Il y a quelques jours, j’ai eu la surprise de recevoir un colis inattendu de la part de Noeve, assorti d’un petit mot disant en gros : « Salut Pierrick, voici quelques mangas qui devraient te plaire, ça parle de ce que tu aimes : des gens malheureux qui veulent baiser ! » (possible qu’une partie soit inventée cependant). Les bougres ont eu le nez creux puisque sur les quatre titres reçus, les deux premiers lus m’ont déjà fait forte impression. En effet, en présentant chacun à leur façon un tandem de personnages en proie à un certain malheur, cherchant à tromper sa détresse via un secours affectif, Nous irons manger du crabe et Scum’s Wish m’ont tous deux convaincu, via de vraies qualités esthétiques et narratives. Voyons donc tout cela !
Nous sommes dans les deux cas face à des seinen écrits par des femmes, entre le drame et la romance, mais dont l’un a des velléités clairement érotisantes (Nous irons manger du crabe) là où l’autre, Scum’s Wish, fait davantage dans la retenue, notamment du fait de son cadre lycéen. Les deux séries sont également assez courtes, celle de Gino0808 faisant 9 tomes, alors que celle de Mengo Yokoyari en fait 8.
Et dans les deux cas, comme je l’ai dit en introduction, on retrouve des thématiques plus ou moins similaires, où le contact charnel devient un moyen de tromper le malheur, l’ennui, la frustration amoureuse… Des thématiques qui me parlent donc, appréciant vraiment les histoires mettant en scène de la romance traitée de façon adulte.
Concernant Nous irons manger du crabe, le pitch de base est simple, et pourrait d’emblée poser problème à une partie du lectorat tant c’est moralement assez difficilement acceptable :
Un jour d’été, sous la chaleur étouffante et le chant assourdissant des cigales, un homme tente de mettre fin à ses jours. Seul, sans emploi, sans argent, il n’a rien … pas même le courage de faire le dernier pas.
Au fond du trou, il réalise qu’il n’a jamais mangé de crabe de sa vie et prend une décision: ce sera son dernier repas. Il cible a lors une riche épouse solitaire dans l’idée de lui dérober l’argent pour s’offrir ce mets …
mais c’est un dernier voyage inattendu qui commence pour lui comme pour elle.
Ce que le résumé omet de préciser, c’est que l’homme va agresser la femme chez elle, qui va s’offrir à lui bien volontiers. Ainsi, le sexe devient rapidement un liant entre les deux, qui semblent chacun porteurs de grosses blessures. Si on apprend rapidement à connaitre le personnage masculin et la raison principale de sa souffrance, la femme est beaucoup plus mystérieuse et fascinante.
Mais ce qui est intéressant, c’est le traitement du mal-être palpable de chacun, et la façon dont la promesse du voyage pour aller manger du crabe leur donne un sentiment d’aventure coupé de la vie de tous les jours. Si l’homme n’abandonne pas son idée de mettre fin à ses jours, on ne sait pas vraiment ce qui drive le personnage féminin, si ce n’est, on l’imagine, une grande détresse affective, bien qu’elle soit mariée.
Me concernant, c’est ces deux portraits sensibles de personnages qui m’a parlé, et la sensualité qui se dégage de leurs rapports. La mise en scène de Gino0808 met parfaitement en exergue cette sensualité et le désir qui s’installe, rappelant qu’on est dans un récit résolument adulte. Et on ressent bien cette nécessité pour réussir à supporter la souffrance de chacun.
Cependant, comme je l’ai dit, il faut accepter le concept de base du titre, où la relation se base quand même sur une agression, qui questionne d’un point de vue moral, d’autant plus que le personnage féminin s’accommode fort bien de cela, semblant tout à fait encline à s’offrir totalement à son ravisseur. On ne pourrait même pas parler de syndrome de Stockholm, puisqu’elle n’hésite à aucun moment et semble même le moteur du voyage.
À chaque lecteur ou lectrice de voir si cet aspect est un carton rouge ou non, me concernant, j’arrive à mettre de côté ma boussole morale de la réalité, si tant est qu’on me propose quelque chose d’intéressant au-delà du concept critiquable, et c’est tout à fait le cas ici à mes yeux.
Au sujet de Scum’s Wish, nous suivons deux adolescents qui ont décidé de se mettre en couple afin d’avoir chacun sa dose d’affection et de tendresse, puisque chacun vit un amour à sens unique pour un et une membre du corps enseignant. Ainsi, plutôt qu’être malheureux seuls, autant l’être à deux, en s’apportant ce qu’on peut au niveau charnel. Un postulat que je trouve très intéressant, et traité de façon sensible, travaillant au corps le point de vue des personnages, en particulier celui de la jeune fille.
L’autrice adopte un ton très adulte pour traiter de cette histoire, arrivant à mettre en avant l’aspect résolument charnel de cette relation, sans pour autant sombrer dans quelque chose de dérangeant. En effet, elle n’oublie pas qu’elle nous présente des adolescents, et de ce fait, garde une certaine retenue dans la représentation de l’aspect sensuel de la relation. Si on voit régulièrement des roulages de pelles, on ne voit pas beaucoup plus, afin d’éviter une représentation frontale des rapports sexuels entre adolescents.
Ainsi, elle trouve le ton et le point de vue juste pour aborder cet aspect de la vie adolescente, sans franchir la ligne rouge. Le récit étant de toute façon davantage orienté vers les sentiments des personnages, leur frustration vis-à-vis de leur amour à sens unique et comment chacun aborde cette relation particulière. De là découle en effet une vraie bienveillance et un souci de ce que l’autre ressent, malgré l’absence de sentiment amoureux l’un envers l’autre. Et c’est selon moi tout ce qui fait le sel du titre, arrivant à montrer en quoi cette relation apporte quelque chose de positif aux deux, malgré l’aspect très triste qui la sous-tend.
En résulte donc une autre introduction de qualité, de par le traitement intelligent et crédible de cette relation, mise en scène avec intelligence et talent. Et si Nous irons manger du crabe a ma préférence de par son approche sensuelle et le fait qu’elle mette en scène des personnages adultes, Scum’s Wish est aussi une série qui m’intrigue et me donne envie d’en voir davantage.
Heureusement que ta approfondie un peu le pitch de Nous irons manger du crabe. Parce qu’en lisant le synopsis j’avais plus l’impression que le mot « cible » était là pour dire qu’il allait draguer une fille riche pour profiter de son argent. Vue comme tu le décris ça pourrait m’intéresser en tout cas, mais je ne suis pas sur si j’arriverais à passer outre le détail du début de leur relation (ça dépendra de comment c’est raconté).
Tu n’as pas trop développé certains points de Scum’s Wish (notamment niveau des profs) pour ne pas spoil je suppose. Mais l’équilibre qu’on instaurer les 2 personnages ente eux peu offrir une évolution intéressante en fonction des choix qu’il feront et de l’importance qu’ils ont avec leur entourage.
J’aimeJ’aime
Ah ben dans Nous irons manger du crabe, il en veut quand même à son pognon, histoire de dépenser un peu et se foutre en l’air ensuite. Mais il est évident que ça va plus loin que ça au final. Et en tout cas, ça m’a vraiment très positivement surpris !
Pour Scum’s Wish, à la fois je ne voulais pas spoil, mais en plus j’ai honnêtement eu du mal à écrire dessus et articuler ma réflexion, je ne saurai pas trop te dire pourquoi.
J’aimeJ’aime
Quand j’ai lu le synopsis de Nous irons manger du crabe, ça m’a fait un peu penser a à Attache-moi d’Almodovar et notamment avec le trip du Syndrome de Stockholm.
Ces deux titre m’intriguent pas mal surtout le premier
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai pas vu Attache-moi, mais avec Almodovar j’ai tendance à me dire que c’est forcément bien. D’ailleurs je me dis que vu ses films, le bougre aussi est adepte des relations un peu limite dans ses œuvres mais particulièrement fertiles en terme de récit !
J’aimeAimé par 1 personne
Ouais en effet que ça soit amoureuse ou maternelle (Talons Aiguilles par exemple). Ce que j’aime chez lui, c’est que tout n’est pas rose, il est même parfois cruel mais c’est ainsi
J’aimeAimé par 1 personne
Dans La Piel que Habito, il l’est pas qu’un peu le bougre.
Parle avec elle aussi c’est pas mal en terme de pitch malsain de base.
J’aimeAimé par 1 personne
Alors ça fait très longtemps que j’ai vu Parle avec elle (c’était il y a dix ans même !) mais La Piel que Habito, ooooh que oui. D’ailleurs, c’est lors de mon dernier revisionnage que je me suis rendue compte qu’Antonio Banderas est vachement bien mi en valeur dans la film d’Almodovar. J’adore les films US qu’il a fait (surtout le Masque de Zorro) mais il fait plus authentique, moins cliché.
J’aimeAimé par 1 personne
Ouais, clairement, chez Almodovar, on le redécouvre totalement !
(mais je garde aussi beaucoup d’affection pour son rôle dans Philadelphia, comme à peu près tout dans ce film génial !)
J’aimeJ’aime
J’ai pas encore vu Philadelphia mais on m’a dit qu’il est excellent dans ce film
J’aimeAimé par 1 personne
Tout est excellent dans ce film, je te le recommande !
J’aimeAimé par 1 personne
Faut trop que je le regarde !
J’aimeJ’aime
Ça donne presque envie de découvrir mais plutôt Scum’s wish pour ma part. Je vais toutefois attendre ton avis sur ma série complète avant d’essayer, marre des déceptions et mon dernier test avec cet éditeur n’était pas génial 🥲
J’aimeAimé par 1 personne
Ce sera pas pour demain un avis global avec le rythme de parution ! Mais l’affaire est à suivre ma foi.
J’aimeAimé par 1 personne
Je viens de lire le tome 1 de « Nous irons manger du crabe », graphiquement c’est plus que beau, les personnages sont criant de vérité dans leurs actions ou leurs émotions qu’ils laissent transparaître.
Au début, j’avais peur de cette héroïne au corps de bombe (comme on en voit trop dans les mangas), mais lors de scènes de nue, on la voit moins parfaite qu’habillée, elle a des bourrelets ; même si son corps est au-dessus du lot. Une poitrine plus petite n’aurait pas nuit à l’intrigue.
Sinon, au niveau du scénario, c’est assez surprenant, on se demande qui a le plus envie de fuir une vie de merde, même si on comprend mieux le héros à la fin du manga avec les ennuis qu’il a connu.
L’héroïne ne semble pas non plus être blanche comme neige.
Hâte de lire le tome 2.
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, je trouve que l’alchimie si l’on peut dire entre les deux est une des grosses qualités du manga, et la principale raison qui me donne envie d’en voir davantage !
J’aimeJ’aime
[…] 9.Nous irons manger du crabe de Gino0808 […]
J’aimeJ’aime