Koda m’a PRANK ! Je lis Les Enfants de la Baleine… ça tourne mal !

Les enfants de la baleine

La vie est dure pour tout le monde, et dans la vie de toutes et tous, il y a de vils cancrelats, des petites pestes du fou fieffé, des coquins qui prennent un malin plaisir à la rendre toujours plus dure, plus insoutenable. Si les parents savent bien de quoi je parle, nos enfants étant clairement ceux qui nous pourrissent le plus la vie, il existe une autre espèce bien invasive à même de réduire à néant toute trace de bonheur en nous : les twittos ! Me concernant, j’ai été pris à parti par un certain Koda, qui s’est mis en tête de me faire lire son manga fétiche : Les Enfants de la Baleine. Je sais ce que vous vous dites : « oh mais moi aussi il me fait chier avec ce manga ! », et en effet, personne n’est passé à côté de sa photo qui ressort en permanence au point d’imprimer nos rétines qui n’en demandaient pas tant (il parait que la persistance rétinienne n’existe pas, mais j’aime à croire que Koda a réussi à la créer avec sa putain de photo de merde !). Je vous mets ci-dessous un des 500 tweets où il ressort sa photo, tout fier de son autel dédié à la gloire de cette série, qu’il nous balance sans qu’on lui ait rien demandé à la moindre occasion ! Les seuls pète boules qui forcent autant sont l’autre relou avec Undead Unluck, et évidemment, le sociopathe qui lâche rien avec Rensuke Oshikiri (si vous êtes dans le twitter manga, vous les connaissez forcément ces malades).

Du coup, sous prétexte qu’on se connait vaguement et que, du fait des conventions sociales je ne l’envoie pas constamment chier, il m’emmerde avec une régularité qui force presque l’admiration avec ce manga, ce qui peut mener à deux finalités : le dégout ultime (c’est déjà arrivé qu’on en fasse tellement des tonnes sur un truc que je finis par détester par principe), ou la curiosité. Par chance pour lui, c’est la seconde qui l’a emporté.

Et récemment, j’ai fini par compléter Seven Deadly Sins, manga d’exception s’il en est, en achats réguliers via ma cagnotte waouh de Auchan, magasin auquel je suis fidèle depuis que j’ai officié étudiant dans une de ces enseignes (et accessoirement parce que c’est ce qu’il y a chez moi et près du travail). Je me demandais alors quelle série débuter via ce moyen de paiement. Évidemment, l’autre relou l’a ramenée direct en mode « ouais euh, ça va bientôt s’achever en 23 tomes, donc ce serait vraiment l’occasion idéale de te lancer, tu verras c’est trop bien, c’est un shojo mais vendu en seinen, regarde ma photo blablabla j’achète un manga de Rensuke Oshikiri en échange ». La planche de manga (sens de lecture japonais) ci-dessous restitue très fidèlement ce qui s’est déroulé.

Pierrickoda

Hé oui ! Entre temps, le gredin m’a trahi ! Mais, tel le pénitent, je sais trouver en moi le pardon et laisser de côté les vieilles querelles pour être bon, ouvert et honnête. Tout ce que cet homme n’est pas en somme ! C’est ainsi que j’ai entamé ma lecture, le cœur leste et l’esprit affable, et ait enchainé les deux premiers volumes de cette série, qui regorge déjà de qualités, il est vrai.

Pour être parfaitement honnête, malgré l’absence de qualités humaines de Koda, j’ai foi en son bon goût en terme de mangas, quand bien même nous pouvons avoir des désaccords. De ce fait, je ne suis pas surpris de constater qu’en effet, Les Enfants de la Baleine démarre sous les meilleures auspices. Et on va enfin pouvoir en parler, après cette introduction d’une longueur déraisonnable !

Parce que oui, on rigole on rigole (si ça vous fait pas rire, merci de ne pas me le dire, après longue réflexion j’estime qu’il vaut mieux vivre dans l’ignorance si ça rend heureux), mais il faut redevenir un peu sérieux à un moment pour parler du manga, car il est fichtrement bon ! Pas juste parce qu’il est super bien dessiné, pas juste parce qu’il est super bien écrit, mais surtout parce qu’il transporte vraiment ! Et ça, c’est important de le dire, de le développer, afin qu’on prenne quand même la mesure de la qualité de cette entrée en matière (oui, on ne va parler que des deux premiers tomes… Sur 21 sortis sur un total de 23, le mec arrive après la bataille, mais il faut lutter contre l’injonction à toujours aller vers la dernière nouveauté !).

Commençons donc par le commencement, c’est quoi Les Enfants de la Baleine ?

Les Enfants de la Baleine est un shojo de Abi Umeda prépublié dans le magazine Mystery Bonita (la isla) de Akita Shoten, magazine dans lequel Nos Temps Contraires, entre autres, est publié. Un titre publié en mensuel depuis 2013, qui va donc s’achever prochainement en 23 tomes. Chez nous, c’est Glénat qui l’édite, avec une traduction de Karine Rupp-Stanko. Il s’agit de la seconde série de la mangaka à arriver chez nous, après le shonen sportif Full Set, en 5 tomes. Mais elle a publié davantage de titres au Japon, commençant par du shonen avant de bifurquer dans des magazines shojo. Ce qui compte là-dedans, c’est surtout de constater qu’il s’agit d’une mangaka d’expérience, ce qui se remarque notamment par le style visuel parfaitement maitrisé dès le premier chapitre des Enfants de la Baleine. Et, pour bien signifier la porosité des catégories éditoriales au Japon et montrer que le titre a une vraie reconnaissance, la série a été dans le top 10 du Kono manga ga sugoi 2015 à la fois dans les catégories filles ET garçon. Ouf, ça veut dire que je peux lire ce shojo, me voilà rassuré !

C’est donc un manga qui n’a plus rien à prouver, et qui n’a pas besoin de moi pour se faire connaitre. Mais j’ai dit à Koda que j’en ferai un retour honnête, donc je m’exécute, sinon il va encore se plaindre. Tout ceci étant dit, il est temps de passer au résumé éditeur :

Dans un monde où tout n’est plus que sable, un gigantesque vaisseau vogue à la surface d’un océan de dunes. Il abrite des hommes et des femmes capables pour beaucoup de manipuler le saimia, un pouvoir surnaturel qu’ils tirent de leurs émotions. Ce don les condamne cependant à une mort précoce. À bord de la “Baleine de glaise”, ils vivent leur courte vie coupés du reste du monde. Jusqu’au jour où, sur un vaisseau à la dérive, le jeune Chakuro fait une étrange rencontre…

J’avoue que je n’avais même pas lu le résumé au moment où je me suis lancé, je n’avais donc qu’une idée très vague de la nature de ce manga, si ce n’est quelques illustrations (somptueuses), qui charriaient déjà un imaginaire singulier. Grandes étendues désertes dans lesquelles des enfants survivent tant bien que mal, et c’est tout. Le début de l’histoire me donne un peu raison, mais très rapidement, les premiers conflits et enjeux se lancent, permettant de prendre un peu de hauteur sur tout cela. Et une image parlant mieux que mille mots, voici un peu ma réaction à la lecture de ces deux premiers tomes.

moi qui lit Les Enfants de la Baleine

Ceci est évidemment une exagération de la réalité (je suis moins vieux), mais c’est pour resituer mon ressenti à la lecture de ces deux premiers tomes. Loin de moi l’idée d’accuser quiconque de plagiat (les deux séries ont évolué en parallèle au final), mais plutôt de constater des similitudes fertiles en terme de réflexion. Par ailleurs, ces thématiques et idées mises en place ne sont pas l’apanage de ces deux seules séries, Astra Lost in Space, FullMetal Alchemist ou encore Fire Force partagent certains de ces éléments, et tout ceci est surtout selon moi le signe d’un vrai questionnement chez les japonais de leur propre histoire et de ses éléments les moins glorieux. Ainsi, ce qui m’intéresse, c’est que cela donne de la densité et du corps au récit, ça en fait un titre chargé, un titre qui a des choses à dire en plus des choses qu’il a à raconter (ce qui n’est pas pareil, écoutez les masterclass de Jean-Baptiste Thoret, ça vous calmera un peu, bande de débiles que vous êtes !)

Et si ça semble être un mettage de charrue avant les bœufs, c’est au contraire la première chose à signaler selon moi concernant ce manga, ce qui le fait surnager d’emblée. En tissant des liens, en créant un réseau réflexif et thématique avec d’autres œuvres, cela renforce Les Enfants de la Baleine, mais aussi les autres œuvres. En tout cas, me concernant, j’étais un peu comme un fou à la lecture grâce à cet aspect. Mais ça, c’est parce que je suis un intellectuel, une personne qui réfléchit, qui pense ! Et je sais que vous qui me lisez, vous êtes un peu con, et vous voulez juste vous évader avec une belle histoire, donc venons-en à cela aussi !

Soyez donc rassurés, la Abi Umeda, elle se fout vraiment pas de nous. Comme je l’ai dit, elle était déjà une mangaka d’expérience avant de commencer la série, et ça se ressent tout de suite dans son trait, fourmillant de détails, à même de mettre en valeur son univers singulier. Dans ce monde recouvert de sable (qui est grossier et s’insinue partout), où la Baleine de Glaise, le vaisseau-cité où vivent les personnages possède d’emblée une très forte identité, mise en valeur par le choix de narration interne totalement assumé par l’autrice. En effet, elle fait le choix de tout raconter du point de vue du personnage principal, Chakuro, qui consigne dans un journal tout ce qu’il vit. Si au départ il s’agit de documentation à visée historique, pour transmettre l’Histoire à son peuple, cela devient un journal personnel par la suite. Dans tous les cas, il faut s’imaginer qu’en gros, Chakuro c’est Lucy de Fairy Tail, en moins charismatique cependant (il serait difficile de l’être plus, vous en conviendrez).

Les enfants de la baleine

Et Abi Umeda assume tellement ce parti pris (pas forcément original en soi) qu’elle a eu la bonne idée de proposer une postface où elle raconte avoir trouvé les écrits de Chakuro dans une boutique, et qu’elle a décidé de les adapter au format manga, en prenant cependant des libertés avec ce qu’il a écrit (justifiant par là quelques incohérences que je n’aurai pas remarqué de prime abord, comme la présence de fleurs à un moment qui ne fait pas sens compte tenu de l’absence de jardins sur la Baleine de Glaise).

Une emphase mise sur l’effet de réel, qui rappelle par exemple ce que faisait Tolkien avec la mise en avant des écrits des personnages dans son univers de fiction (le saviez-tu ? En fait quand tu lis Le Hobbit, tu lis le bouquin écrit par Bilbon qui retrace ses aventures, et pareil avec Le Seigneur des Anneaux, écrit par Frodon si ma mémoire est bonne). Cela permet surtout une caractérisation efficace de son univers, où Chakuro prend le temps de nous expliquer le fonctionnement de tel ou tel élément de celui-ci, lui donnant du corps et une vraie crédibilité. Et en plus, la nature même de ce monde fait que le jeune garçon ne connait au fond pas grand chose en dehors de son lieu de résidence, ni même l’histoire de son peuple qui lui est cachée, un très bon moyen pour nous de découvrir tout ça en même temps que lui.

Ainsi, il y a un souci évident de densité et de crédibilité au service de l’immersion dans cet univers. Souci auquel je suis personnellement extrêmement sensible, notamment car je trouve que c’est souvent un élément qui pèche dans les mangas que je lis. Si l’univers est malgré tout sous influence – j’ai pensée à Nausicaa, mais aussi à Mortal Engines (les livres, pas le film abject), certains jeux vidéo japonais, notamment les Fumito Ueda, et évidemment à Mad Max (sable=Mad Max dans ma tête, sinon rien à voir, je dois l’avouer) – la mangaka arrive à donner une vraie singularité à ce monde, et surtout à le rendre immersif.

On parle souvent des capacités d’immersion de tel ou tel médium, comme si il y avait une échelle de valeur et qu’en fonction du médium on serait forcément plus ou moins immersif (genre le jeu vidéo serait l’immersion optimale). Personnellement, je n’y crois pas du tout. Je pense par contre que les différents médias ont des outils qui leur sont propres pour nous immerger dans leur univers. Dans le manga comme dans la littérature, l’écriture est un des moyens privilégiés, de même que la posture induite par l’activité de lecture. Mais en plus, il y a le visuel qui joue énormément, prenant en charge la part d’imagination qu’on a avec les seuls mots. Ici, tout nous est donné à voir, et les auteurs doivent donc être en mesure de mettre en scène un maximum de détails visuellement, afin de s’assurer notre pleine adhésion.

Et, si je suis sur ma faim la plupart du temps sur cette alchimie entre l’écriture et le visuel dans le cas du manga, où les univers me semblent souvent brinquebalants, n’arrivant pas à donner un vrai sentiment d’authenticité, je trouve que Les Enfants de la Baleine s’en sort d’emblée avec les honneurs. En partie grâce à son esthétique somptueuse, détaillée, et convoquant des référents qui sont déjà porteurs d’un certain imaginaire, mais aussi et surtout grâce à cette béquille très efficace de l’Histoire avec un grand H qu’on ne connait pas. L’Attaque des Titans l’utilise aussi de façon maline, pour circonscrire l’Histoire de son monde à la seule partie qui est utile au récit. Pour dire les choses plus clairement, on nous fait comprendre que le monde présenté dépasse le cadre de la seule histoire racontée, mais il y a des raisons au fait qu’on ne connaisse pas réellement ce passé dans sa globalité, permettant de justifier la présence de zones d’ombres, qui pourraient être plus gênantes autrement. À voir cependant comment Les Enfants de la Baleine gère cet aspect sur la durée.

De même, l’aspect postapo aide pas mal sur ce point, car on peut toujours considérer l’univers de fiction comme une extension de notre réalité, qui aurait dévié suite à un événement quelconque, permettant ainsi de s’économiser le besoin de toute un travail chronologique fastidieux. Et même dans le cas d’un monde de fiction qui ne renverrait pas tout à fait au notre, si on décide d’un instant T où le monde bascule, il n’est pas nécessairement pertinent de connaitre le monde d’avant.

Tout cela pour dire que Abi Umeda distille déjà rapidement ça et là plein de petits éléments qui « font monde », tout en restreignant au départ notre accès aux connaissances, mais en nous indiquant que cette même quête de connaissances sera un élément important de son récit. Cela permet d’être rapidement tenu en haleine (on se dit « mais bordel que s’est-il passé ? Il faut absolument que je continue pour savoir !), en même temps de donner un cadre pour le fameux « world building », qui devient un enjeu du récit en plus d’un enjeu purement esthétique.

Avec tout cela, inutile de préciser que mon enthousiasme est total, quand bien même je n’ai lu que deux tomes (sur 23 prévus au total pour rappel). Je n’avais en réalité pas trop de doute à ce sujet, Koda étant une personne de confiance, même si j’ai plaisir à le taquiner (appelez-moi Takagickola). Concluons donc le récit de cette découverte via une nouvelle planche de manga (toujours de droite à gauche la lecture!), célébrant l’échange, les amitiés qui naissent sur les réseaux entre deux personnes opposées, qui ne se sont jamais rencontrées et ne le feront jamais car l’une comme l’autre n’aiment pas les gens et préfèrent lire des mangas ou jouer à God of War (ou mieux encore, regarder Avatar, Le Hobbit et Mad Max Fury Road pour la 1000e fois). C’est finalement cela qu’il faut retenir… Si on aimait les gens, on lirait moins de mangas, mais du coup la vie serait plus fade !

Pierrickoda

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27 commentaires

  1. J’ai pas souhaité faire plus plaisir que ça à Koda moi non plus mais force est de constater que ce fut une excellente découverte pour moi aussi. J’en suis encore à ce stade, n’ayant toujours pas pris le temps de lire la suite. Et bien que j’ai le sentiment qu’avec ce nombre de tomes, on n’évitera pas certains « poncifs » du récit d’aventure, c’est pas pour autant quelque chose qui me fait peur, compte tenu de cette tonalité plutôt mélancolique que je trouve très maîtrisée, de cette forme de mysticisme propre à ce genre de récits et du dessin voluptueux à souhait.

    J’ai bien aimé tes comparaisons et la remarque que tu fais vis à vis de la postface également. Bref, un très bel article qui aurait pu être excellent si son auteur ne s’était pas pris les pieds dans le tapis en refaisant l’éloge, non nécessaire, de Nanatsu no Taizai :p

    Aimé par 1 personne

  2. Une fusion magnifique des genres !
    Je suis ravie que Koda t’ait convaincu de lire ce shojo d’aventure. Le début est en effet très bien écrit, prenant et immersif, beau, poétique et violent aussi
    Je trouve juste la série un peu longuette au bout d’un moment perso et avec la parution qui s’est ralentie en VF, ça m’a un peu perdue 😅
    Quel nouveau titre Koda pourra-t-il te convaincre de tester ensuite ? Nous sommes tous fébriles à l’idée de le découvrir !

    Aimé par 1 personne

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