Dragons et Chasseurs de Dragons dans Fairy Tail

Dragons

Chaque personne qui a lu Fairy Tail a dû se faire cette remarque (à moins que ce ne soit que moi ?) : alors qu’on nous explique dans le premier chapitre que les dragons existent dans ce monde, et que Natsu est un chasseur de dragons qui recherche Ignir, on attend vachement longtemps avant de voir le moindre bout d’aile ou de queue de dragon, quand même ! Cela est certainement dû au fait que Fairy Tail ait été écrit en partie en freestyle, Mashima ayant quelques idées en tête sur l’univers ou les personnages, et brodant autour… au point de faire 63 tomes pour une série qui était prévue en une dizaine. Ainsi, un des éléments principaux caractérisant Natsu et son objectif (retrouver Ignir, qu’il considère comme son père), est quasiment inexistant durant une partie du récit.

De la même façon, si plusieurs personnages importants sont des « Chasseurs de dragons », on nous explique très vaguement de quoi il s’agit, le nom prêtant à confusion. Précisons d’ailleurs avant de continuer qu’il est compliqué d’aborder la question des dragons et des chasseurs de dragons sans divulguer de grosses révélations du récit. De ce fait, mieux vaut le savoir avant de continuer à lire cet article. Si vous n’avez pas lu toute la série ou vu tout l’anime, il y a de fortes chances que des éléments majeurs vous soient révélés ici.

On apprend en effet en cours de récit beaucoup de choses sur les chasseurs de dragons, leurs relations avec les dragons, et les raisons d’une guerre ancienne qui a donné naissance à un des antagonistes de la fin du récit : Acnologia. Resituons un peu les événements : Quatre cent ans avant les événements racontés dans le manga, le monde était rempli de dragons, qui avaient une fâcheuse tendance à bouffer des humains. Jusqu’à ce qu’un schisme éclate entre les dragons, dont certains souhaitaient vivre en harmonie avec les humains. De là découle une guerre entre les dragons, du fait de ces deux visions opposées du monde. C’est alors que les dragons favorables aux humains ont eu l’idée d’initier des hommes à leur magie, faisant d’eux des chasseurs de dragons, afin de les aider dans cette guerre.

Ce qui est intéressant, c’est de voir que les dragons ont donné aux humains le pouvoir de les détruire. Ca a d’ailleurs très bien marché puisqu’Acnologia, un chasseur de dragons de cette époque, en a massacré un grand nombre, quel que soit leur camp, et a fini par devenir un dragon lui-même à force d’utiliser sa magie et de baigner dans le sang de dragon. J’aime tout particulièrement la symbolique autour du personnage d’Acnologia. Il s’agit d’un individu créé par et pour la guerre, et qui va finir tellement rongé par celle-ci qu’il en deviendra un monstre destructeur. C’est une figure assez commune dans la fiction, mais qui est toujours très intéressante à travailler.

Eileen et BelserionUn autre personnage extrêmement important, voire plus qu’Acnologia, dans l’histoire des relations entre humains et dragons, est Eileen Belserion (la mère d’Erza, on ne la remerciera jamais assez pour lui avoir donné naissance !). En effet, elle est celle qui a créé la magie des chasseurs de dragons. Toujours 400 ans avant les événements de l’histoire, elle était reine du royaume de Dragonof, où les humains et les dragons vivaient en harmonie. Évidemment, la guerre entre les dragons a fini par atteindre son royaume, et elle finit par créer avec l’aide du dragon Belserion la fameuse magie octroyant des pouvoirs hérités des dragons aux humains. Le problème étant donc que ce pouvoir a commencé à ronger leurs hôtes, en particulier Eileen, alors enceinte. On constate au fil du temps une évolution physique, notamment avec l’apparition d’écailles en lieu et place de sa peau.

Eileen commence à se transformerDans le même temps, le dragon Belserion a fini par périr, et la guerre a prit fin après qu’Acnologia ait tué la quasi-totalité des dragons. Le mari d’Eileen prit alors peur de sa femme, puisqu’elle pourrait suivre la voie d’Acnologia et se transformer totalement en dragon. C’est alors qu’elle est emprisonnée et torturée, jusqu’à ce que son mari décide de planifier son exécution. Devant la possibilité de perdre son enfant, elle finit par se transformer pour de bon en dragon, comme dans un geste de protection envers le bébé qu’elle porte. C’est finalement Zeleph qui lui redonnera apparence humaine, mais elle constatera qu’elle n’a plus goût à la nourriture ni sommeil. Elle sera de plus en plus obsédée par l’idée de retrouver totalement son humanité, si bien qu’elle souhaitera se réincarner dans le corps de sa fille à naître. Chose qu’elle renoncera à faire lorsqu’elle découvrira l’enfant.

Ainsi, comme pour Acnologia, on constate qu’Eileen devient définitivement un dragon du fait de la violence des siens. De ce fait, si les dragons en tant que tels sont une espèce vivante parmi d’autres dans cet univers, la transformation d’hommes en dragons s’apparente davantage à une vision métaphorique de la violence qui peut germer dans le cœur des individus après avoir vécu eux-mêmes des événements violents. Acnologia devient un dragon après avoir connu trop de guerres et donné la mort trop de fois, et Eileen devient un dragon suite aux violences qu’elle a subi alors même qu’elle protégeait les siens. Ils deviennent ainsi porteurs de thématiques fortes au sein du récit.

Natsu et IgnirMais les quelques autres dragons que l’on rencontre au sein de l’histoire sont bien plus positifs, et contrebalancent cet aspect. En effet, la quasi-totalité des autres dragons présentés sont ceux qui ont donné naissance aux chasseurs de dragons que l’on connaît, que ce soit Natsu, Wendy, Gajeel et compagnie. En nous présentant des dragons bienveillants qui sont des figures parentales, Mashima contrebalance l’aspect négatif des dragons antagonistes, et fait d’eux des figures qui embrassent la complexité des individus. Ainsi, bien qu’ils apparaissent tardivement dans le récit, leur importance est à la fois majeure dans l’intrigue et dans la richesse thématique de l’histoire, possédant beaucoup d’aspérités et étoffant considérablement les questionnements moraux d’un récit qui est, par ailleurs, bien plus manichéen quand il s’agit d’aborder les humains.

Précisons au passage que Mashima a indiqué avoir choisi de représenter ses dragons comme les dragons européens car ils sont cool. Mais j’ai le sentiment qu’il a également fait ça pour s’insérer consciemment dans une forme de continuité dans la façon de traiter cette figure de fiction. En effet, on trouve de très nombreux dragons dans des œuvres occidentales et européennes, qui ont souvent une forte teneur symbolique. On peut penser au dragon de Beowulf, à Smaug chez Tolkien, et surement à beaucoup d’autres dragons. Ainsi, j’ai le sentiment que Mashima s’est inspiré de ces visions différentes des dragons afin de nourrir la sienne et s’inscrire dans une même tradition thématique.

Enfin, impossible de ne pas voir dans ce travail sur les dragons et les chasseurs de dragons la continuité du travail de Mashima sur la thématique de la famille au sens large. La famille qu’on se crée, notamment au sein de la guilde, la famille qui s’impose à nous. Le cas d’Eileen est particulièrement symptomatique de cet aspect. Ainsi, si les dragons semblent trop souvent en retrait dans cette histoire, ils n’en restent pas moins un élément important, qui contribue grandement à donner du corps à cet univers, tout en se mariant parfaitement avec les thématiques et obsessions de Mashima.

Et c’est peut-être pour ça, et aussi pour enlever un peu de la frustration de ne pas voir beaucoup de dragons dans la série d’origine que Mashima a décidé de faire de dragons un élément central de la suite : Fairy Tail 100 Years Quest. En effet, la fameuse quête de cent ans dans laquelle nos héros se lancent consiste à vaincre les cinq dragons divins ! Ainsi, on a droit à des dragons très importants, avec chacun une caractérisation dense, un design très original, et, cerise sur le gâteau, une nouvelle guilde de mangeurs de dragons. De quoi remettre ces créatures si séduisantes au centre des débats ! D’autant plus que, comme dans la série principale, les dragons sont ici des personnages porteurs d’aspérités et d’ambiguïté bienvenues, qui enrichissent les thématiques en même temps que l’univers, exactement comme les dragons de la série principale le faisaient avant eux.

15 commentaires

  1. Personnellement je vois les dragons comme la métaphore de la puissance, d’un côté ceux qui s’en servent pour assouvir colère et vengeance et de l’autre ceux qui s’en servent pour défendre et protéger… Avec toujours a chaque étape le choix de pouvoir décider d’utiliser ce pouvoir pour de meilleures raisons ou de mauvaises…

    Aimé par 2 personnes

    • Je pense qu’il y a de ça, oui. C’est particulièrement évident avec Acnologia je trouve. Pour Eileen Belserion, c’est plus complexe (et plus intéressant à mes yeux) car on sent vraiment le côté victime de cet aspect et de son propre pouvoir.

      (rien à voir mais c’est un plaisir de te revoir par ici !)

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      • Pour Eileen, je trouve qu’on sent bien justement le conflit par rapport à son propre pouvoir, elle en a eu besoin mais le rejette avant de l’accepter mais en se laissant pervertir par lui… A mon sens elle n’est que la sa propre victime…
        Natsu pourrait tout à fait basculer aussi vu sa rage de protéger ses proches ou même céder à se venger après la mort d’Ignir mais il choisi toujours d’utiliser son pouvoir avec la voie du coeur… c’est ce qu’il manque à ceux qui cèdent à leurs démons intérieurs…

        Et merci, je suis bien contente d’être de retour aussi :-p

        Aimé par 1 personne

    • Je suis curieux également, vu qu’elle est quand même centrée sur eux, j’espère qu’il va y avoir des choses intéressantes.

      J’essayais de montrer avec cet article que si on gratte un peu, on voit que Fairy Tail aussi est un manga qui a des choses intéressantes à dire, et qu’il n’est pas le titre débile et sans histoire que certains aiment à fustiger.
      Évidemment que Mashima est un adepte d’intrigues simples aux enjeux faciles à appréhender, mais je pense qu’il se creuse bien plus la tête que ce qu’on croit.

      Aimé par 1 personne

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