La fin de Black-Box de Tsutomu Takahashi

Black Box 6

Black-Box de Tsutomu Takahashi s’achève avec ce sixième et dernier volume, concluant une série courte et intense où le monde de la boxe est surtout le vecteur d’un portrait de personnage qui aura su se montrer radical, notamment par sa violence. Alors que la série aura su se montrer déroutante à plusieurs reprises, notamment du fait de son traitement, elle l’est une dernière fois ici, mais pas pour les raisons attendues. Car entre les fulgurances graphiques et des scories d’écritures importantes, il y a à dire concernant cette conclusion compliquée à appréhender pour moi.


Un grand merci à Pika pour l’envoi de ce volume.


Mon avis sur les tomes précédents : Tome 1Tomes 2&3Tomes 4&5


Resituons un peu le récit avant d’aborder la fin en elle-même, sans la spoiler cependant. Nous suivons depuis le début de la série le jeune Ryoga Ishida, boxeur très talentueux mais sans palmarès, qui souhaite devenir champion du monde, le grand classique. Ce qui l’est un peu moins, c’est que son père et son frère sont en prison pour meurtre, et qu’il est vu comme la dernière engeance d’une famille de tueurs, chose qu’il ne cherche pas à adoucir, ayant un comportement des plus borderlines, aussi bien sur le ring qu’en dehors. Il mène une vie d’ascète entièrement dédiée à la boxe, vivant de presque rien, et mettant son corps et son esprit constamment à rude épreuve. On comprend également au fil des tomes qu’il est dans une relation extrême avec son père, vivant pour lui et son rêve de grand champion, avec comme mantra de vivre et mourir pour le combat.

C’est une des grandes réussites de la série tout du long, puisque chaque volume est lourd et pesant, culminant dans des volumes 4 et 5 mettant en scène l’affrontement entre Ryoga et Reon, son exact opposé, boxeur bling bling à l’excès et totalement dans une vision très « star-system » de la discipline. Ce combat était l’occasion pour Takahashi d’aller très loin dans la violence et la saleté, mêlant tous les fluides possibles et imaginables sur le ring (sang et sueur, mais aussi vomi et pisse), dans un balai assez effroyable et jusqu’au-boutiste qui m’avait scotché, et qui me semblait être la promesse d’une conclusion radicale qui ne pourrait avoir lieu que dans la brutalité la plus totale, et le drame.

Et c’est ainsi que ce dernier volume m’a particulièrement dérouté, prenant encore une direction inattendue et légèrement décevante pour moi. Décevante non pas car l’auteur délaisse cette approche radicale et brutale pour quelque chose d’au contraire assez apaisé, mais bien parce que, si cette conclusion fait sens d’un point de vue narratif, elle est surtout marquée par de vraies maladresses d’écriture, s’appuyant sur beaucoup d’échanges de mots explicatifs afin de s’assurer que le lectorat comprenne l’évolution de chacun des personnages. Une précaution que l’auteur prend peut-être car il a la conscience du manque de consistance de ce revirement, qui me semble bien maladroit, et ce concernant tous les personnages.

Un souci d’autant plus dommageable que d’un point de vue formel, Takahashi s’est encore une fois lâché, proposant une mise en scène qui réussit parfois à palier les faiblesses d’écriture de cette conclusion, nous donnant par moments à ressentir visuellement ce qui se joue, plutôt que de l’expliciter. Mais ces fulgurances me semblent également insuffisantes, et on se retrouve finalement devant le fait accompli de l’évolution finale des deux boxeurs, qui me pose problème du fait des faiblesses évoquées précédemment.

On comprend bien à l’arrivée (et c’était déjà bien mis en avant auparavant), que cette histoire de famille extrêmement chargée était le vrai cœur du récit et le nœud de tension dramatique pour Ryoga, et l’auteur offre une résolution à celle-ci qui se tient, mais qui n’est pas aussi maitrisée qu’attendue. Sur ce point, cela m’évoque d’ailleurs The Fighter de David O. Russell que j’avais déjà évoqué, mais avec visiblement la volonté ici d’aller plus loin (dans le film, il s’agit d’une famille dysfonctionnelle où le petit frère est dans l’ombre du plus grand, pourtant le vrai boxeur à problèmes). Or, David O. Russell arrivait à créer un réseau relationnel plus dense, et bien plus travaillé sur deux heures, où les tensions finissaient par éclater pour enfin permettre à chacun d’aller de l’avant, le tout de façon logique.

Et au final, j’ai le sentiment que Takahashi fini par s’insérer dans un schéma attendu après avoir poussé dans le sens inverse tout du long, et n’a pas réussi à réellement faire passer de façon logique et crédible narrativement ce revirement. Si la fin en elle-même a son intérêt d’un point de vue narratif, elle n’est pas suffisamment bien négociée, du fait de toutes les carences évoqués. En résulte une conclusion fonctionnelle, mais sans éclat, faisant terminer la série sur une semi-déception. Semi-déception qu’on n’a clairement pas en regardant The Fighter de David O. Russell, vous l’aurez compris !

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5 commentaires

      • Même réaction! Au fur et à mesure.des articles je commençais à m’intéresser, cette conclusion « en demi teinte » me refroidi quelque peu malgré les qualités du titre!

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      • C’est vraiment compliqué de se prononcer au final sur la globalité pour moi. Je ne dirai pas que la fin gâche tout, car même sur la fin ça reste une bonne lecture, mais disons que je suis vraiment étonné du côté étonnamment solaire qu’elle a, malgré certaines ambiguïtés. Et comme je l’ai dit, un manque de véritable maîtrise narrative dans l’évolution finale du héros.
        Peut-être que si Takahashi avait mieux géré cet aspect, le ton de la fin ne m’aurait pas autant perturbé.

        Mais je reste en effet sur un sentiment d’auteur qui n’est pas allé au bout des choses ici.

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