Mon avis sur… Blue Period T.11&12 de Tsubasa Yamaguchi

Blue Perio 11 et 12

Alors que Yatora a terminé sa première année d’études supérieures à Geidai dans le tome 10, Tsubasa Yamaguchi exploite chaque élément composant la vie étudiante dans les tomes suivants, avec notamment le petit boulot estival, qui consiste ici pour notre protagoniste à donner des cours de peinture à des enfants, auprès de son ancienne enseignante. L’occasion de revoir un ancien personnage, mais surtout de questionner encore certains éléments qui ont trait à l’art, mais aussi plus globalement à cette période particulière de la vie, où on fait des expériences, apprend des choses, et, au final, où l’on grandit. Voyons donc tout ce que la mangaka a à nous dire dans ces deux volumes.


Un grand merci à Pika pour l’envoi de ces tomes.


Mon avis sur les tomes précédents : Tome 1 – Tome 2 – Tome 3 – Tome 4 – Tome 5 – Tomes 6&7Tome 8Tomes 9&10


J’essaie de le souligner depuis un certain nombre d’articles, j’aime tout particulièrement la façon dont Blue Period arrive à mettre en résonance les questions liées au monde de l’art, qu’elles soient théoriques ou plus pratiques, et l’évolution de son personnage principal dans sa vie de tous les jours. J’ai le sentiment que l’idée directrice de la mangaka est de traiter la question du regard sur le monde, sur soi-même et sur la vie que tout un chacun a et affine au gré de ses expériences, et le regard sur l’art plus spécifiquement. C’est finalement quelque chose qui semble relativement logique, quand bien même j’ai l’impression qu’on a souvent tendance à traiter la question de l’art comme quelque chose de spécifique, comme décorrélé de la vie.

Le premier chapitre du tome 11, évoquant la question de l’éducation du regard et de l’évolution de la sensibilité artistique par le biais d’une conversation autour de Picasso et des raisons de son génie synthétise bien cette idée selon moi, questionnant l’évolution du regard sur l’art en parallèle à la maturation en tant qu’individu. Tout ceci passant par le personnage de Yatora et ses questionnements personnels, notamment sur l’évolution de son regard, qui entre ici en résonnance chez le lectorat, dont la vision s’affine au fil des lectures mais aussi au gré de son avancée en âge.

Autre élément intéressant du tome 11, lié au travail saisonnier de Yatora, le rapport aux enfants et à leur vision spécifique de l’art, mais aussi et surtout la façon de penser les œuvres destinées à la jeunesse. En effet, Yatora va regarder une série pour enfant sous les recommandation d’un élève du cours qu’il donne, et il se rend compte qu’il est ému par cette série, notamment par ses thématiques positives qu’il voit comme des valeurs que les adultes cherchent à transmettre aux enfants par le biais de la fiction. C’est une question extrêmement riche et fertile selon moi, car il s’agit d’une problématique importante dans le domaine de la fiction pour les enfants. On peut très facilement trouver des exemples d’œuvres visant la jeunesse qui sont en effet très chargées au niveau des « morales », des fables de la Fontaine aux films de Pixar, il s’agit d’un des codes de ce type de fiction.

Et me concernant, j’ai senti une résonnance particulière vis à vis de ce que dit Yatora sur le sujet, en tant que parent. Je pense que c’est vraiment depuis que j’ai des enfants que je me suis pris de passion pour tout ce qui à trait à la jeunesse en terme de fiction, même si j’avais déjà une certaine affinité (et une certaine sévérité) vis-à-vis de ça avant. Je ne peux pas me mettre dans la tête des gens qui créent, même si leur démarche et ce qu’ils veulent transmettre apparait souvent de façon évidente, mais je peux clairement dire qu’en tant que parent, j’attache une grosse importance envers ce que transmettent comme idées les fictions que je donne à voir à ma fille ainée. Il y aurait vraiment énormément à dire à ce sujet, qui est juste évoqué par la mangaka au détour d’une page. C’est un des points que j’aime beaucoup avec cette série, réussir avec de simples évocations à susciter des réflexions plus profondes.

Passons maintenant au tome 12, où Yatora commence sa deuxième année, dans des conditions un peu particulières. Son nouvel enseignant référent (qu’on voit sur la jaquette) est très particulier, et n’hésite pas à bousculer le jeune homme, suscitant encore et toujours remise en question chez lui. On voit davantage ici la vie étudiante au sens large que les cours, et pour cause, Yatora finit par beaucoup sécher, pour passer du temps avec un groupe de jeunes artistes. Tsubasa Yamaguchi arrive très bien à faire ressentir le bouillonnement créatif et intellectuel de cette petite bande, qui renvoie explicitement à la dichotomie entre les connaissances académiques et celles accumulées par l’expérience.

Il me semble que c’est quelque chose de très souvent discuté, quel que soit le domaine artistique abordé. On se demande toujours si les grands artistes le sont grâce à une formation académique ou grâce à une expérience autodidacte, et s’il ne me semble pas y avoir de règle (il existe des génies qui ont chacun des deux parcours), il est intéressant dans le cadre du manga de poser cette question. D’une part car cela crée un nouveau nœud de tension pour Yatora, qui se demande quelle voie poursuivre, mais surtout, cela permet encore une fois de se projeter en tant que lecteur ou lectrice. Car au-delà de la question des compétences pratiques en tant qu’artiste, la question des connaissances théoriques est toujours là, et permet fort logiquement à une personne passionnée d’art, et ici de manga (puisqu’on est en train d’en lire un), de se questionner sur son propre rapport à ses objets de passion.

Ainsi, une fois de plus, Blue Period arrive à créer un vrai bouillonnement intellectuel de par les nombreuses questions posées (et ouvertes, sinon c’est moins intéressant). En cela, j’ai le sentiment que la série en dit beaucoup sur les raisons pour lesquelles on aime l’art au sens très large, y compris le manga en particulier. Et le tout sans jamais être trop rentre dedans, car tout est mis en perspective par rapport à l’expérience de son personnage principal, qui est une représentation extrêmement réaliste et pertinente de l’importance que la vie étudiante peut avoir dans l’édification d’un jeune adulte. À moins que tout cela ne soit que les divagations d’un mec qui n’a toujours pas fait le deuil de ses années de fac, qui ont été particulièrement passionnantes.

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6 commentaires

  1. Je te rejoins dans l’intérêt que tu as ressenti et moi aussi pour ce travail sur le regard qu’on pose sur l’art et en particulier avec les enfants. J’ai adoré et vraiment retrouvé des situations vécues au boulot. Top !
    J’ai hâte de lire ce nouveau tome !

    Aimé par 1 personne

  2. Très bon article sur ces 2 tomes.

    Le 11 parlait de l’apprentissage en tant qu’enfant, le 12 semble parler de celui d’un étudiant, est-ce que le 13 va traiter sur l’apprentissage une fois devenu adulte/pro ? Vous l’aurez vue ici en premier.

    Pour revenir aux tomes en eux même, le 11 m’a beaucoup toucher par la justesse du propose qui est d’apprendre à communiquer et à forger les enfants pour ce vers quoi ils souhaite s’épanouir.

    Aimé par 1 personne

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