Les Amants sacrifiés de Kakizaki s’achève déjà avec ce second volume, qui est à l’image de la carrière de l’auteur à mes yeux : intéressant sans le moindre doute, mais aussi assez frustrant. Je ne sais pas si ça vient du film qui est adapté, d’une volonté de faire une série très courte, ou de carences du mangaka qui n’aura pas su totalement exploiter son intrigue, mais le fait est que le titre est trop court. Il regorge de qualités, notamment esthétiques, comme d’habitude avec Kakizaki, qui ne font que renforcer la frustration lorsqu’on referme ce second et dernier volume. La lecture est parfois intense, toujours parfaitement exécutée en terme de mise en scène et de rythme, mais trop brève. Voyons donc en détails ce qu’il en est de cette conclusion, sans pour autant révéler les éléments de l’intrigue, qui par ailleurs ménage quelques surprises.
Un grand merci à Ki-oon pour l’envoi de ce second volume.
J’avais déjà abordé dans mon article sur le premier tome (que vous pouvez consulter ICI) mon intérêt pour l’oeuvre de Masasumi Kakizaki, qui semble avoir grand plaisir à investir des genres typiquement cinématographiques. Après le péplum mâtiné de Fantasy (Bestiarius), le western (Green Blood) et l’horreur (Hideout), il s’attaque au mélodrame historique avec l’adaptation d’un film japonais intitulé Les Amants sacrifiés, racontant la vie d’un couple japonais pris dans le déchirement de la seconde Guerre Mondiale. Avec un menu pareil, je ne peux qu’être enthousiaste, mais aussi assez exigeant.
Du point de vue purement esthétique, Kakizaki est parfaitement à la hauteur du début à la fin. Son trait est somptueux, et me parle dans chacun de ses titres, faisant en plus montre d’une capacité à s’adapter aux genres et ambiances qu’il investit. Il sait également rendre son découpage percutant, n’hésitant pas à user de ficelles de mise en scène classiques, voire grossières pourrait-on dire, mais qui font sens et sont en phase avec les émotions qu’il cherche à transmettre. Dans ce second tome comme dans le premier, c’est un travail impeccable, parfois un peu classique, mais à d’autres moments très bien senti, et quoi qu’il en soit, cela fonctionne toujours. Il arrive même à donner à quelques scènes une ampleur vraiment à la hauteur des événements racontés, transmettant cet impact émotionnel propre au mélodrame où des personnages se retrouvent changé par le cours de l’Histoire avec un grand H.
Cependant, ça, c’est de façon ponctuelle, sur des moments bien précis. Car le récit est trop rapide pour être émotionnellement investi en continu. Le principe d’un mélodrame selon moi est de se déployer sur la durée (il suffit de voir le temps que durent les classiques du genre, dépassant fréquemment les 3h). Prendre le temps est une nécessité quand on doit présenter un contexte historique dense et des personnages mis à mal par celui-ci. L’évolution des personnages est de leurs rapports est un élément central, vecteur des émotions pour le public ou le lectorat. De ce fait, avec une durée si faible (en gros, on est à moins de 400 pages au total, posant aussi la question de la publication en deux volumes séparés), l’auteur doit faire un certain nombre de concessions quant à la caractérisation des personnages et au cadre du récit.
Cela implique un manque de compréhension par moments de l’état émotionnel des personnages, et de l’importance de ce qui se joue. Prendre davantage le temps aurait selon moi donné plus de souffle à toute l’intrigue, plus de corps aux personnages, et plus de force au récit dans sa globalité. Et c’est d’autant plus frustrant que, encore une fois, les vrais beaux moments sont là, et leur impact aurait été réhaussé par un travail plus approfondi sur le récit dans son ensemble.
Ceci étant dit, est-ce que c’est une lecture qui vaut quand même le coup ? Pour moi, oui, très clairement. D’une part car malgré la frustration d’une histoire trop courte, c’est une belle histoire. Mais surtout parce qu’elle est magnifiquement mise en images, et que dans un médium visuel, ça compte quand même cet aspect. De ce fait, c’est un manga qui invite à être relu, au moins pour profiter des compositions magnifiques de Kakizaki, auxquelles le grand format choisi par Ki-oon rend tout à fait justice. Cette mode des grands formats est souvent critiquées (à juste titre), mais ici, il aurait été dommage de s’en priver tant on est face à un titre qui est porté par son esthétique. Je l’avais déjà dit dans mon article sur le premier tome, et je le confirme ici, cette série courte est certes frustrante, mais elle a quand même beaucoup à offrir, ce serait donc dommage de s’en priver.
Merci pour ton avis, j’avoue avoir du mal avec cet auteur et trouver son dessin un peu fade donc les qualités que tu décris ne vont pas suffire à me faire tester (sauf en médiathèque).
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Effectivement, si tu n’es pas touché par son esthétique, je ne suis pas sur que l’écriture puisse faire la différence sur ce titre en particulier, bien au contraire.
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J’étais dubitatif suite aux premiers retours… le tien ne me pousse pas trop à changer d’avis… même en 2 tomes je vais passer mon tour!
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