Nouveau retour sur la série que si vous l’aimez vous êtes un vil droitard libéral ! Et nouvelle occasion pour moi d’apaiser la culpabilité sur ce point, surtout en regard d’autres mangas sportifs vantant l’aspect résolument positif du monde du sport professionnel, ce monde si enviable, beau et sain ! Si depuis le début j’apprécie Blue Lock pour le fait de ne pas avancer voilé, et de présenter ce milieu comme un milieu de merde, dans lequel on ne peut s’épanouir qu’en étant un connard, j’aime également l’ambiguïté et la force réflexive du titre, en plus d’une certaine forme d’abstraction qu’il cherche à atteindre à ce stade.
Un grand merci à Pika pour l’envoi de ces volumes.
Mon avis sur les tomes précédents : Tomes 1&2 – Tome 3 – Tomes 4 à 6 – Tomes 7 à 9 –
Résumons un peu les choses : à chaque sortie de tome de Blue Lock, ou de mise en avant de l’anime, on a les mêmes rappels que le titre serait un vil manga de droite, là où d’autres mangas sportifs comme son « concurrent » Ao Ashi seraient bien plus sains dans leur démarche et dans leur discours. Une focale mise sur le sens étonnante, là où on en parle finalement assez peu bien souvent, ne laissant que peu de place à des paroles dissonantes. Or, depuis le début, je me questionne personnellement sur cette fameuse nature de manga vantant des valeurs libérales et individualistes, notamment de par le fait que j’ai personnellement le sentiment qu’au contraire, le titre ne cherche pas à embellir les comportements montrés, mais bien les critiquer.
Je ne l’avais pas abordé jusque là, mais je trouve que ce n’est pas une mauvaise idée de revenir sur les autres titres du scénariste, Muneyuki Kaneshiro, notamment Jagaaan et On l’a fait, tous deux disponibles en France. Le premier ne cache clairement pas sa charge critique quant à certains éléments de la société japonaise d’une part, mais aussi des frustrations et des névroses bassement humaines. On l’a fait, de son côté, semble porteur de la même charge critique, même si elle se manifeste différemment et via d’autres leviers, par le biais de son portrait de jeunes oisifs. Et même les mangas que je n’ai pas lu, notamment Billion Dogs, semblent dès leur pitch porteurs de certaines réflexions en lien avec les différences de classe sociale notamment.
Cela me semble suffisant pour affirmer que Muneyuki Kaneshiro est quand même un auteur qui a une tendance à la critique de différentes strates de la société, ce qui tendrait à aller dans le sens de mon idée selon laquelle il cherche plutôt à pointer du doigts les dérives du sport professionnel qu’en proposer une vision dépourvue de tout recul.
Je ne peux cependant pas mettre totalement de côté mon rapport très personnel à tout ceci. Détestant le sport professionnel dans son essence, et trouvant que c’est un vecteur de domination et d’inégalités extrêmement violent et brutal, il est évident que ma vision de la chose infuse dans la façon dont je reçois ces histoires. C’est d’ailleurs en partie pour ça qu’au cours d’une discussion sur twitter, j’ai expliqué que je trouvais Ao Ashi plus problématique dans son discours puisqu’il montre la carrière professionnelle comme une vraie fin positive en soi, sans vrai remise en question de tout cela (en tout cas jusqu’au point où j’en suis allé). Ce à quoi quelqu’un m’a répondu que dans la réalité, le sport était un des seuls ascenseurs sociaux…
Alors je veux bien faire des efforts de remise en question, mais là ça devient compliqué, sauf à considérer qu’un ascenseur social qui fonctionne pour une personne sur 1 million est vraiment efficace et pertinent. Mais ce n’est clairement pas mon point de vue.
C’est d’ailleurs une problématique que j’ai avec tous les mangas de sport qui ont comme ligne de mire une carrière professionnel pour le/les héros, et sur ce point, il n’y a pas de distinction réelle qui s’opère entre la façon de faire de Blue Lock par rapport à un autre titre du genre, si ce n’est que Blue Lock a, à mes yeux, le bon goût d’allers vers une construction ludique et déréalisée. Non pas que cela adoucisse la réalité, mais au contraire, que ça me semble bien mieux mettre en exergue les violences en œuvre dans ce petit monde.
D’ailleurs, petite parenthèse, je suis assez reconnaissant envers Inoue d’assez peu insister sur la perspective professionnelle dans le cas de Slam Dunk et, encore mieux, nous ramener brutalement à la réalité dans Real (ce titre serait-il choisi avec intelligence ? Il semblerait…), et plus globalement, je pense que j’apprécie davantage les titres qui évitent le côté trop « pro » des sports, qui m’ennuie un peu.
Sauf que Blue Lock se retrouve justement dans une situation où il n’est question que de ça, passer des épreuves pour être le seul à devenir pro. Et au fil des tomes, les règles des épreuves se font de plus en plus absconses à mes yeux (on va me dire que c’est parce que je ne m’intéresse pas au foot, mais j’en connais quand même assez bien les règles, ayant joué à Fifa pendant des années… hé oui !), et ce qui se déroule durant lesdites épreuves devient confus en terme de stratégie, de placement, circulation du ballon, etc…
Un élément qui a failli me perdre, mais qui s’est révélé fertile dans le tome 12, où le héros cherche à passer au level supérieur (encore un élément qui déréalise pas mal le manga et l’action d’ailleurs). Il se questionne sur sa lecture du jeu et sur comment réussir à réagir suffisamment vite pour concrétiser, car il arrive à capter ce qui se passer, mais le temps de réaction faisant, cela ne lui est pas très utile. Or, en fin de tome, il arrive à faire sauter ce verrou sans même comprendre comment, arrivant à marquer sans le conscientiser. Une façon selon moi de mettre en scène la volonté d’abstraction esthétique du manga, que ce 12e tome atteint en réussissant à proposer un pur spectacle sensitif, complètement abscons dans ce qui se déroule réellement, ne cherchant qu’à se focaliser sur l’impact de la mise en scène.
Ainsi, le héros ne comprends même pas ce qui s’est passé et comment il a marqué, et en tant que lecteur je n’ai rien compris non plus, mais j’y ai eu du plaisir, alors même que je déteste le foot et le sport professionnel en général. C’est encore une fois l’ambiguïté propre à la fiction, qui arrive à nous faire ressentir des choses y compris vis-à-vis de trucs pour lesquels on a une aversion totale. Est-ce que ça me fait me prendre de sympathie pour les personnages mis en scène ? Clairement pas, ils restent des gros cons. Mais au moins ils me proposent un beau spectacle.
Je constate qu’on partage le même avis sur le sport pro ! Ça me fait rire les gens qui disent que c’est un manga de droite X) je l’ai pas lu mais de l’impression que j’en ai pas une seconde je n’ai pensé que le but c’était de défendre ces valeurs là. Mais bon….. Les gens 🙄
Bref tout ça pour dire que je vais continuer à ne pas lire ce titre mais à lire tes retours dessus 🤷
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Peut-être aussi que c’est notre aversion pour tout ça qui parle, qui sait. Mais le fait est que, alors que je lis régulièrement des mangas sportifs, cest bien le seul pour lequel j’ai vraiment le sentiment de ne ressentir de sympathie pour aucun personnage, y compris le héros, et que les auteurs ne cherchent pas à m’en faire ressentir.
Mais encore une fois, même avec ce concept qui pousse la logique de la sélection sportive à l’extrême, je ne vois pas de véritable différence avec ceux qui traitent de façon réaliste la question.
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