Mon avis sur… Moi aussi T.1 de Reiko Momochi

Moi aussi

Reiko Momochi est une mangaka très intéressante qui a déjà une grosse carrière derrière elle au Japon. En France, nous n’avons droit qu’à trois de ses mangas, tous édités par Akata. Après Double Je et Daisy, lycéenne à Fukushima, c’est Moi Aussi qui nous arrive alors qu’il a été prépublié à partir de 2018 au Japon. Un titre qui me faisait de l’œil de par son sujet fondamental : le harcèlement au travail (traité d’un point de vue féminin). De plus, la série est courte puisqu’elle ne fera que deux tomes, le second devant paraître le 22 octobre. Tous ces arguments en faveur du titre ont fait que j’ai cédé, et grand bien m’en a pris !

Satsuki Yamaguchi travaille en intérim en tant qu’opératrice dans un service client téléphonique. Elle est aussi formatrice pour les nouveaux employés. Très investie dans son travail, elle devient malheureusement la cible du harcèlement sexuel d’un de ses supérieurs. Ce récidiviste notoire a jeté son dévolu sur Satsuki… Sombrant peu à peu dans la solitude et l’isolement, la jeune femme réussira-t-elle à briser la loi du silence ?

Le harcèlement au travail, notamment sexuel, qui touche majoritairement les femmes, n’est pas un phénomène anodin et isolé. Il n’est d’ailleurs pas présent que dans le monde du travail. Toutes les strates de la société où des rapports de domination, de hiérarchie et de pouvoir s’exercent connaissent ces problèmes. Et évidemment, c’est dans le monde du travail que l’on trouve le plus de cas de ce type. Les affaires éclatent à intervalles réguliers, quels que soient les milieux, avec toujours comme dénominateur commun que ces actes sont commis par des hommes hauts placés, que leurs comportements sont bien connus au sein des entreprises, mais qu’ils sont couverts, et donc, ne risquent rien (d’où le fait qu’ils se permettent tout).

Moi Aussi se propose d’analyser cet état de fait, à travers le portrait de Satsuki, jeune intérimaire qui va être harcelée par son supérieur. On commence par découvrir les gestes qu’il a envers elle et comment tout cela l’affecte au quotidien. On comprend que ce n’est pas juste de la drague, parfois très lourde, mais que cela a un réel impact psychologique sur la personne victime de ces comportements. Reiko Momochi nous fait partager les pensées de Satsuki, nous permettant de parfaitement comprendre comment une personne qui vit ce genre de situation peut souffrir de ça. Entre l’incompréhension et le sentiment d’être totalement abandonnée (ce qui est le cas, puisque lorsqu’elle va chercher de l’aide, on donnera raison à son agresseur du fait qu’il soit plus haut dans la hiérarchie).

De même, l’esthétique et la mise en scène du titre accompagnent parfaitement le travail d’écriture et arrivent à créer des planches choc tout en restant subtiles, travaillant sur la représentation des gestes déplacés avec talent. Mais surtout, la façon dont sont montrées les réactions et les émotions de la protagoniste sonnent très juste est sont vraiment éprouvantes émotionnellement, arrivant à rendre palpable la douleur qu’elle ressent.

Ainsi, c’est un manga assez difficile, mais aussi très important dans ce qu’il raconte et dénonce, et qui doit être mis dans un maximum de mains pour bien prendre conscience de l’importance du phénomène. Et bien que le sujet soit difficile, la lecture n’en reste pas moins passionnante et très bien menée par la mangaka, qui dépeint parfaitement son personnage principal qui ne peut que nous toucher. De même, l’évolution de l’intrigue permet de vraiment mettre en avant les failles d’un système qui protège des prédateurs, avec des détails qui sonnent très juste et donnent une vraie authenticité au titre.

On comprend comment se mettent en place les rouages d’un système qui protège les agresseurs, et qui empêche les victimes de dénoncer les comportements. On crée un cadre hiérarchisé dans lequel le pouvoir de certains leur donne tous les droits alors que les autres ont peur pour leur poste, et tolèrent l’intolérable pour ne pas perdre le peu qu’ils ont. Momochi arrive à décrire tout cela avec talent et justesse, sans jamais oublier le réalisme avec lequel ce type de thématique doit être traitée. En découle une lecture qui pourrait permettre d’éveiller quelques consciences, de faire comprendre ce qui permet à ces choses d’arriver.

Et si le titre a une vraie dureté, du fait de sa thématique, on a quand même droit à un peu d’espoir, et quelque chose auquel Satsuki peut se raccrocher. Je n’en dirai pas plus pour ne rien vous dévoiler, j’espère surtout que vous avez compris que ce titre est pour moi un énorme coup de cœur. Une lecture importante de par son sujet, mais aussi de par le talent avec lequel il est traité par Reiko Momochi. De ce fait, je pense qu’il faut mettre ce manga entre le plus de mains possibles, car c’est une œuvre importante. Et comme en plus le titre ne fait que 2 tomes, ce sera au final 14 € très bien dépensés. Pour moi, c’est déjà un indispensable de 2020 !

29 commentaires

  1. Intéressant. Merci pour la découverte.

    Ce sujet commence à devenir récurrent, j’ai l’impression (enfin, comme un effet de mode au niveau des publications). Espérons qu’il soit correctement traité par les romans/mangas qui en parlent sinon ce sera un coup pour rien ou l’occasion de tourner ça contre les harcelé(e)s…

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  2. Merci pour ce retour, je l’attendais pour voir si je me lançais. C’est un sujet très difficile à traiter je trouve et je suis soulagée qu’un manga comme celui là existe. Je vais attendre le tome 2 pour le découvrir vu que c’est court ça permettra de lire coup sur coup 🙂

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    • Je comprends. C’est pas toujours facile à lire parce que c’est révoltant et ça rappelle plein de comportements qu’on a vu ou entendu rapportés (étant un gros gamer, j’ai par exemple conscience que le harcèlement sexuel est totalement banalisé dans le milieu du jeu vidéo, jusqu’à ce que ça finisse par être étalé et que les décisionnaires font mine de ne pas être au courant…).
      Du coup le titre m’a rappelé beaucoup d’affaires récentes et justement, j’ai trouvé ça très intéressant.

      J’espère secrètement que ça puisse permettre d’éveiller un peu les consciences même si avec le temps j’ai fini par me rendre compte que la fiction n’a finalement pas le pouvoir que je lui prêtais avant. Je pense que la limite de l’impact du titre sera, comme toujours, qu’il parlera aux gens déjà conscients du problème, et que les autres s’en foutront et ne le liront pas… et continueront d’acheter les jeux ubisoft et de regarder les films de Woody Allen, Polanski et compagnie 😑

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  3. J’aime beaucoup le dernier message du manga (que tu as pris en photo dans ton article), j’aime à croire que ça laissera une lumière d’espoir à ceux victimes de harcèlement.
    C’est bien traité et l’autrice montre que la menace vient vraiment de « partout ». Le supérieur assez libidineux est clairement en tort aussi mais le gros du problème est celui qui se fait passer pour un type bien.
    La conversion en mec toxique aussi était bien faite, et l’autrice montre aussi que parfois, même en réagissant, même en disant non, on n’est pas pour autant épargné

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    • Oui, je suis d’accord avec tout ce que tu dis. Et en effet, quand j’ai vu le message j’ai tout de suite eu envie de conclure en le mettant en avant, surtout qu’il est représentatif de la touche d’espoir en fin de volume. J’ai très hâte de lire la suite pour ma part, car comme tu l’as compris c’est une lecture qui m’a bouleversé !

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