Attention, énorme coup de cœur ! Une série School life, ça me parle. Si en plus elle traite avec intelligence et un certain humour d’un sujet important, à savoir l’anxiété sociale, ça me parle encore plus. Et si elle se permet ça et là des pointes d’originalité bienvenues, et surtout un traitement vraiment malin de ses différents aspects, avec des ruptures de ton bien senties, c’est encore mieux. Pour le dire simplement, alors que j’attendais beaucoup les deux premiers tomes de Komi cherche ses mots, la lecture a été largement au-delà de mes attentes. Explications dans cet article !
Un grand merci à Pika pour l’envoi de ces deux volumes. Vous pouvez consulter un extrait et davantage d’informations sur la série via CE LIEN.
Resituons rapidement la série
Passons vite sur la présentation habituelle, pour éviter d’être lourd (vous pouvez zapper cette partie, je ne vous en voudrai pas), Komi cherche ses mots est un manga de Tomohito Oda, prépublié dans le Weekly Shonen Sunday de Shogakukan depuis 2016, avec déjà 25 tomes au compteur au Japon. La série est à la fois un succès commercial et critique, puisqu’en plus de très bien se vendre, elle a remporté quelques prix, de même pour son adaptation animée de 2022 (disponible sur Netflix, je compte bien m’y mettre !).
Chez nous, c’est Pika qui publie la série, qui était par ailleurs assez attendue par les fans de mangas, et pas uniquement grâce à la hype de l’anime. La traduction française est assurée par Kevin Stocker, et cela vaut le coup de s’arrêter un instant dessus. Comme le précise l’éditeur, il a été choisi de conserver les noms japonais des personnages, qui sont tous des jeux de mots, et de donner un alias français à chaque fois en note, afin de retranscrire le jeu de mots. C’est déjà une très bonne idée, mais en plus, la traduction a globalement énormément de pèche, réutilisant des expressions jeunes (ou en tout cas qu’on voit sur Twitter, je suis vieux, je sais pas comment les jeunes parlent…) qui fonctionnent vraiment bien, surtout en terme de tempo comique. En bref, une belle réussite en terme de traduction/adaptation, de ce que je peux en juger.
Mais tout ça c’est bien beau me direz-vous, mais pourquoi c’est si génial ?
Résumé et premier contact avec Komi
Dès la rentrée, Komi ne passe pas inaperçue : la beauté si singulière de cette fille et son élégance délicate en font une véritable déesse vénérée de tous ses camarades. Mais en réalité, son mutisme n’a rien de raffiné pour elle : en proie à une terrible anxiété sociale, Komi tente en vain de briser le mur du silence et de communiquer avec les autres… Tadano, son voisin de classe on ne peut plus ordinaire, découvrira son secret et décidera de l’aider dans ses incommensurables efforts pour s’ouvrir aux autres afin de réaliser son rêve : avoir cent amis !
Comme vous le voyez, le pitch est on ne peut plus simple, mais c’est très bien comme ça. La thématique de l’anxiété sociale à elle-seule est suffisamment complexe pour qu’on puisse se permettre un cadre et un ton classique de prime abord. Car, on le verra, la série montre déjà dans ces deux premiers tomes qu’elle en a sous la pédale.
Dès les premières pages, le mangaka explique de façon simple et limpide comment l’anxiété sociale se manifeste, et en quoi elle rend incapable de communiquer avec les autres (d’où le titre anglais Komi can’t communicate, joliment traduit en français par Komi cherche ses mots). Pika précise dans sa présentation de la série que ce trouble touche 10 à 20% de la population, et que cela se déclenche principalement à l’adolescence. Une précision bienvenue tant le sujet me semble important. Ainsi, le cadre lycéen du récit épouse le moment de la vie où cette problématique est la plus susceptible de se poser, et où, qui plus est, les relations sociales semblent avoir le plus d’importance.
Pour cette seule raison, le titre a déjà un gros atout pour lui, qui est la profondeur de son sujet. Me concernant, en tant que vieux de 35 ans, j’arrive toujours facilement à me projeter dans des titres qui explorent les problématiques adolescentes, gardant un très mauvais souvenir de cette période. Mais, en plus, mon statut de daron fait que je m’y projette aussi du point de vue de l’adulte qui va devoir épauler des enfants durant cette période difficile de la vie. Et de ce fait, le titre me parle doublement. Et je me permets de penser que, sur cette base, le titre est en mesure de parler aux deux âges.
Et pour développer cette thématique si importante, l’auteur a opté pour des ruptures de ton fréquentes, qui rendent le récit tantôt drôle et ludique, tantôt plus émouvant, à l’image du premier quart du premier tome. Un des ressorts comiques principaux (mais pas le seul) vient du fait que tout le monde admire et idéalise Komi, la voyant comme une jeune fille parfaite, belle, classe, sure d’elle, etc… là où cette dernière est au contraire très angoissée par le regard des autres.
En épousant le point de vue de son camarade Tadano, l’autre personnage principal de la série, l’auteur met en exergue ce décalage comique, mais pas seulement. Le début de l’histoire est certes drôle, mais c’est surtout le ton émotionnel du premier contact entre les deux adolescents, qui vont communiquer par le biais du tableau de la classe, qui fait mouche à mes yeux.
En trouvant cette astuce toute bête, les deux arrivent à communiquer, et on ressent d’emblée le bien que cela fait à Komi de pouvoir enfin exprimer tout ce qu’elle a envie de dire. Les compositions du mangaka donnent ainsi de l’ampleur à cette conversation, qui en plus se paye le luxe d’une jolie mise en abyme de l’art du manga (avec l’idée d’écrire plutôt que parler, rappelant les bulles de dialogue finalement).
Si j’insiste tant sur ce premier contact, c’est parce qu’il se passe vraiment quelque chose selon moi, l’auteur arrivant à faire ressentir émotionnellement ce qui se passe dans la tête de Komi, et nous transmet cette émotion dans la lecture. Ainsi, si le titre est avant tout une comédie, et nous offrira déjà de belles tranches de rire dans ces premiers tomes, on comprend déjà que le mangaka ne va pas traiter son sujet sérieux à la légère. En nous investissant émotionnellement d’emblée, on se retrouve prêt à écouter Komi, quand bien même elle a de grosses difficultés à s’exprimer.
Mettre en scène avec humour l’anxiété sociale
Car très rapidement, l’humour devient un des principaux ressorts de l’auteur pour faire passer son discours. Il trouve un ton souvent décalé et dans l’excès mais toujours juste pour traiter les diverses situations. Le titre étant segmenté en chapitres assez courts (parfois de moins de 10 pages), les situations s’enchaînent, souvent drôles, parfois très bien vues dans ce qu’elles disent sur le rapport aux autres, et toujours intéressantes.
J’ai expliqué précédemment que l’auteur épousait le point de vue de Tadano, mais il varie en réalité, partageant avec nous les pensées des différents personnages, qui sont tous volontairement caricaturaux, certains versant dans un excès des plus prononcés dans un but comique. Et cela fonctionne fort bien, aidé notamment par les jeux de mots sur les noms digne de Pokémon. Mais surtout, l’humour dans la caractérisation des personnages me semble être au service d’un propos global sur la façon dont on se comporte socialement à l’adolescence.
Les personnages semblent en effet se conformer parfois consciemment à des archétypes, afin de justement se fondre dans une sorte de moule et avoir un « rôle » social. De là, la question du regard des autres devient centrale, puisque chacun semble se définir par rapport à la façon dont il sera perçu. C’est par ailleurs la grosse problématique de Komi, qui n’a pas conscience de son aura et de son succès, et qui n’arrive pas à se faire des amis alors que tout le monde l’admire.
De là découle l’essentiel de l’humour du titre, que ce soit par rapport aux réactions de Komi, ou aux comportements excessifs de ses camarades, souvent particulièrement drôles. Et ce qui rend cet humour d’autant plus intéressant, c’est le fait qu’il me semble presque toujours au service de l’écriture et de la thématique globale, et pas seulement pour faire un bon gag. Cela donne toujours de la profondeur au récit, et le rend d’autant plus attachant. Ainsi, l’auteur joue sur les apparences d’un point de vue narratif de la même façon qu’elles se révèlent trompeuses concernant le caractère de Komi.
En conclusion
Vous l’aurez donc compris, j’ai trouvé ces deux premiers tomes particulièrement enthousiasmants. En abordant avec intelligence et humour un sujet important et on ne peut plus sérieux, Oda parvient à amuser et émouvoir, tout en proposant une réflexion pertinente sur la question des apparences et du rapport à l’autre à un age critique de la vie. La structure narrative en chapitres assez courts fonctionnant à merveille dans ce cadre, exploitant le potentiel comique et discursif des différentes situations mises en place, s’autorisant tous les excès pour les rendre porteurs de sens.
Après Kaguya-Sama, Komi cherche ses mots semble ainsi en voie de s’imposer comme une série school life au long cours beaucoup plus dense et profonde qu’il n’y parait au premier abord. Espérons donc que les tomes suivant confirment cette première impression de façon aussi enthousiasmante qu’a réussi à le faire Aka Akasaka avec sa série. En l’état, ces deux premiers tomes brillants ont tout pour nous rendre confiant concernant le potentiel de la série, qui devrait sans souci figurer parmi mes préférées de 2022.
Putain gros tu la vend bien la série.
Le début est bien avec les retours que j’ai vue de l’animé, mais j’ai surtout peur que ça tourne rapidement en rond avec seulement des gags autour du fait que Komi ne sache pas communiqué (même si d’après ce que tu dit il y a d’autre thématique traité dans le titre).
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Ce sera à voir sur la durée la question de la répétitivité, ce sera la qualité d’écriture qui fera la différence. J’avais cette crainte avec Kaguya Sama vu la structure, et il n’en est rien pour moi. Faudra voir si Komi est dans la même situation au fil des tomes.
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Je vais attendre que plus de tome sois disponible, ou voir avec l’animé avant de commencer à acheter le manga
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Ouais, tu peux déjà tester avec l’anime, d’ailleurs le format me semble pas mal adapté.
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Les mots, t’as pour le coup réussi à les trouver pour faire la promotion du titre.
C’est vraiment un beau titre, rempli de subtilités, sans chercher à les étaler. Pour ce que j’en ai vu de l’anime du moins (toujours pas vu la saison 2).
Et je suis vraiment heureux que ce genre de titres réussisse de nouveau (ou enfin!) à s’imposer chez nous, après avoir été longtemps boudé. Je me souviens, il n’y a pas si longtemps encore, d’éditeurs qui à la simple mention d’un Kaguya sama avaient cette terrible intuition que ce serait une énième rom com qui allait bider.
Une intuition qui s’était mue en une volonté de ne pas prendre de risque, sur des titres semblant présenter, pour le grand lectorat, un capital promesses moins important qu’un Death Note. Mais qui à l’arrivée, semblent avoir l’avantage, eux, de se bonifier avec le temps. Comme du bon vin. En sera t-il de même pour Komi? On ne peut que l’espérer.
Ps : la comparaison avec Death Note n’est ni gratuite ni neutre. Je me souviens que Kaguya sama avait été rapproché de ce dernier, notamment par l’intermédiaire de ces duels psychologiques. Et qu’il souffrirait, pour certains promoteurs, d’un pitch trop ridicule en comparaison…
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Merci beaucoup pour ton message, ça me touche !
Autant le rapprochement avec Kaguya Sama je l’ai fait de façon évidente, celui avec Death Note je n’y aurai pas pensé mais je comprends l’idée.
J’ai l’impression que le titre est assez attendu, et à mon avis il devrait trouver son public. En tout cas pour ma part c’est d’ores et déjà une très belle surprise, et j’espère qu’elle se confirmera au fil des volumes.
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Effectivement, c’est la durée qui me laisse perplexe, comment l’auteur a-t-il fait pour tenir ce sujet sur 25 tomes de manga.
Certes, le sujet peut parler à tout le monde, car on a tous été confronté à une anxiété sociale plus ou moins forte ; mais je reste dubitatif de réussir à parler de cela sur autant de tomes sans que cela ne se répète ; mais c’est là où tout le talent de l’auteur entre en jeu.
Pas forcément dans ma wishlist mais je verrais s’il est dispo à la biblio.
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C’est un questionnement très légitime. A la fois pour une question de redondance et de prix. Malheureusement, seul l’avenir nous le dira. Kaguya-Sama actuellement est en train de prouver qu’une formule répétitive peut rester passionnante sur la durée, souhaitons que Komi fasse de même !
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Vas-y y’a pas de lexique pour discursif !
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Je sais même pas ce que ça veut dire gros !
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Pourquoi tu le mets dans ton article alors !?
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Honnêtement je comprends pas ce que tu veux dire. Si c’est pour dire que tu comprends pas le sens du mot « discursif », dans ce cas là, tu m’en excuseras, je partais du principe que c’était compréhensible. Sinon si c’est pour relever une faute (ce qui ne m’étonnerait pas de toi), je n’ai pas bien capté 😅
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Non juste que je connaissais pas le mot !
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Ça ressemble quand même au mot « discours » quand tu regarde bien, et dans le doute il se pourrait pourrait Google puisse te dire de quoi il en retourne.
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Je ne connaissais la série que de nom avant qu’on me la propose, et finalement après quelques tomes j’ai un avis très similaire au tien, sa galerie de personnages tous un peu loufoques m’a vraiment conquis. J’aime beaucoup le fait que l’auteur, et donc le lecteur avec lui, rigole en règle générale avec ses personnages et non à leurs dépens. J’espère que tu apprécieras la suite aussi !
P.-S. Merci beaucoup pour ton gentil commentaire sur la traduction 🙂
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Tu as trouvé les mots juste, on ne rigole pas aux dépens des personnages et ça fait beaucoup pour l’ambiance. Ça et le côté outrancier de certains.
De rien pour ce qui est du commentaire sur la traduction, j’ai vu des traducteurs.rices dire qu’ils appréciaient qu’on ait un petit mot pour leur travail, et jai trouvé des choses à dire ici, dans les limites de mes compétences pour ce qui est de juger de cet aspect.
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Cela me tente bien 🙂
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Je recommande de mon côté 😉
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