Boss Renoma de Shinobu Seguchi – Prolonger le plaisir de Prisonnier Riku

Boss Renoma

S’il y a bien une sortie manga que je ne pouvais pas rater cette année, c’est celle du spin-off en deux tomes de Prisonnier Riku, intitulé Boss Renoma, et fort logiquement centrée sur le second rôle du manga principal. La promesse de prolonger le plaisir d’un manga très cher à mon cœur, qui m’aura touché comme aucun autre jusqu’à présent. Je ne pouvais donc pas ne pas l’aborder ici.

Je ne pense pas que ce soit vraiment utile de resituer Prisonnier Riku, tant j’en ai déjà parlé en long en large et en travers ici. Mais, dans le doute, prenons quand même le temps pour le faire. Prisonnier Riku est une série de Shinobu Seguchi, terminée en 38 tomes, décrivant un futur proche, où après la chute d’une météorite sur Tokyo, la partie détruite de la ville est devenue un bidonville coupé du reste du monde par un immense mur, laissant les gens y vivant démunis, dans la pauvreté et la criminalité. Au milieu de cet enfer, le jeune Riku Kurita, 13 ans, grandit en arrivant à garder bon cœur, grâce à son « papy », un policier qui s’occupe de lui. Mais le papy en question finit assassiné sous ses yeux, et on fait porter le chapeau à Riku, qui se retrouve écroué pour 30 ans sur la Prison de l’île du Paradis. Il va donc devoir survivre au milieu de cet enfer carcéral, avec la volonté de s’évader pour découvrir pourquoi on a assassiné son papy.

De ce point de départ, Shinobu Seguchi déroule un récit résolument humaniste, où l’on suit le parcours d’un enfant qui refusera du début à la fin de céder à la haine et à la violence, ne rendant pas les coups et encaissant, quand bien même il est toujours face à plus fort que lui. L’humanisme se mêle également à un discours résolument politique, avec la figure antagoniste de Kidoin, personnage représentant la corruption et le pouvoir qui domine les petites gens.

Tout cela au service d’une histoire aux émotions à fleurs de peau, brossant des portraits de personnages complexes, parmi lesquels Renoma Sasaki, le second personnage le plus important du manga, qui deviendra le frère de sang de Riku dans sa quête de justice. Et c’est de ce Renoma qu’il va être question dans ce spin off, racontant un petit chapitre de sa jeunesse, lors de son arrivée en prison, plusieurs années avant le début de Prisonnier Riku.

Si vous avez lu Prisonnier Riku, vous vous demandez peut être si ce spin off fait dans la redite, puisque le passé de Renoma a été suffisamment développé dans la série d’origine, où des flash back nous montrent les raisons de son incarcération, comment il est devenu un chef de gang important, mais aussi d’où lui vient sa défiance envers les adultes. Tous les éléments de caractérisation du personnage avaient été développés avec talent, de ce fait, ce spin off n’a pas vocation à réellement nous en apprendre plus sur lui. En choisissant de raconter comment s’est déroulée son arrivée sur la prison, et comment il est devenu le chef de la 27e menuiserie, Shinobu Seguchi crée une structure narrative en miroir de ce que vit Riku dans les premiers tomes, soulignant la différence de caractère des deux personnages (un élément important dans la série principale).

Cela permet également d’aborder cet univers avec un ton légèrement différent, ou tout du moins plus proche de certains passages en particulier de la série principale, qui donnaient parfois la part belle à l’action et la grosse bagarre. L’occasion ici pour Shinobu Seguchi de laisser parler son talent esthétique, proposant des planches somptueuses dans l’action, avec un travail sur les postures particulièrement puissant. De même, il se permet des audaces formelles qu’on avait déjà vu dans la série principale, convoquant une imagerie métaphorique pour représenter certains états mentaux des personnages.

Ainsi, tout cela fonctionne fort bien et apporte un complément de qualité à Prisonnier Riku, se focalisant davantage sur un shot d’action au format court. Sans pour autant négliger l’écriture de ses personnages, se centrant sur la rivalité entre Renoma et le détenu qui règnait sur la 27e menuiserie avant lui. Ici, l’auteur arrive à épouser l’ambiguïté morale du chef du Double Dragon Cross, enfant brisé par ce monde qui protège sa famille en se salissant les mains. Encore une fois, l’auteur dresse un miroir de Riku qui vient nourrir le propos global de son œuvre, tout en proposant un angle de vue légèrement différent.

Ainsi, ce spin-off arrive avantageusement à étoffer l’expérience émotionnelle que représente la lecture de Prisonnier Riku, et arrive à avoir un degré d’autonomie suffisant pour être lisible par un public n’ayant pas sauté le pas de la série principale. Et, surtout, c’est une œuvre tellement habitée émotionnellement, tellement poignante et profonde que l’acte d’achat revêt selon moi une grande valeur symbolique. Définitivement une expérience narrative au-dessus des autres à mes yeux.

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