Le hasard dans les lectures ou les découvertes fictionnelles quelles qu’elles soient crée parfois des passerelles intéressantes. Ici, en me lançant dans The Far East Incident juste après avoir terminé Les Amants Sacrifiés, je n’ai pu qu’être intrigué par la base historique similaire entre les deux histoires. Le mélodrame de Kakizaki cherche à capturer la réalité des personnes qui ont tenté de révéler l’existence de l’unité 731, crime contre l’humanité dont le Japon s’est rendu coupable dans les années 30 et 40, et que le pays n’a reconnu qu’en 2002, là où The Far East Incident utilise cet événement dramatique comme cadre d’un récit de guerre mâtiné de fantastique, où le fétichisme sur l’esthétique de l’époque et la volonté de dépeindre des personnages charismatiques au sein d’une fresque guerrière. Dans les deux cas, même si cela peut relever de l’implicite, le sujet est tellement important et fort qu’il invite à la réflexion. Une qualité d’ores et déjà importante, qui s’accompagne d’autres comme nous allons le voir.
Un grand merci à Vega Dupuis pour l’envoi de ces deux premiers tomes.
Pour resituer à la fois le récit et les événements réels dont il s’inspire, autant reprendre le résumé éditeur, qui est bien plus clair que je ne le serai :
L’Unité 731, créée entre 1932 et 1933 par mandat impérial, était un laboratoire secret, unité militaire de recherche bactériologique de l’Armée impériale japonaise. Officiellement, cette unité, dirigée par Shirō Ishii, se consacrait à « la prévention des épidémies et la purification de l’eau », mais en réalité, elle effectuait des expérimentations sur des cobayes humains.
Septembre 1945, Tokyo. Le Japon a capitulé devant les États-Unis. Un processus d’après-guerre est alors initié : la traque et l’élimination systématique des armes humaines créées par l’Unité 731, des combattants génétiquement modifiés, vestiges de la guerre. Dans ce contexte, un soldat démobilisé, Konoe, est recruté et associé avec une jeune fille immortelle, Saika, elle-même née d’une expérience biologique de l’unité 731. Ils devront travailler ensemble pour traquer les créatures hors de contrôle issues de ce laboratoire secret.
Septembre 1945, Tokyo. Un processus d’après-guerre est en cours. C’est l’extermination des armes humaines créées par l’Unité 731, vestiges de la guerre qui doivent être éliminés.
Une jeune fille immortelle, Saika, déterminée à vivre et à être libre, va aider le soldat Kankuro Konoe, un ancien infirmier militaire. Tous deux se lancent à la recherche des armes humaines dispersées.
Le premier paragraphe du résumé éditeur est fidèle à la réalité historique, que je ne connais pas parfaitement, mais pour avoir fait quelques recherches sur la question, cela nous rappelle que le Japon a été bien hard dans l’histoire récente. Notre histoire ayant l’habitude de se focaliser sur la barbarie perpétrée par le nazisme, on en oublie qu’ils n’ont pas le monopole de l’inhumanité malheureusement.
Cependant, le titre ne fait qu’utiliser cet événement historique comme prétexte à un récit d’action enlevé, dans lequel les expérimentations humaines qui ont réellement eu lieu deviennent la justification à l’existence de super soldats quasiment increvables, résistant notamment aux balles. Cette façon de réécrire la grande Histoire est loin d’être nouvelle, mais a toujours au moins cette vertu de mettre en avant des choses qui ont vraiment eu lieu, donnant envie d’en savoir. Dans le cas en plus d’un événement qui a été mis sous le tapis durant des années, c’est d’autant plus intéressant, même si, évidemment, on parle vraiment d’une réécriture de l’Histoire, volontairement fantasmée ici. Il n’empêche que même comme cela, il est possible de développer une discours sur l’Histoire et ses éléments les plus honteux et cachés. Sur ce point cependant, ce sera à voir comment l’auteur le gère, car pour l’heure, cela ne semble pas être l’élément qui intéresse le plus le mangaka.
Toujours est-il que ça fournit un cadre très codifié au récit, avec un aspect action après-guerre mâtiné de complot militaire qui fonctionne vraiment bien, quand bien même un gros écueil est présent d’emblée : le récit est assez confus dans sa narration. Le fait de nous faire commencer in medias res fait que j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans au début, et que j’ai eu de vraies craintes quand à ma capacité à continuer l’histoire. Fort heureusement, l’auteur arrive à nous accrocher à quelques points saillants, même si après deux tomes je trouve encore un manque de clarté dans le déroulement du récit. C’est clairement le point noir me concernant pour le moment, car je n’ai pas le sentiment qu’on soit volontairement perdu, mais plutôt qu’il y a certaines errances dans le storytelling du mangaka qui font que la façon de dispenser les informations n’est pas optimale.
Ce point (quand même important) mis à part, tout le reste m’accroche vraiment beaucoup, me permettant de le pardonner et de ne pas bouder mon plaisir. L’élément qui m’attirait le plus au vu des couvertures, et qui est effectivement la grosse qualité du titre : l’esthétique globale. Si le trait de l’auteur est parfois inégal, il y a une direction artistique liée à la période historique qui fonctionne du tonnerre, avec les uniformes et les armes d’époque ainsi qu’une inspiration évidente des illustrations liées (pas pour rien qu’un des persos est toujours avec un magazine de pin up dans les mains). Il y a clairement un fétichisme de cette période historique qui fonctionne à plein régime ici. Que ce soit les véhicules, les bâtiments, et bien entendu comme je l’ai dit les flingues et les uniformes, il y a un vrai souci du détail dans la direction artistique globale qui arrive à rendre l’univers et l’ambiance générale du titre palpables. C’est un très gros plaisir visuel pour moi, quand bien même il y a encore une fois des petits accrocs en terme de dessin (ci et là un visage moins bien dessiné notamment).
Les personnages principaux ont également une certaine caractérisation visuelle, sauf peut-être le héros qui a une dégaine bien plus lambda. Cependant, l’auteur arrive déjà à nous donner du biscuit niveau écriture pour chacun. Et le concept de la gamine soldat increvable qui se fait flinguer non stop et guérit toujours, en duo avec cet infirmier militaire véritable machine à tuer (étrange étrange… cela semble évident que ce point sera développé) fonctionne du tonnerre. De plus, les antagonistes et autres personnages secondaires déjà mis en avant ont aussi un style à la hauteur.
Plus globalement, vous l’aurez compris, ce manga est surtout un vrai plaisir esthétique pour peu qu’on apprécie le style de l’époque, ou tout du moins l’imagerie qu’on a créé au fil du temps en lien avec cette période. Les couvertures renvoient vraiment bien au style visuel et à l’ambiance globale du récit, riche en action et en explosions. Et si l’auteur arrive à mieux cadrer son intrigue, il y a vraiment un coup à jouer pour cette série, qui malgré ses imperfections dégage un charme évident.
Encore une série où je suis complétement passé à côté et ou il ne me semble pas avoir vu de communications dessus.
Et pourtant, déjà graphiquement ça a l’air d’être tout à fait ma cam. J’étais tombé par hasard sur un article de l’unité 731 il y a 1-2 ans, et même si je n’ai pas trop creusé le sujet c’est quelque chose qui m’a marqué.
Alors voir un manga qui traître (même en partie) de ça, je ne dis clairement pas non. Je tente le coup malgré la structure du récit qui semble assez difficile à suivre.
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Si le style esthétique et le sujet te plaît, j’aurais tendance à te dire « fonce » !
En effet, c’est un peu confus dans l’écriture sur certains points, mais si ça se cadre mieux par la suite, ça devrait être vraiment top.
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C’est très intéressant que ces évènements atroces soient enfin traités. Peu de choses sont connues sur cette unité. Reste leurs horreurs.
Je dois d’ailleurs lire le deuxième et dernier tome des amants sacrifiés, je viens tout juste de l’acheter 🙂 .
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C’est justement en enchainant ces deux lectures que je m’y suis intéressé. J’en avais déjà vaguement entendu parler, mais sans plus. Et j’ai dévoré quelques articles sur le sujet… on se focalise sur les nazis, mais il y a une sacré concurrence dans la barbarie dans l’Histoire dans son ensemble…
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Malheureusement oui.
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Ah bah je découvre l’existence de ce titre avec ton article… Ça me rappelle quand j’ai lu la novella l’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu et que j’ai appris l’existence telle de cette unité 731. J’étais sidérée qu’on ait pu passer tout ça sous silence sans le moindre souci…
Bref je ne sais pas trop si ce manga m’attire ou non, je n’accroche pas trop à l’esthétique et j’ai pas été transcendée par le concept que tu présentes. Mais au moins je connais son exostence !
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Ça me fait aussi pas mal halluciner de me dire notamment que le Japon n’a reconnu qu’en 2002 l’existence de cette unité… je ne sais pas si le rapport à l’histoire qu’on voit parfois dans les fictions japonaises vient uniquement de ça, mais c’est quand même frappant d’en retrouver autant la trace (notamment dans des fictions où les héros constatent que des éléments de leur histoire, souvent des génocides comme dans FMA, sont totalement cachés).
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Je serais étonnée qu’il n’y ait pas de rapport. De toute façon partout dans le monde on n’enseigne qu’une version partielle de l’Histoire. Je me souviens qu’à l’école pendant longtemps on parlait de la colonisation du Congo sans préciser tous les massacres que ç’avait engendré ^^’ ce n’est que tard dans ma scolarité que j’ai eu droit à la vérité. Un exemple parmi d’autres…
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