Un de mes grands plaisirs dans la fiction vient de la découverte d’œuvres monde, c’est-à-dire des titres qui développent un univers détaillé, riche de lieux, de personnages et d’histoires qui sont autant d’occasion d’être dépaysé. Le manga, comme tous les autres médias, dispose d’outils qui lui sont propres pour développer des univers, et certains auteurs font de cette préoccupation le cœur de leur travail. Nakaba Suzuki est de ceux-là, ayant créé son propre univers basé sur la légende arthurienne avec Seven Deadly Sins, et nous revient aujourd’hui avec Four Knights of the Apocalypse, qui est loin d’être une simple suite comme nous allons le voir.
Plus qu’une suite, une nouvelle porte ouverte sur un monde
Si j’insiste bien sur le fait que le titre n’est pas une simple suite, c’est parce que ce concept d’extension d’une histoire qui a déjà connu une conclusion est très en vogue dans le manga, en particulier dans le shonen d’action aventure auquel appartient la série dont on parle ici. Que ce soit Dragon Ball Super, Boruto ou encore Fairy Tail 100 Years Quest, le concept de suite tel qu’on l’entend questionne et suscite la méfiance.
Chose finalement naturelle, car après plus de 40 tomes (voire plus de 70), on peut légitimement se demander s’il y a encore véritablement quelque chose de plus à raconter. Et si la qualité est variable, allant du scandaleux à la bonne surprise, on a souvent ce sentiment de « sous-produit » ou en tout cas de « produit dérivé » au sens propre, d’autant plus que, la plupart du temps, les auteurs à l’origine de l’oeuvre principale ne rempilent pas.
Dans le cas de Four Knight of the Apocalypse, nous sommes dans une situation bien différente. D’une part, Nakaba Suzuki est toujours aux commandes, et toujours totalement investi dans ce qu’il fait, mais en plus, il ne s’agit pas d’une suite stricto sensu de Seven Deadly Sins. Comme la phrase d’accroche de Pika l’indique, c’est une nouvelle légende Arthurienne qui s’écrit ici. Ainsi, l’univers est le même, 16 ans plus tard, et l’auteur a pris soin d’écrire une histoire qui peut être appréciée à la fois par les fans de sa série précédente et les nouveaux venus. Chose que j’ai pu vérifier pour ma part, puisque je n’ai lu pour le moment que six tomes de Seven Deadly Sins, et que ça ne m’a pas empêché d’être emballé par cette nouvelle aventure.
De plus, le titre est toujours prépublié dans le Weekly Shonen Magazine (alors que les suites de séries à succès passent en général dans des magazines secondaires), avec déjà quatre tomes parus au Japon, et semble connaitre un succès tout à fait correct, qui devrait permettre à la série de faire son bonhomme de chemin pour, qui sait connaitre une longévité à la hauteur de Seven Deadly Sins et ses 41 volumes. Mais je m’égare et il n’est jamais bon de faire des plans sur la comète, ce qu’il faut retenir est que l’on est vraiment face à un titre qui est fait avec soin et ambition.
Ainsi, si il est question ici de retourner dans un univers connu, et d’éventuellement revoir des visages familiers et autres clins d’œil, le but est surtout de nous proposer une nouvelle histoire qui se suffit à elle-même, et qui nous permettra de découvrir un nouveau pan du monde que Suzuki a créé. J’insiste bien sur ce point car la notion de création d’univers m’est chère, et que j’ai le sentiment que ce mangaka l’aborde avec énormément de sérieux, en témoigne ses expérimentations passées qui dénotent un intérêt profond et de longue date pour la fantasy (j’avais expliqué qu’on en voyait déjà les prémices dans Blizzard Axel, manga sportif particulièrement enthousiasmant).
Tout ceci étant posé, il est quand même temps de voir de quoi il en retourne !
Que nous raconte cette nouvelle légende arthurienne ?
Exactement comme avec le début de Seven Deadly Sins, Suzuki nous amène en terrain connu. L’auteur n’a aucun souci à user et abuser d’archétypes ultra rebattus, et ce n’est pas plus mal car lorsque c’est bien fait, le plaisir est là ! Je vous invite d’ailleurs à jeter un œil au premier chapitre disponible sur le site de Pika pour vous faire votre propre idée.
On y rencontre le jeune Percival, qui a l’air d’avoir 10 ans mais en a en réalité 16, vivant au milieu de la nature avec son grand-père, qui l’a élevé en lui inculquant des valeurs de bonté et d’altruisme, tout en l’entraînant au combat, lui permettant de développer une forme impressionnante. Il suffit de changer le nom du héros pour avoir exactement le même schéma initial que dans Dragon Ball, classique parmi les classiques.
Mais, alors qu’ils vivent heureux à l’écart du monde, un chevalier en armure va les attaquer, tuant le grand-père de Percival et laissant l’enfant pour mort. Il s’avère que le chevalier en question est le père de notre jeune héros, et qu’il a été envoyé par le roi Arthur afin de tuer les anciens chevaliers sacrés (dont le grand-père faisait partie), car une prophétie annonce que les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse vont arriver et le tueront. Dans le doute, il souhaite donc que les plus puissants combattants soient tués afin d’éviter cela.
Et, schéma classique oblige et parce qu’on ne vous la fait pas, vous aurez bien-entendu deviné que ce n’était pas le grand-père qui avait le profil d’un Cavalier, mais Percival. Le jeune garçon va donc partir en quête de vengeance et de réponse, à la recherche de son père (et éventuellement du roi Arthur), et ainsi découvrira le pouvoir en lui et accomplira son destin. Du classique de chez classique, mais qui fonctionne du tonnerre !
Une esthétique somptueuse au service de son univers
Premier point important, le visuel. Nakaba Suzuki est selon moi un mangaka formidable en terme d’esthétique pure. Il a un trait immédiatement reconnaissable, et l’a travaillé au fil des séries pour avoir une maîtrise totale de ce qu’il souhaite faire en terme de travail sur les postures des personnages, sur le dynamisme de l’action, le character design, et les décors. Et ces éléments combinés permettent de créer un monde super immersif, dans lequel les personnages prennent vie pour vivre des aventures brillamment mises en scène.
On sent clairement tout le poids de l’expérience accumulée, à la manière d’un Hiro Mashima avec qui il partage beaucoup de points communs je trouve, pour nous faire immédiatement entrer dans son récit. Le fait de réinvestir un univers déjà développé dans sa précédente série, et en plus extrêmement codifié (on est dans un monde de fantasy assez classique, avec en prime l’influence de la légende arthurienne dont on connait en principe tous et toutes les bases) permet de ne pas avoir besoin de tonnes d’exposition pour que l’on prenne nos marques.
Et le trait de Suzuki fait le reste, son souci constant du détail dans les décors permettant de mettre en valeur les environnements visités. C’est un point particulièrement important chez le mangaka pour donner du corps à son univers et le rendre vraiment palpable. Dès ces deux premiers volumes, on visite déjà des environnements assez variés, magnifiés par des panoramas qui permettent de donner à ces paysages l’ampleur qu’ils méritent.
Mais ce n’est que le premier point qui nous permet d’être immergé dans l’univers et l’ambiance que Suzuki sait si bien créer. Il faut ensuite des personnages et un récit pour habiter cet univers et nous investir totalement.
Un récit classique mais prenant
J’ai déjà abordé le personnage principal, Percival, qui fonctionne parfaitement. Avec ses airs de Sangoku mal dégrossi, il m’a charmé d’emblée. C’est presque de la triche, car attaquer directement avec un enfant qui vit avec son grand-père me fait un petit quelque chose, et me permet de rapidement me projeter, à la fois dans le personnage de l’adulte (qui ne fait pas long feu), mais aussi dans celui de Percival (à croire que je reste un grand enfant).
Très rapidement, il part en quête afin de trouver son père, également quelque chose d’on ne peut plus classique, même si le père ici s’affirme d’emblée comme une belle crapule. Il va vite rencontrer quelques personnages hauts en couleurs avec qui il va sympathiser, et de gags en péripéties, un pouvoir particulier va se révéler chez Percival. La structure est vraiment extrêmement proche des débuts de Dragon Ball, jusqu’à cette volonté un peu désuète aujourd’hui de mettre à poil une jeune femme, Percival se lovant dans sa poitrine (cette dernière pensant que c’est un très jeune enfant). Proche de Dragon Ball, mais aussi des débuts de Seven Deadly Sins qui, en dépit de l’absence de nudité, jouait aussi de cet humour un peu graveleux qui semble aujourd’hui passé de mode (tout du moins en partie).
On aura donc très rapidement droit à des affrontements montrant que Suzuki n’a rien perdu de son talent pour mettre en scène l’action, et les premières rencontres clé, qui permettront à deux personnages de rejoindre Percival dans sa quête. Le tout encore une fois dans une structure narrative classique, mais redoutable d’efficacité, qui fait passer ces deux tomes à la vitesse de l’éclair, et qui, surtout enthousiasment quant à la suite des événements.
Car si le récit reste balisé pour le moment, la perspective de la relecture de la légende arthurienne est vraiment séduisante (le roi est déjà évoqué, tout comme Camelot, mais il semblerait qu’ils seront les antagonistes), d’autant plus sous la plume de Suzuki. L’auteur trouvant un parfait équilibre dans les éléments de son récit sur cette entrée en matière, donnant déjà matière à faire travailler l’imaginaire en évoquant des choses que l’on connait de la légende d’origine, tout en convoquant également des noms connus des lecteurs et lectrices de Seven Deadly Sins.
En conclusion
Vous l’aurez compris, ces premiers tomes sont volontairement très classiques, exactement comme l’étaient déjà ceux de Seven Deadly Sins, mais diablement prenants et efficaces. On y retrouve à la fois le goût de la fantasy, de la légende arthurienne, mais aussi et surtout celui du shonen d’aventure un peu désuet aujourd’hui, qui ne cherche pas à réinventer la roue, mais simplement à proposer un beau moment de dépaysement, fait avec soin et respect du lectorat.
Me concernant, j’ai le sentiment de vivre le début d’une passion pour Nakaba Suzuki, dont le trait mais aussi l’écriture me plait tout particulièrement, et cette série qui débute est enthousiasmante sur ce point. Mais même si on ne connait pas l’auteur et la série d’origine, il sait nous prendre par la main et nous faire entrer dans son univers rapidement et efficacement.
Et pour moi, ce genre de démarche, qui m’évoque d’une certaine façon celle d’un Mashima, est tout à fait noble, car elle revient à traiter l’imaginaire avec respect et déférence, considérant que ce « genre » est déjà en lui-même porteur de suffisamment de qualités et de richesses pour ne pas avoir besoin d’être réinventé. Quoi qu’il en soit, je suis ravi de cette entrée en matière, et j’ai terriblement hâte de découvrir la suite, en parallèle de Seven Deadly Sins, dont on reparlera prochainement !
Merci pour ton article, tu raconte suffisamment de choses pour donner envie et sans trop en dévoilé sur l’intrigue.
Même si je compte pas l’acheter tout de suite (j’essaye déjà de finir ma PAL et de terminer des séries déjà terminé mais ou j’ai encore des tomes de retard), je me le note sur ma liste d’envie pour plus tard (en plus d’ici la d’autre tomes seront peut-être aussi sortie, ce qui me permettra d’avoir un autre avis sur la suite de la série)
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Oui, je ferai des retours au fil des tomes, comme j’en ai l’habitude. Je pense que j’écrirais un article sur le 3e tome, et ensuite je passerai sûrement à un article tous les deux ou trois tomes, avec des courts retours sur Twitter également. J’aime bien faire à ce rythme.
Merci à toi pour ton commentaire !
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[…] de continuer l’aventure aux côtés de Percival dans Four Knights of the Apocalypse, après deux premiers tomes qui introduisaient de façon classique mais très efficace cette nouvelle aventure dans […]
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[…] avis sur les tomes précédents : Tomes 1&2 – Tome 3 […]
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[…] de résister à une nouvelle série avec un héros s’appelant Percival (et le lobbying de L’Apprenti Otaku a bien fonctionné aussi >< […]
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