Après une découverte très concluante avec Boken Shonen et Katsu !, j’avais envie d’approfondir la question de Mitsuru Adachi. Premier réflexe dans ce genre de cas, faire une recherche sur le portail des médiathèques que je fréquente, afin de voir ce qu’ils ont concernant tel ou tel auteur. Concernant Adachi, la pèche fut maigre, puisque seule la série Q and A est en rayon. Au moins, cela permet de découvrir une série indisponible en neuf, et avec l’avantage non négligeable de n’avoir rien à débourser, ce qui est toujours mieux en cas de déception… qui est arrivée en ce qui concerne ce titre.
Q and A est une série de Mitsuru Adachi prépubliée au Japon dans le magazine Gessan de la Shogakukan de 2009 à 2012, avec un total de 6 tomes. Chez nous, la série a été éditée par Delcourt Tonkam mais est indisponible comme je l’ai précisé en introduction. La durée relativement courte, mais surtout la façon dont la série se finit me laisse à penser que sa fin a été précipitée, mais je n’ai aucune certitude à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que la durée est un des soucis du titre, puisqu’il me semble s’attarder un peu trop sur des choses anecdotiques, et en précipite d’autres à côté. Et, surtout, elle nous laisse un peu en plan sur sa fin, que je ne dévoilerai pas, mais qui peut clairement décevoir tant elle est abrupte et un peu malvenue (d’où le fait que ça sente la fin prématurée selon moi).
Ceci étant dit, de quoi parle la série ? On suit le jeune Atsushi Ando, qui revient après 6 ans d’absence dans sa ville natale. Sa famille avait déménagé suite à la mort de son grand frère, renversé par une voiture. Il va retrouver d’anciennes connaissances, notamment sa camarade Yuho Maezawa, mais aussi et surtout, le fantôme de son grand frère, esprit facétieux que seul Atsushi arrive à voir. Ainsi, nous suivrons le jeune garçon dans sa vie lycéenne, ponctuée d’amours naissants, de pratique sportive (on est chez Adachi), le tout mâtiné d’une petite dose de fantastique et avec au milieu une composante métadiscursive qui passe par le frère de Yuho, wanabee auteur d’histoires d’horreur, quand ce n’est pas carrément le mangaka qui s’adresse directement à nous.
Un programme chargé, qui représente la grosse faiblesse de la série à mes yeux : sur 6 tomes, cela fait beaucoup à raconter, et Adachi dose bizarrement ses événements, s’appesantissant trop sur certaines péripéties pas forcément intéressantes, et laissant de côté des éléments qui auraient pu donner du corps à l’ensemble. Je pense en tout premier lieu à la question du deuil d’un enfant, qui est à peine effleurée en début de série, pour finalement passer presque totalement à l’as par la suite. C’est particulièrement décevant, tant il y avait la possibilité d’apporter un vrai nœud dramatique dans cette œuvre qui manque pas mal d’émotions.
Le cœur du titre sera au final le réseau relationnel tournant autour de cinq personnages principaux, Atsushi et Yuho dont j’ai déjà parlé, mais également une autre jeune fille qui a des sentiment pour notre jeune protagoniste, un rival sportif de ce dernier, et la brute de l’école, qui a pris Atsushi en grippe. Ces cinq personnages auront droit à suffisamment de développement pour avoir vraiment du corps, même si seuls Atsushi et Yuho auront droit à un développement jusqu’au bout de l’histoire. Et un sixième personnage prendra beaucoup d’importance, même trop selon moi : le fameux grand frère de Yuho, apprenti écrivain.
Il apportera une dimension métadiscursive à l’histoire, qui est filée tout du long et qui aurait pu être intéressante si elle n’avait pas été au contraire vraiment lourde, plombant souvent le rythme du récit. De plus, le personnage a un côté malaisant, semblant obsédé par les culottes de sa petite sœur. Cela participe d’ailleurs du côté metadiscursif du manga, Adachi ironisant beaucoup sur l’importance de mettre des culottes et autres poitrines en avant pour faire plaisir au lectorat masculin. Si je n’ai rien contre un peu de fanservice, qui est de toute façon très fréquent dans un certain type de shonen, j’ai trouvé que c’était ici mis en scène de façon très lourde, avec une certaine complaisance, et cela m’a finalement un peu gêné. Je pense notamment à un moment un peu trop long tournant autour d’un enseignant qui faisait tout pour voir les filles en maillot de bain… Si dans GTO cela participe du discours du titre, j’ai trouvé qu’ici, cela était vraiment trop lourd encore une fois.
Sans parler d’une partie au milieu de l’histoire où la classe part en séjour de vacances, élément classique du shonen school life, où l’auteur traite encore une fois cet événement avec une certaine lourdeur et propose un délire un peu hors de propos, qu’il aura beaucoup de mal à justifier dans le cadre de son récit. Tout ceci concourant à une perte de temps global qui finit par faire passer l’aspect sportif au second plan, tout comme la relation de Atsushi à son frère décédé. Ajoutez à cela la fin qui tourne court, ça commence à faire beaucoup de scories pour une série si courte.
Reste quand même un certain nombre de qualités, en particulier quand le récit retourne dans des canons plus classiques de romance sportive lycéenne. Que ce soit par des quiproquos basiques ou un jeu sur un potentiel triangle amoureux, sans réinventer la roue, le charme arrive à opérer, et le talent de mise en scène de Adachi suffit à faire la différence. Car il nous dispense régulièrement de beaux moments grâce à son découpage, sa façon de mettre en valeur des petits riens, arrivant à nous immerger dans son ambiance.
Mais c’est malheureusement des petits bouts pris dans un ensemble globalement assez lourd, mal équilibré et qui passe selon moi à côtés des éléments les plus potentiellement intéressants de son histoire. En résulte donc une série courte plus frustrante qu’autre chose, où on ressent la vraie belle histoire qui s’est perdue dans cet ensemble trop lourd pour son propre bien. En faisant un effort, on peut malgré tout garder le souvenir des beaux moments, éparpillés au sein d’un ensemble anecdotique. C’est déjà ça.