Mon avis sur… Boken Shonen – rêves d’enfance de Mitsuru Adachi

Nobi nobi ! fête ses 10 ans en tant qu’éditeur de manga cette année, et profite de sa croissance depuis quelques années pour muscler son jeu, sans jamais renier sa coloration éditoriale forte, visant les primo-lecteurs jusqu’à un lectorat plus âgé, en conservant toujours comme ligne directrice la bienveillance, la profondeur et l’exigence. L’idée est de donner le goût du manga aux plus jeunes, et le cultiver et l’accompagner au gré de l’avancée en âge. Et c’est justement d’enfance et d’avancée en âge qu’il est question dans une des grosses nouveautés de l’éditeur pour 2023, Boken Shonen, recueil d’histoires courtes de Mitsuru Adachi, qui accompagne l’arrivée d’une série longue du même auteur, Katsu, se déroulant dans l’univers de la boxe. De quoi bien démarrer cette année d’anniversaire, avec un titre à l’image de ce qu’est l’éditeur.

Un grand merci à nobi nobi ! pour l’envoi de ce volume. Vous pouvez trouver un extrait correspondant à l’intégralité de la premier histoire via CE LIEN.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit mot sur l’objet en lui-même, car il est plutôt soigné. Pour 12€50, on a un grand format bienvenu pour ce one shot, avec une jaquette travaillée et quelques pages couleur en début de volume. Un bel ouvrage, qui je l’espère ouvre la porte vers des éditions grand format plus luxueuses par la suite chez l’éditeur. Enfin, la traduction est assurée par Yohan Leclerc. Dernière précision, ce recueil est publié ici pour la première fois en France, alors que les histoires avaient été prepubliées en 2006 dans le Big Comic Original de Shogakukan avant de paraître en volume relié.

Ceci étant dit, de quoi est-il question ici ? Nous avons un recueil d’histoires d’une trentaine de pages à chaque fois, qui traitent toutes de la question de l’enfance, ou plutôt du rapport entre l’âge adulte et l’enfance. D’une façon ou d’une autre, l’auteur nous met en scène des hommes adultes qui se trouvent face à un reflet de leur enfance, par le biais d’un objet, d’un évènement, d’un individu, d’une pratique… tout élément qui peut, comme dans la vie, nous inviter à nous rappeler de notre jeunesse, et de la façon dont on a changé en devenant adulte.

Un concept qui rappelle, en version light évidemment, le 20th Century Boys, auquel une histoire fait écho en convoquant deux symboles également vus dans l’œuvre monumentale d’Urasawa : la capsule temporelle enterrée et l’Exposition Universelle. Cependant, la parenté et surtout thématique, même si le ton de deux histoires en particulier m’ont furieusement évoqué la série culte d’Urasawa, en même temps qu’une ambiance à la Stephen King, qui était déjà une des nombreuses influences majeures de 20th Century Boys. Boken Shonen ayant pour lui ici l’avantage du format court, où chaque histoire apporte une petite pierre thématique à ce grand édifice. Car il est évident que tous les récits présentés ici forment un tout, ce qui n’est pas le cas dans tous les recueils d’histoires courtes.

Toutes partagent la même thématique comme je l’ai dit, mais aussi, toutes présentent des personnages très semblables, et des structures narratives qui se répètent, avec une grand importance accordée à la chute de chaque histoire. Loin d’être un défaut, cette répétition apparente témoigne surtout d’un vrai sens de la narration, déjà bien mis en exergue par le travail de l’auteur sur le storytelling visuel, puisqu’il sait se passer de mots régulièrement afin de laisser son seul dessin raconter les choses. C’est d’ailleurs un des grands plaisirs de cette lecture, qui arrive sans grand effet de manche à montrer un éventail de solutions visuelles et purement « mangaesques » pour raconter les choses. Sûrement un des secrets de l’auteur pour rendre ses histoires, pourtant courtes, si denses.

Car le plus important reste la profondeur thématique des récits abordés, appuyée par une vraie tonalité émotionnelle. Les histoires sont courtes, environ 5 minutes de lecture à chaque fois, mais invitent pour la plupart à une relecture immédiate, afin de réactualiser tout cela à l’aune de la connaissance de chaque chute, parfois très importante, pour mieux saisir certaines subtilités de l’histoire mise en scène.

Vous l’aurez donc compris, en tant que néophyte de Adachi, j’ai été vraiment saisi par ce recueil qui, certes, rentre totalement dans les thématiques qui me parlent (voire m’obsèdent), mais surtout les traite avec intelligence et talent. L’auteur y dévoile une belle sensibilité et une mise en scène vraiment travaillée et impliquante. En ça, cela me semble une excellente porte d’entrée à l’œuvre de Mitsuru Adachi, qui s’est déjà suivi dans mon cas d’une lecture du premier tome de Katsu, confirmant mon intérêt naissant pour cet auteur. Une très belle découverte !

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21 commentaires

  1. Je n’étais pas trop portée sur le catalogue de l’éditeur mais c’était avant Iruma 😁 et Horimiya. Depuis je lui accorde bien plus volontiers ma confiance et c’est grâce à toi.

    Je ne connais ni ce titre ni l’auteur et je ne pense pas qu’il soit adapté à mes goûts mais à nouveau j’aime passer par ici pour faire des découvertes et en apprendre davantage sur des titres, que je les lise ou pas o/

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  2. Adachi étant un de mes mangaka préfères, je suis ravie de ton retour positif sur cette lecture que je compte bien sûr faire prochainement.
    J’ai aimé toutes mes lectures de l’auteur, mais si je devais en conseiller une, ce serait Touch qui est celle qui m’a le plus touchée par ce qu’elle raconte sur le deuil, la famille, la gémellité…
    Que je suis contente de voir ce grand conteur de l’enfance et l’adolescence revenir chez nous. ☺️

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    • J’en suis ravi aussi pour le découvrir actuellement !
      J’ai enchaîné avec Katsu, je vais essayer de publier dessus demain mais c’est aussi une réussite.
      J’ai vu que Q & A était disponible en mediatheque, je vais m’empresser de réserver ça ! N’hésite pas à me faire un retour (ou m’envoyer le lien) quand tu auras lu tout ça, ça m’intéresse !
      J’essaierai de prendre le temps de lire ce que tu as déjà dit sur l’auteur.

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      • J’ai trouvé Katsu sympa mais pas son meilleur.
        Q&A est, de mémoire, le seul que j’ai abandonné…
        Par contre, tu ne trouveras des mots que sur Touch et peut-être Short Program car ça fait longtemps que j’ai lu le reste, avant la création du blog ^^

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      • C’est déjà pas mal !

        Pour ce qui est de la qualité des titres, je fais aussi avec ce qui est dispo. D’ailleurs j’ai cru voir que la faute dans le nom de l’auteur sur la réimpression de Short Program fait que tout lz stock a été détruit et que la prochaine réimpression est prévue pour 2024… hallucinant…

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      • Je me doutais que tu faisais ainsi. Après tu n’auras peut-être pas le même regard dessus vu que toi tu découvres l’auteur et ce serait tant mieux !

        Ces boulets de Delcourt quand même.. ils n’en loupent pas une 🙄

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  3. C’est aussi une découverte pour moi. Et je pense être sur la bonne voie pour intégrer à terme le cercle des laudateurs de ce talentueux artiste.

    J’ai trouvé ces récits courts d’une tendresse désarmante, accordant le droit aux rêves égarés à travers les décennies de défier une forme d’absolue recherche de la vraisemblance. Un parfum de douce nostalgie régnait à lecture de ce recueil, enivrant à souhait.

    Et je suis content de voir qu’il semble s’agir là d’un sentiment commun, vu le bien que tu en penses toi aussi.

    En espérant que ça puisse permettre de faire revenir Touch chez nous, jalon cruellement manquant de l’histoire du manga que j’aimerais particulièrement découvrir à présent.

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    • J’aimerai aussi m’intéresser un peu plus à l’auteur. Je n’ai vu que Q & A en mediatheque, ce sera un début. Mais j’aimerai pouvoir me lancer dans Touch également. Je n’ai pas regardé chez quel éditeur il est, mais j’imagine que si c’est chez Delcourt, ça va être compliqué.

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      • Glénat… tout comme Rough. Je pense qu’il reviendra à terme comme ont pu revenir tous leurs classiques au fil des ans, mais la vraie interrogation concerne la qualité de la réédition. D’un côté, il y a le travail qu’ils ont fait sur Evangelion (quoi qu’on dise du cartouche), des Nihei et de l’autre les éditions moisies d’Ashita no Joe ou l’Ecole Emportée (que j’ai quand même pris).

        Je suis clairement plus confiant aujourd’hui dans le travail d’un Panini qui présentent aujourd’hui des travaux d’une qualité homogène que sur celui de Glénat, dont le catalogue absolument sublime ne bénéficie malheureusement pas du soin adéquat.

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