Mon avis sur… Batman Justice Buster T.1 de Eiichi Shimizu et Tomohiro Shimoguchi

Je dois le confesser, je garde au fond de moi une âme de Batfan. Si j’ai arrêté d’acheter des comics, j’y reviens quand même régulièrement au gré des passages en médiathèque, et je garde une grande affection pour le personnage, régulièrement revitalisée par ses incursions cinématographiques, qui restent ma façon préférée de renouer avec lui. Le récent The Batman étant par ailleurs une expérience recommandable et vraiment intéressante. Mais aujourd’hui, c’est d’une petite curiosité qu’il est question, puisqu’on aborde la nouvelle incursion du justicier dans le domaine du manga, après Batman and the Justice League et Batman Ninja, tous deux chez Kana. Cette nouvelle série, intitulée Justice Buster, à paraitre le 14 septembre, est cette fois éditée par Pika, que je remercie pour l’envoi, dans un grand format hybride entre le manga et le comics, et semble par ailleurs vouloir davantage s’ancrer dans l’héritage américain que réellement réinterpréter à la japonaise le héros comme le faisaient les précédentes itérations. Voyons donc ce que cette nouvelle aventure du Chevalier Noir a à nous offrir.

Batman, un héros vu et revu…

Batman est très clairement le super héros le plus populaire de DC Comics, qui ne manque pas de l’exploiter jusqu’à la corde, avec des dizaines et des dizaines de sorties chaque année, un véritable enfer pour les collectionneurs et une des raisons qui m’a fait décrocher. Et avec plus de 80 années d’activité, on peut se dire qu’un peu tout à déjà été raconté avec ce personnage, ce qui n’est pas totalement faux. Mais une des spécificités des comics super héroïques selon moi est cette conscience de la répétition, qui amène à une fréquente remise en question des fondements des personnages concernés, faisant d’eux des objets théoriques pour les auteurs qui les travaillent. Du côté de Batman, Grant Morrison semble avoir proposé une lecture définitive du mythe, revenant sur toute son histoire tout en proposant de nouveaux pans majeurs de sa mythologie (notamment en introduisant Damian Wayne, le fils de Bruce).

Ainsi, tout en respectant certains fondamentaux, le personnage conserve un côté un peu malléable, permettant d’aller dans des directions diverses et variées, au gré des envies et sensibilités des auteurs. Dans Justice Buster, les auteurs semblent vouloir rester ancrés dans des éléments classiques, avec un Batman relativement jeune (on apprend qu’il est en exercice depuis 3 ans), un Dick Grayson rapidement esquissé via la perte de ses parents évoquée d’entrée, de même que celle des parents Wayne, passage obligé déjà racontée au moins 763 fois dans les différentes versions du mythe.

Quelques petits éléments viennent titiller cependant le lectorat qui connait déjà bien le héros, comme par exemple la présence de Robin sous la forme d’une intelligence artificielle créée par Bruce Wayne, ou encore le personnage du Joker, portant un masque qui dénote de l’apparence qu’on lui connait habituellement, et qui semble ici du côté de Batman. Pas de quoi bouleverser totalement les fondamentaux du personnage et de sa mythologie, mais une approche qui semble donc dans un entre-deux. Quoiqu’il faudra voir au fil des volumes ce que les auteurs ont prévu, afin de savoir exactement comment ils se positionnent de ce côté. Tout ceci étant dit, voyons de quoi il en retourne dans ce premier tome.

Un petit mot sur l’édition

Pika a fait le choix d’un grand format de 21cm de hauteur pour cette série, peut-être pour se rapprocher du format des comics (qui restent en général bien plus grands encore), le tout pour un tarif de 10€90 le volume de 200 pages (avec quelques pages couleur au début, tant qu’à faire). Une jaquette alternative est également proposée pour ce premier volume, même si d’un point de vue purement personnel, je préfère la classique. Vous pouvez vous faire une idée sur la couverture alternative, ainsi que lire un extrait de 40 pages sur le site de l’éditeur via CE LIEN. Enfin, la traduction est assurée par le Studio Charon.

Mon avis sur cette entrée en matière

Cela fait trois ans que Bruce Wayne a décidé d’enfiler le costume de Batman pour lutter contre la criminalité rampante de Gotham. Mais avec le temps, ses ennemis ont su évoluer et une criminalité nouvelle a émergé dans la ville. Face à ces menaces inédites, Batman va plus que jamais avoir besoin de Robin, l’intelligence artificielle qu’il a créée pour l’assister. Mais d’autres alliés improbables souhaitent lui proposer leur aide, comme un héros de Metropolis, ou encore un homme au masque de clown…

Le titre s’ouvre sur une poursuite entre Batman et le vilain Firefly, l’occasion de directement découvrir les designs très marqués en terme de costumes, où le héros tout comme son adversaire portent des armures assez hi-tech, qui m’évoquent presque les designs de Yoji Shinkawa sur Metal Gear Solid ou encore Zone of the Enders. En ouvrant le récit avec une scène d’action, les mangakas permettent de montrer de quel bois ils se chauffent, et de là découle ma première réserve. Je trouve que le découpage global manque d’impact, et souffre parfois de quelques confusions dans la représentation de l’action.

Batman VS Firefly

Si le titre est vendu comme un récit sombre et violent, il faudra vraiment que ce souci d’impact soit résolu. Car un des intérêts de Batman est pour moi qu’il est un héros borderline, et en effet violent. Ici, c’est trop propre selon moi, même si cela reste franchement correct et fluide. Au-delà de l’action, j’aime assez que l’esthétique soit en accord avec les représentations habituelles de Bruce Wayne, là où Batman and the Justice League avait rendu les visages des personnages beaucoup trop lisses selon moi. Ici, ce jeune Bruce Wayne arrive à dégager une certaine intensité.

Mais il n’y a pas que Bruce Wayne dans Batman, même s’il reste le cœur du sujet. Comme je l’ai dit, Robin est ici une intelligence artificielle, et il semble évident qu’il s’agira d’un élément central du récit. Mais la présence du nom Robin n’empêche pas d’introduire d’emblée le personnage de Dick Grayson, vivant chez son oncle, et fasciné par le métier de détective. On trouve par ailleurs une autre figure de détective que Batman, en la personne d’un homme mystérieux, dont la réplique « ça ne me fait pas rire » dans le premier chapitre semble donner un bon indice concernant sa nature.

Enfin, le personnage du Joker, dont on sait encore très peu de choses, se démarque un peu des habituelles itérations du personnage, puisqu’il semble du côté de Batman, et arbore toujours un masque relativement neutre en comparaison de son style habituel, souvent extrêmement marqué et travaillé.

Mais, surtout, ce premier tome reste encore trop en surface pour vraiment savoir où on va. Alors que bien souvent, lorsqu’un auteur entame un run sur le héros en comics, il met en général les petits plats dans les grands pour lancer la chose comme il se foit. Que ce soit Scott Snyder, Tom King ou encore Peter J. Tomasi, ils arrivent dès le premier tome de leur run à impulser une identité forte et une vraie direction à leur récit. Ici, c’est bien plus compliqué de savoir dans quelle direction vont aller les auteurs, et ce qu’ils vont apporter à la mythologie du Chevalier Noir.

Certes, l’économie narrative du comics et du manga est différente, puisqu’on peut raconter davantage de choses en une page de comics. Du fait des codes esthétiques et narratifs très différents entre ces deux types de bande dessinée, un tome de comics peut plus facilement raconter une intrigue autonome, qui s’ancre dans un tout global. Alors que dans ce premier tome de Justice Buster, on est vraiment face à une mise en bouche du récit, ne donnant clairement pas assez de billes pour vraiment savoir où on va.

En conclusion

Ainsi, si ce premier tome est agréable à lire et efficace en soi, malgré les écueils soulevés précédemment, il en offre encore trop peu pour vraiment savoir de quoi il en retourne. Ce n’est pas une entrée en matière tonitruante, et on en voit encore trop peu sur la direction que les auteurs vont emprunter.

Évidemment, je pense qu’un ou une batfan ne se posera pas la question, et se jettera sur ce premier tome, mais je pense que pour les autres lecteurs et lectrices, il faudra peut-être attendre d’en voir un peu plus afin de savoir si cette série en a assez dans le ventre. En l’état, c’est une lecture agréable, mais qui n’en montre pas encore assez. Affaire à suivre me concernant.

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7 commentaires

  1. Même si je trouve intéressant le massage d’un format à l’autre au sein d’un même univers, c’est un intérêt purement intellectuel parce que dans les faits quand j’aime un format j’ai tendance à m’y tenir et Batman version manga, ça ne me vend pas du rêve 😅
    Je n’irai pas jusqu’à me qualifier de batfan car je ne m’y connais pas assez mais j’ai les bases et j’aime explorer les histoires concentrées sur d’autres personnages de cet univers, surtout les vilains. Puis je reste fan de Damian Wayne xD mais comme toi j’ai arrêté d’acheter des comics en dehors des one shots « alternatifs » parce que ça me rend dingue de devoir lire cinq ou six séries différentes pour piger ce qui se passe dans celle là 🙄 enfin bref je balance un peu tout ce qui a pu me passer par la tête en te lisant ici 😁

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    • Tu as bien raison de balancer tout ça ! Le changement de format mérite d’être questionné et change quand même pas mal l’ambiance par rapport à celui d’origine. Ça plus le fait que Batman a quand même déjà une tonne d’aventures en comics.

      Pour ce qui est des histoires connectées sur les séries qui demandent à tout lire, ne m’en parle pas… c’est impossible de s’en sortir à moins d’être dans un rapport obsessionnel au personnage 😅

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      • Un rapport obsessionnel ET avoir plein d’argent parce que ça coûte un comics… en cartonné tout du moins. Ça peut aussi être un avantage de changement de format. Mais très clairement, passer d’un comics à un manga, c’est très différent rien que dans le découpage je trouve donc ce n’est pas quelque chose d’anodin.

        Et au passage je sais que Batman ça fonctionne super etc etc etc mais franchement, créer de nouveaux personnages ça peut être bien au lieu de ne jamais prendre le moindre risque…

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      • Ça, je suis d’accord avec toi sur tous les points ! Sur le dernier d’ailleurs, je pense aussi que la crise du comics aide pas à créer de nouvelles choses, d’où les 30 à 50 volumes de Batman (à vue de nez) qui sortent par an. Mais en même temps, est-ce que le fait de tourner en boucle avec les mêmes univers et personnages contribue pas à cette crise ? C’est une vraie question, a laquelle je n’ai pas de réponse personnellement.

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  2. Avec les personnages de comics ayant plusieurs séries différentes à leur actif selon les collections, il faut surtout commencer par chercher la série qui semble la plus intéressante selon les goûts de tout un chacun.

    Et rien n’empêche de s’arrêter une fois la série complète.

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