On ressent bien ton intérêt pour ces deux titres quand on te lit ! Hélas ce ne sont définitivement pas des séries faites pour moi. En tant que femme je n’ai aucun attrait à suivre des filles qui regrettent de ne pas être mariées à 30 ans. Je sais que c’est culturel, je respect ce souhait et cet aspect, toutefois ça se pose totalement à l’opposé de mes propres conceptions. Du coup aucune chance que j’arrive à m’identifier ou même à m’intéresser à leurs états d’âme.
    Je trouve par contre intéressant que tu soulignes le travail de traduction, on n’en parle pas assez je trouve que ce soit en manga ou en roman. Alors que comme tu dis, ce sont ces personnes qui nous permettent d’accéder à plein d’œuvres très riches venues de partout dans le monde ! On devrait les mettre davantage en avant, je suis contente de lire que des prix leur sont dédiés 🙂

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    • Oui, pour la question de la traduction j’ai vraiment profité du contexte de la remise récente de ce prix pour glisser un mot. Je ne me sentais pas capable d’en dire plus, ne pouvant pas du tout juger de la qualité d’une traduction.

      Pour Tokyo Tarareba Girls justement, la mangaka traite vraiment la question en étant pas tendre avec les personnages. Elle explique dans les postface qu’elle a commencé cette serie parce que les remarque de ses amies célibataires l’insupportaient (de son côté elle est divorcée) et du coup je pense vraiment qu’elle veut mettre en avant un côté pathétique chez ces trois femmes. Ce qui n’empêche pas d’être touché par elles, car malgré tout on sent bien qu’elles sont malheureuses, et surement un peu victimes des représentations sociales Japonaises.

      Pour faire simple, tu ne cherche pas à comprendre et tu vas lire cette serie, et ensuite tu viendra dire merci ! 😁

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  2. Tokyo Tarareba Girls me tente de plus en plus pour différentes raisons. C’est toujours passionnant de voir comment une femme dépeint les travers d’une société dans laquelle elle vit. Le Japon reste assez arriéré dans sa vision de la liberté des sexes (et pas que…). Une des raisons pour laquelle ça a « clashé » avec le père de mes deux grands.

    Concernant la trad, pour l’avoir vécu à une époque, c’est très compliqué de retranscrire correctement le Japonais en Français. Les expressions, les structures des phrases… Le sujet est intéressant.

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  3. Un très bel article qui souligne bien les qualités de cette autrice que j’apprécie aussi énormément.
    Je suis bien d’accord pour dire toute l’importance de la traduction dans ses titres. Il y a d’ailleurs eu un très joli tweet sur la tournure de génie « y a cas faut conne » (pas sûre de l’orthographe…)
    Par contre, j’ai un peu moins aimé les derniers tomes sortis dans chaque série par rapport au précédent ^^!

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      • Lol quand je suis déçue, ça se ressent direct sur ma note oui ^^!

        Je trouve aussi ça intéressant et j’aimerais bien qu’on en parle plus souvent. Je me suis frottée à la traduction il y a quelques années (Angl > Fr) et j’adorais cela. Du coup, je me retrouve dans certaines interrogations ^^

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  4. Un tres bon article comme d’habitude ! J’avais adoré le premier tome de trait pour trait il faudra que je me procure le deuxième. Par contre je n’ai pas essayé TTG. Pour la traduction c’est un travail de l’ombre qui manque de reconnaissance je trouve. Bonne journée à toi !

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    • Pour Trait pour Trait, le second tome a moins d’humour, même si il en reste quelques traces. Le ton commence à se faire plus sérieux et émotionnel. On n’y perd clairement pas au change selon moi.

      TTG, c’est génial ! C’est pour le moment son titre qui me parle le plus, même si sur ses 4 séries dispos en français, je trouve clairement qu’elles sont toutes très réussies.

      Et on est d’accord concernant le travail des traducteurs et traductrices. C’est d’autant plus important de les mettre en avant qu’avec le scan illégal, beaucoup se sentent pousser des ailes et jugent les traductions officielles à l’aune de ce qui se fait en scan, et viennent remettre en question le travail des professionnels. C’est pour ça que je mets en avant aussi le fait que je ne suis pas apte à juger, car je vois sur les réseaux beaucoup de gens qui ne lisent pas un mot de japonais venir critiquer des traductions sur la base de ce qu’ils lisent en scan (souvent traduit de l’anglais, ou via des logiciels de trad…).

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      • Oui comme toujours il y a des gens pour critiquer sans connaître… Les réseaux n’aident en rien à calmer le jeu malheureusement… Comme toi je ne suis pas apte à juger de la qualité de la traduction ne connaissant rien au japonais mais quel travail de fou! J’ai lu pendant mes quelques moi d’absence l’intégral de Don Rosa (du Picsou quoi) et il explique certains jeux de mots qu’il a fait dans la version originale et c’est la que tu te dis mais quel casse tête pour les traducteurs !! Vraiment bravo à eux pour leur travail.

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      • Oui, avec l’anglais j’arrive à voir plus facilement déjà. Et en effet, il y a tellement de paramètres à prendre en compte ! Sacré boulot !
        J’imagine même pas ceux qui font les simultrad au chapitre, où ils ont très peu de temps pour rendre leur traduction, ça doit être le méga stress !

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      • Franchement, avec les fuites sur Internet, je ne suis même pas sur.
        Je ne suis pas trop calé sur le sujet, mais je sais que par exemple au cinéma, avec le piratage, le travail de traduction et de doublage est devenu de plus en plus compliqué. Certains comédiens de doublage ont expliqué que parfois, ils doivent faire leur travail avec comme seule base des images tronquées où on ne voit que le bas du visage des acteurs.

        Pour ce qui est du manga, il faudrait demander à des traducteurs ce qu’il en est, les évolutions de tout ça et la différence entre traduire au tome ou au chapitre en simultrad.

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      • Oui c’est un sujet plus que sensible… Je verrai bien si je le sors mais je l’ecrirai malgré tout je pense. C’est un peu dommage de ne pas pouvoir discuter de ce sujet… Mais c’est sûr que se retrouver inondé de message négatif (à minima…) ça n’encourage pas à se lancer…

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  5. Je me suis fait également cette réflexion, dur le professeur qui doit être mort dans « Trait pour trait ». Je pense que c’est son décès qui a déclenché ce besoin de raconter tout ça. J’ai été très chamboulée en tout cas, avec ce deuxième tome. Vivement la suite !

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  6. […] Tokyo Tarareba Girls T.2&3 et Trait pour trait T.2 de Akiko Higashimura : Les articles de L’Apprenti Otaku sont toujours agréables à lire et complets. C’est une nouvelle fois le cas dans cette chronique conjointe sur deux séries d’Akiko Higashimura : Tokyo tarareba girls et Trait pour trait. Bien qu’étant différents, les deux mangas traitent avec humour et sans complexe le temps qui passe. Je n’ai pas encore lu Tokyo tarareba girls, mais son avis me renforce dans l’idée de commencer le titre très vite ! […]

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  7. Coucou ^^ Depuis la semaine dernière, je me suis mise à jour – notamment sur Tokyo tarareba girls dont j’ai dévoré les 3 tomes d’une traite. Il me reste à lire le tome 2 de Trait pour trait.

    J’ai adoré le côté humoristique de TTG, très décapant comme tu dis. L’autrice malmène ses personnages et n’hésite pas à leur montrer là où ça ne va pas. En général, je fais assez peu attention à la traduction, dans le sens où si je n’ai pas de reproches à faire c’est que c’est bien traduit (même si je peux difficilement prétendre à critiquer cet aspect-là xD). Mais l’adaptation de Miyako Slocombe est très incisive et solide !

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    • Oui, j’ai vu sur les réseaux des petits décryptages de la traduction et apparemment c’est un casse-tête sur de nombreux points, notamment les jeux de mots, et elle a fait un super travail. C’est d’autant plus important que Higashimira travaille beaucoup les dialogues.

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  8. Je crois que je vais recommander les autres bd de la mangaka à la médiathèque.
    Pour le tome 3, je trouve que l’on trouve un homme qui dit trop souvent ce que les femmes doivent faire et penser. Un peu de mansplanning. Etonnant de la part d’une femme. Non?

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