Nouvelle grosse sortie chez Pika, A Couple of Cuckoos permet à l’éditeur d’étoffer son catalogue déjà conséquent de romances avec un titre qui remporte un certain succès au Japon et qui, surtout, derrière un pitch un brin WTF, propose dès ses deux premiers tomes des pistes très intéressantes qui, si elles sont exploitées avec soin par la suite, pourraient permettre à la série de se faire son nid par chez nous. Explications.
Un grand merci à Pika pour l’envoi des volumes. Vous pouvez comme d’habitude trouver un descriptif détaillé du titre et surtout un extrait de 60 pages sur le site de l’éditeur via CE LIEN.
Resituons la série et son autrice
A Couple of Cuckoos est la troisième série longue de la mangaka Miki Yoshikawa. Elle a fait ses armes en tant qu’assistante de Hiro Mashima, avant de se lancer de son côté avec la comédie Drôles de Racailles de 2006 à 2011 (23 tomes sortis chez Pika, aujourd’hui en arrêt de commercialisation), suivie de Yamada-Kun and the Seven Witches de 2012 à 2017 (28 tomes chez Kazé), pour revenir à partir de 2020 avec la série qui nous intéresse aujourd’hui, prépubliée dans le Weekly Shonen Magazine, comme les deux précédentes.
A Couple of Cuckoos est par ailleurs un joli petit succès, puisque les volumes se classent régulièrement dans le top des ventes, et qu’une adaptation animée est annoncée pour cette année alors que 11 tomes sont déjà parus. Et si je découvre pour cette occasion la mangaka (bien que j’ai lu le crossover entre Drôles de racailles et Fairy Tail édité chez nous dans un des recueils d’histoires courtes de Fairy Tail), elle est considérée comme une autrice qui tente d’apporter par petites touches des innovations dans le domaine du shonen de comédie. Chose qu’on ressent d’emblée dans cette nouvelle série selon moi, comme nous allons le voir.
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’on est face à la troisième série longue d’une mangaka qui a beaucoup d’expérience dans le domaine, et qui connait un certain succès depuis plus de 15 ans qu’elle est dans le métier. Et si la mangaka ne manque pas d’expérience, elle reste quand même relativement jeune (39 ans), chose qui me semble importante tant son manga semble s’inscrire dans une certaine ère du temps avec l’importance accordée aux réseaux sociaux.
Un pitch improbable
Le manga commence sur quelque chose qui met à rude épreuve la suspension d’incrédulité : Erika Amano et Nagi Umino sont deux adolescents qui ont été inversés à la naissance. Leurs parents apprenant cela ont l’idée de génie de faire un mariage arrangé entre les deux, afin de ne pas les séparer de leur famille biologique ainsi que de la famille qui les a élevés. Au-delà du fait que le mariage arrangé ne me semble pas la solution miracle pour tout (et ce sera justement le nœud des problèmes et des complications à venir, on s’en doute), il faut en effet faire un gros effort pour se dire qu’inverser un garçon et une fille à la naissance est possible. On le voit à la première page à droite (qui est le seul moment où l’échange est évoqué), la mère est stone après l’accouchement, chose qu’on peut comprendre, mais cela n’empêche pas l’événement d’être hautement improbable.
Mais finalement, on est pas à ça près dans le shonen de romance selon moi, et il nous est simplement demandé de faire un petit effort auquel je consens bien volontiers pour accepter cet état de fait. Le but étant surtout selon moi de créer une situation initiale amusante et qui est le prétexte au développement de la comédie romantique, et de thématiques finalement porteuses de sens comme nous allons le voir.
Un récit déjà riche de promesses
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais le pitch des enfants inversés à la naissance rappelle quand même très clairement La Vie est un long fleuve tranquille. Pas sur que le film d’Étienne Chatillez ait inspiré directement la mangaka, mais impossible pour moi de ne pas y penser en lisant ces premiers volumes. D’autant plus que les deux œuvres se rejoignent sur certains aspects, malgré l’intrigue qui part dans une direction différente et le ton également très différent.
J’avais pour ma part découvert le film en cours de sociologie, afin de nous illustrer les distinctions de classe et comment le cadre dans lequel on grandit influe (énormément) sur notre développement. Et cet aspect est également central et véritablement traité dans ces deux premiers tomes. En présentant Nagi comme un garçon issu d’un milieu relativement pauvre en comparaison de ses camarades, puisqu’il a été accepté dans un lycée coté sur dossier, on voit en quoi il doit redoubler d’effort par rapport aux jeunes favorisés.
Un détail tout bête : alors qu’il sera pendant deux semaines en cohabitation forcée avec Erika Amano, sa fiancée (forcée), le fait d’être dans un cadre très calme et spacieux, sans ses parents et sa sœur, lui permet de se concentrer davantage et de mieux travailler ses cours, lui permettant d’enfin passer devant la numéro 1 du lycée, Hiro Segawa. Enjeu important s’il en est, puisque le jeune garçon est amoureux de sa camarade, et a décidé de lui avouer ses sentiments seulement s’il dépasse ses résultats scolaires. Ou comment mêler naturellement la romance à une thématique plus profonde.
Et en se rapprochant de sa camarade, on constatera qu’elle a aussi un lourd passif, notamment familial, qui amène également la thématique de la reproduction sociale sur le tapis (puisqu’elle doit reprendre le temple familial lorsqu’elle sera en âge. Une thématique loin d’être anodine puisqu’elle est liée à celle dont Nagi et Erika sont porteurs, de par leur différence de classe sociale importante.
Enfin, comme si tout cela n’était pas suffisant, la mangaka épouse l’air du temps avec le personnage d’Erika, star des réseaux sociaux qui passe son temps à mettre sa vie en scène pour Instagram. Si cet aspect n’est pas encore très étoffé, nul doute qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire avec. Tout comme avec le personnage de la sœur de Nagi, véritable sœur biologique de Erika de ce fait, qui est déjà mise en avant comme un élément potentiellement intéressant du récit, et qui ne peut qu’enrichir les thématiques autour de la question de la famille.
Ainsi, si le pitch de base est plutôt farfelu, c’est pour mieux mettre en valeur des considérations bien plus terre à terre, qui me semblent toutes liées pas un questionnement concernant les inégalités d’accès à l’éducation, le manque de liberté et les portes fermées par l’appartenance à telle ou telle classe sociale, ainsi que la reproduction sociale. Le tout avec en prime la question du mariage arrangé, qui me semble corrélée à toutes ces autres thématiques. De quoi déjà proposer un récit riche de sens si toutes ces pistes sont abordées de façon pertinentes. Et c’est en ça que, selon moi, Miki Yoshikawa propose une approche assez rafraichissante du genre.
Car si faire une comédie romantique efficace est déjà une qualité en soi, lui apporter un surplus de sens, en particulier sur des éléments qui concernent directement le lectorat adolescent auquel il se destine (mais aussi un lectorat plus adulte, les questions d’ordre sociétales qui sont posées ici nous concernant tous et toutes), ne peut qu’être bénéfique. D’autant plus quand c’est traité avec sérieux sans être lourd pour autant, comme c’est le cas ici.
En conclusion
Enfin, tout ceci est soutenu par un travail de qualité sur l’aspect comédie romantique. D’un côté, les poncifs du genre sont respectés, on le voit rien qu’au sempiternel quiproquo qui amène le héros à voir la jeune fille sortir de la douche en serviette de bain. Le tout fait avec une application qui fait plaisir, la mangaka n’allant pas dans l’excès sur les points qui pourraient être agaçants.
Et en plus, l’humour est particulièrement efficace et bien dosé. Yoshikawa sait aborder les éléments un peu outranciers avec le second degré de rigueur, et ménage très bien ses effets en terme de mise en scène. Sur ce point d’ailleurs, on reste dans une facture classique, mais très efficace, le trait de la mangaka dégageant un charme certain.
Vous l’aurez donc compris, pour quelqu’un comme moi qui est friand de romance, A Couple of Cuckoos tombe à point nommé. Non seulement l’aspect romance shonen classique fonctionne très bien, mais surtout, la série est bien plus riche et porteuse de sens que ce à quoi je m’attendais. Et c’est cet élément en particulier qui en a fait une excellente surprise. Car en plus d’une lecture légère et ludique, on y trouve une véritable profondeur qui la rend d’autant plus attachante. Ainsi, je suis vraiment ravi de cette entrée en matière qui me donne envie de suivre de très près cette série qui pourrait clairement tirer son épingle du jeu dans le domaine de la comédie romantique.
Connaissant l’auteur, et ayant adoré Yamada-Kun and the Seven Witches quand je l’ai découvert en animé je n’ai aucun doute quant à la qualité de sa nouvelle œuvre.
J’hésite grandement à l’acheter (surtout que quintessential quintuplets va se terminer au même moment) mais comme Four Knights of the Apocalypse, je préfère terminer ma PAL et prendre des séries déjà terminées pour éviter d’en avoir trop à suivre.
Concernant la série le concept m’intéresse pas mal. Hâte de voir quel sera la réaction de la famille en apprenant que le mec aime une autre fille, et ce que va apporter la sœur dans tout ça.
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Je comprends le souci de trop de séries à suivre, et si la base des deux premiers tomes je recommanderai plus Four Knights d’un point de vue strictement personnel.
J’espère quand même pour toi que tu auras l’occasion de tester d’une façon ou d’une autre car cette entrée en matière vaut vraiment le coup.
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Ah tiens, pour le coup j’aurais plutôt pensé que tu recommanderais la romance.
Je testerais déjà le titre avec l’animé qui sort cette saison.
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J’aime la romance et la bagarre, mais je dois avouer que le style de Suzuki me parle vraiment beaucoup, que ce soit dans son esthétique, son univers médiéval ou son approche très classique du nekketsu.
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Bon je ne vais pas le lire mais c’est intéressant de savoir de quoi ça parle ! Puis ça me rappelle des souvenirs car j’ai joué la vie est un long fleuve tranquille au théâtre à l’école en dernière année, mon prof avait adapté le film en pièce. J’étais Mme Lequesnois 😆 de bons souvenirs qui me reviennent grâce à ta comparaison.
Chouette article 👍
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Mme Lequesnois c’est mieux que Mme Groseille 🤣
Je me disais justement que, malgré le sujet intéressant, ça reste une romcom shonen et donc à mon avis avec toi ça ne fonctionnerait pas du tout.
Merci en tout cas pour ton petit retour.
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Exact 😀 Puis il parait que le rôle m’allait comme un gant, je ne sais pas comment je dois le prendre de la part du même prof qui m’a fait jouer rien de moins que Titania dans le songe d’une nuit d’été (tu vois, tout est lié !)
Oui de fait je n’essaie même plus les romances ^^ Il en faut pour tous les goûts !
De rien c’est toujours un plaisir de te lire 😉
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Je t’avoue que quand tu as dit Titania j’ai pensé à une autre Titania dans Fairy Tail 🤣 je suis parfaitement inculte sur Le Songe d’une nuit d’été (bien que j’ai eu plaisir à la lecture de tous les Shakespeare que j’ai pu lire)
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En fait dans le songe d’une nuit d’été, Titania est la reine des fées ! Pour moi le surnom d’Erza ne peut venir que de là et être un clin d’oeil évident 😁 (minute culture du je t’apprends un truc sur fairy tail omg 🤣)
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Hé bien merci beaucoup car je l’ignorais ! Ou alors peut être qu’on me l’a dit sur Twitter et que je l’avais oublié, mais cette fois je vais le retenir je pense. Et je te rejoins, ça ne peut être qu’un clin d’œil de la part de Mashima, ce petit malin.
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Concernant la suspension d’incrédulité, j’ai vu l’autre jour une personne qui soulevait habilement ce point, et je reconnais bien volontiers que c’est problématique.
Mais ayant beaucoup aimé Yamada Kun, je vais m’efforcer d’éluder ce détail et sans doute prendre un grand plaisir à lire cette future dingurie.
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Si tu suspend ton incrédulité, tu mange Gucci avec ce manga, donc je t’y encourage + ça met une longueur à TQQ
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J’ai beaucoup aimé ce côté drôle et rafraichissant, je ne me suis pas ennuyée avec ces deux premiers tomes et j’espère vraiment que la suite ne s’essoufflera pas 🙂
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J’espère aussi, la mangaka a toutes les cartes en mains pour faire une excellente série là !
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