Dai Dark T.1 de Q Hayashida (Putain 12 balles !)

12 balles bordel ! 12 euros durement gagnés pour un tome de Dai Dark, nouvelle série de Q Hayashida, toujours chez Soleil Manga après Dorohedoro où chaque tome coûtait déjà 12 gros euros ! Raison pour laquelle je n’ai d’ailleurs pas lu cette série, parce que 12€ multipliés par 23 tomes, c’est juste hallucinant. J’ai quand même pu mettre la main sur les cinq premiers tomes en démat’ sur Izneo lors d’une offre promotionnelle, à 2€ le tome, mais sinon ils sont à 7€ le volume numérique ! C’est juste pas possible.

Sans vouloir répéter ce qui se dit sur Twitter depuis l’annonce du prix, ni mettre cela en parallèle avec le fait que Noeve ait dévoilé une collection à 4€ le tome il y a seulement quelques jours, un tel positionnement tarifaire pose quand même question. La justification de l’éditeur vient notamment de la jaquette transparente qui coûte visiblement cher à produire. Je veux bien le croire, mais je pense qu’on arrive à un cas d’école dans le questionnement sur la tension entre le prix de vente et la qualité de l’édition. Personnellement, si tu passe l’ouvrage à un prix normal (7€, ce qui est déjà cher, il faut ouvrir les yeux), ça me dérange pas que tu vires la jaquette à la con !

Trop longue intro, sur des considérations bassement matérielles, mais il faut quand même rappeler la réalité des faits. Si certains trouvent ça caca ce genre de considération parce que « c’est des œuvres d’art », rappelons quand même qu’elles sont avant tout des produits industriels et marchands, dont la valeur marchande en tant que telle doit être questionnée. Et là, en mettant les titres de cette mangaka à 12€ le tome, le message est très clair : ça ne se destine pas à tout le monde, et c’est bien dommage. Soleil fait lui-même le choix de s’aliéner d’emblée une partie du lectorat, car il faut être clair, quel que soit la qualité de l’œuvre, l’objet en lui-même ne vaut pas ses 12€. Et ne proposer aucune alternative (bon, on va dire qu’il y a aussi le numérique, qui est également trop cher selon moi), on est tout simplement pris en otage si on veut lire la série, et contraint de payer et de fermer notre gueule (et de chialer).

Ceci étant dit, parlons quand même un peu du manga en lui-même, afin de voir si je vous encourage à le lire, moyennant la violence ultime de ces PUTAIN DE 12 EUROS DE OUF ! Que vous serez en plus gentiment invités à redépenser deux fois par an à chaque nouveau tome, la série étant en cours avec 4 tomes à son actif pour le moment. Bref, vous l’aurez compris, je chiale, mais je chiale tellement fort !

D’ailleurs je pars personnellement du principe que donner un avis sur ce premier tome ne sert à rien à proprement parler, car vu le tarif prohibitif, il ne se destine qu’à un public restreint, qui n’a pas besoin de savoir ce que j’en pense pour l’acheter. Mais j’avais quand même envie d’écrire dessus, déjà pour aborder la question du tarif, pour proposer la magnifique illustration ci-dessus, et puis simplement car le titre m’intéressait. Quoi qu’il en soit, face à ce titre il y a pour moi quelques cas de figure possible :

1. Vous vous en foutez du titre, problème résolu
2. C’est reuch mais vous vous en foutez
3. C’est reuch mais vous avez vraiment envie de le lire donc vous le faites mais vous pleurez (c’est moi)
4. C’est reuch du coup vous réfléchissez… Dommage, le titre est déjà en rupture !
5. Mais c’est pas grave, vous pouvez l’acheter en occasion… 3 fois son prix neuf qui était déjà indécent !

Bref, on se plaint on se plaint, mais qu’en est-il du manga en lui-même.

Parlons un peu de l’objet, parce que quitte à payer 12 balles, autant que ce ne soit pas pour rien. Et en effet, on est bien servi à ce prix : un format poche basique, deux trois pages couleurs, vraiment rien qui justifie un prix plus élevé si ce n’était la jaquette en plastique de chemise qu’on utilise au collège pour ranger ses DM, moche à souhait, pas agréable à manipuler, et en plus abîmé dans la moitié des cas (mon camarade Sharkhayn, légèrement maniaque, psychorigide et à cheval sur l’orthographe a testé pour vous, voyez plutôt ci-dessous).

3 exemplaires de #DaiDark à Leclerc, encore plus catastrophique que le mien 😬😬😬
Je crois vraiment que c'était pas une bonne idée @Soleil_Manga https://t.co/5aCx8hNDpj pic.twitter.com/PYyQlWe6IF

— Sharkhayn (@Sharkhayn) March 16, 2022

Personnellement, je ne suis pas le plus regardant sur l’état de mes mangas, même si à 12€ le tome je le deviens. Fort heureusement, le mien est arrivé en parfait état. Mais je sais ce que vous vous dites à ce stade : « MAIS TA GUEULE PUTAIN, PARLE DU MANGA ! », ça vient, ça vient ! On finira juste en disant que c’est quand même pénible ce choix (qui n’en est peut-être pas un, Soleil ayant parlé de respecter la volonté de la mangaka) qui fait que le tarif devient un frein pour énormément de gens. Parce que ce premier tome est vachement bien !

C’est trop marrant, y’a de la nourriture et des organes dans tous les sens (parfois les deux en même temps) et un récit un peu chelou, un humour chelou, des personnages chelous et des situations mi-comique, mi-sérieuses, mi-malaisantes (ça fait trois moitiés). C’est légèrement foutraque (je suis pas sur de bien savoir de quoi ça parle pour le moment), mais c’est vraiment super super agréable à lire.

Ça me rappelle des lectures que j’avais adolescent, qui étaient globalement sérieuses mais qui avaient des détails qui me faisaient marrer avec mes camarades d’internat avec qui on avait notamment développé une vénération pour Moebius et sa série L’Incal. On se les lisait en boucle, et on arrivait à tout voir sous un prisme humoristique un peu concon (entre 16 et 18 ans, on est rarement très fin). Et j’y retrouve un plaisir de lecture similaire à celui que j’avais à l’époque, et ça fait vraiment du bien. Comme une madeleine de Proust alors même que Q Hayashida (oui, c’est la mangaka, je l’ai même pas précisé) n’a pas peuplé mon imaginaire d’ado. Mais elle arrive à convoquer à sa façon des souvenirs proches avec le ton de son manga.

Que ce soit dans une situation un peu délirante, une réplique bien sentie (mention spéciale à la traduction de Florent Gorges, qui arrive à rendre les dialogues particulièrement savoureux) ou encore une version jubilatoire de la dégueulasserie comme la mangaka semble les affectionner, tout est propice pour moi à la franche marrade dans ce premier tome, exactement comme dans Dorohedoro (en tout cas dans les cinq tomes que j’ai lu). Un mélange d’éléments de récits conventionnels, traités dans un univers singulier, avec un ton vraiment particulier et original, qui font mouche chez moi.

Mais je sais encore ce que vous vous dites : « T’es gentil abruti, mais j’ai pas lu ton manga de merde, et du coup je comprends rien à ce que tu raconte. Ça parle de quoi PUTAIN !? ». Votre patience est ici récompensée, on y vient (et au pire tu lis l’extrait ICI ! MERDE ! De toute façon tu vas dépenser 12 balles juste sur la foi de mon avis ? NON ! Alors zut !) :

Sanko Zaha, un ado qui adore les spaghettis, voyage dans les ténèbres de l’espace infini. On raconte que ses os exauceraient n’importe quel souhait. C’est pourquoi les pires malfrats de l’univers veulent lui faire la peau ! Heureusement, toujours accompagné d’Avakian, son fidèle compère, il n’hésitera pas à désosser gaiement tous ses assaillants.

Voilà, tout ça pour que je vous copie/colle le résumé éditeur, mais quel fumiste celui-là ! Mais pour le coup, il résume bien l’affaire. C’est à peu près tout ce qu’il y a d’intrigue principale dans ce premier tome, avec quand même l’introduction de deux autres personnages qui seront surement centraux dans l’histoire, dont un qui est déjà particulièrement bien croqué ma foi (je vous laisse le découvrir).

En fait, je trouve qu’une séquence de ce premier tome résume assez bien le sentiment que j’ai en lisant le titre : les héros passent dans un trou noir pour aller quelque part, et on explique que la matière qui les compose est totalement défragmentée pour ensuite les reconstituer à l’arrivée, mais un mec qui trainait par là a pas eu la même chance, et a été recomposé d’une façon un peu cheloue et pas franchement fonctionnelle. Et bien le titre c’est un peu ça, on dirait qu’il y a un mélange de tout plein de choses, sauf que la recomposition est cheloue à souhait, mais tout à fait fonctionnelle dans le sens où on a quand même un récit qui se déroule de façon ultra fluide (ça se lit tellement vite et agréablement !), avec de la bidoche et de la bouffe partout.

À l’image du sandwich qu’adore le héros, avec du pain et des spaghettis aux boulettes dedans, qu’on lui recommande de ne pas manger trop fréquemment du fait du haut taux de cholestérol dedans. Le taux de cholestérol du manga est également des plus conséquents, mais le plat est étonnamment digeste.

En tout cas moi j’ai vachement aimé, et je regrette pas mes 12 balles (même si quand même, putain, à choisir tu peux la garder ta jaquette de merde et me faire ton manga moins cher monsieur soleil).