La régularité n’étant pas le fort d’Asadora, qui nous gratifie de tomes très espacés du fait de l’âge d’Urasawa (chose qu’on évitera de lui reprocher, les mangakas ont droit à un peu de quiétude, à plus forte raison quand ils sont âgés), chaque nouveau volume se savoure comme il se doit, avec une forme d’allégresse mêlée de frustration liée au fait que c’est toujours trop court, et qu’on sait qu’on va devoir attendre avant le prochain volume. Et chez un mangaka dont les séries prennent toute leur ampleur en lecture d’une traite, c’est d’autant plus compliqué à aborder. Néanmoins, Asadora ! continue tranquillement sa petite vie dans ce septième tome, brillant même si court, qui alterne entre gimmicks d’écriture typiques de l’auteur et petites audaces formelles (auxquelles il nous a également habitué au fond). De quoi continuer de s’enthousiasmer pour un titre qui fleure bon le pur Urasawa, pour le meilleur et seulement le meilleur.
Un grand merci à Kana pour l’envoi de ce volume.
Mon avis sur les tomes précédents : Tome 1 – Tome 2 – Tome 3 – Tome 4 – Tome 5 – Tome 6 –
Comme je le disais en introduction, Asadora ! souffre d’un rythme de parution assez haché, puisqu’en plus de 4 ans, le titre n’en est « qu’à » sept tomes parus. Encore une fois, loin de moi l’idée de critiquer le rythme de travail de l’auteur, puisque je considère que les mangakas sont soumis à suffisamment de pression comme ça, mais le fait est que la série semble encore relativement sur le début ici, sauf si l’auteur joue de l’ellipse avec talent (ce qui n’est pas impossible, il a déjà montré toute sa capacité à tordre la temporalité dans ses mangas), et j’imagine assez facilement la voir s’étendre sur encore de nombreux tomes. De ce fait, on peut se demander s’il n’en a pas pour encore une dizaine d’années (ou approchant) avant de livrer la conclusion de cette série, qui semble de ce fait bien partie pour être la dernière série longue et très ambitieuse de l’auteur.
Aucune considération qualitative ici, mais simplement un questionnement sur un potentiel état de fait, qui invite quand même à faire une affirmation simple : si Asadora ! doit être la dernière série fleuve d’un auteur aussi important que Naoki Urasawa, il me semble difficilement envisageable de passer à côté. Ceci étant dit, si vous n’avez pas commencé, il est temps de vous y mettre, et vous aurez facilement rattrapé la parution française avant le tome 8. Inutile de me remercier, j’œuvre pour la bonne cause à titre gracieux, sauf si vous souhaitez me faire des dons, je ne vous en empêcherai pas, même si je n’ai ni compte Ko-fi, ni wishlist Amazon…
Quoi qu’il en soit, il est temps de dire deux mots sur ce septième tome. Il est focalisé sur un nouvel affrontement avec le Kaiju au cœur de l’histoire, et nous permet de le voir sous toutes les coutures. Mais surtout, il est centré sur Shota, le jeune ami de Asa qui s’entraine à la course en vue d’une future participation aux Jeux Olympiques. En mettant la focale sur ce personnage et sur certains événements, Urasawa se permet un gros plaisir d’otaku en convoquant un certain imaginaire que je vais éviter de déflorer, qui entre en résonance avec des choses qu’il a déjà pu écrire, que ce soit dans 20th Century Boys, mais surtout dans une des histoires courtes du recueil Atchoum.
Et surtout, il en profite pour développer une sous intrigue autour de Shota, qui donne de la densité à l’intrigue globale comme Urasawa sait si bien le faire. Ainsi, l’auteur continue de donner de la voix à chacun de ses personnages principaux, en particulier ceux qui sont dans l’adolescence à ce stade du récit. Cela lui confère énormément de charme et de profondeur, mais dans le cadre d’une lecture tome par tome, crée une certaine frustration tant l’intrigue avance lentement. C’est vraiment une façon d’écrire propre à Urasawa, que personnellement j’adore, mais qui dévoile toute son ampleur en lecture d’une traite, comme je l’ai déjà dit.
Cela ne veut pas dire pour autant que vous devez attendre que la série soit terminée pour vous y mettre. Au contraire, le mieux à faire serait de la suivre tome après tome, en direct, et de toute relire d’une traite une fois celle-ci achevée. Encore une fois, inutile de me remercier pour ces précieux conseils (qui enfoncent des portes ouvertes), j’œuvre avec plaisir à la propagation de l’amour Urasawaesque.
Du coup, si vous vous demandez si ce septième tome est toujours de qualité, la réponse est évidemment « OUI ». Mais la vraie question c’est : est-ce que quelqu’un en doutait ? Pas moi en tout cas. Et quoi qu’il en soit et comme je l’ai déjà dit, on est surement devant la dernière série fleuve au très long cours de l’auteur, donc à ce titre, il ne faut pas se poser de question, et l’acheter et la savourer, au même titre que je vous enjoint d’aller voir le dernier film de Clint Eastwood, annoncé comme le dernier de chez dernier, quand il sortira (surement en 2024, mettez-vous un rappel car d’ici là la fatigue aura surement eu raison de moi). Finalement, tout ceci nous rappelle que nos idoles sont désormais des vieux (plus ou moins selon les cas), et qu’il faut profiter de ce qu’ils peuvent encore nous proposer. En particulier au cinéma, où j’ai l’impression que dans les 10 à 15 années qui viennent, tous mes cinéastes préférés vont casser leur pipe. Il restera toujours leurs chefs d’œuvres passés à voir et revoir ma foi, ce qui est très bien comme ça. Quel rapport avec Asadora ? Il y en a un dans ma tête, tant la question du temps qui passe me semble au cœur de l’œuvre de Naoki Urasawa, qui comme tous les grands artistes semble porter une forme de mélancolie fertile en lui. Asadora en étant le dernier avatar. Tiens, Avatar aussi d’ailleurs sera le dernier fait d’armes d’un artiste majeur en son domaine, même si Cameron nous promet trois films qui ne seront pas des Avatar avant la retraite, mais j’y crois moyen. Décidément, il règne une odeur funeste sur la création actuellement, heureusement qu’on pourra quand même compter sur Disney pour continuer de nous inonder de conneries à longueur d’années histoire d’être sur de ne pas nous ennuyer !