La fin de L’Attaque des Titans – Partie 2 : les pages ajoutées dans le tome 34

L'Attaque des titans

Alors que j’avais déjà écrit un article sur la fin de L’Attaque des Titans lors de la parution du dernier chapitre sur Izneo il y a déjà quelques mois, l’événement que représente l’arrivée sur les étals du 34e et dernier volume, avec quelques pages en plus, semble un événement suffisant pour prendre de nouveau la plume et proposer un second article sur cette conclusion. L’occasion de revenir dessus après avoir eu le temps de digérer tout ça, mais aussi et surtout, de revenir sur les quelques pages supplémentaires qui ont déchainé les passions une fois de plus.

Pour commencer, petit retour sur la conclusion du manga, sans pour autant répéter tout ce que j’avais dit dans mon article. C’est surtout l’occasion de revenir sur certaines choses, de voir comment mon sentiment sur cette conclusion a évolué après quelques mois.

Retour sur la fin du manga

Encore une fois, l’article que j’avais écrit il y a quelques mois est disponible ICI et est déjà relativement dense. Si à force de réfléchir sur la question et d’en discuter, j’ai un sentiment bien plus apaisé sur celle-ci, que je trouve finalement convenable et surtout riche de sens, je conserve quelques griefs plus ou moins importants.

Je reste par exemple sur ma position concernant le traitement de Reiner qui ne va pas du tout. C’est bien trop léger et ne cadre pas du tout avec le personnage, au contraire de ce que Isayama raconte avec Livaï et Mikasa qui est particulièrement bien senti. Le fait de mentir sur l’histoire officielle avec Armin qui passe pour le sauveur me semble pertinent bien qu’assez basique, et tout ce qui concerne Eren est finalement assez bien géré, rendant son acte assez ambivalent, dicté par un certain égoïsme. Le fait que les Pro-Eren soient toujours vindicatifs après cette fin est intéressant et vient montrer que les actions du protagoniste le dépassent un peu d’une certaine façon, et tempèrent le côté un peu trop joyeux et positif de cette conclusion.

Car mon principal problème reste cet aspect « paix fragile » auquel j’ai eu bien du mal à croire compte tenu de tout ce que raconte le manga. Mais j’ai fini par l’accepter, d’autant plus qu’une certaine touche d’ambiguïté était conservé.

Cependant, si je suis désormais plus apaisé concernant cette conclusion qui m’avait énervé sur le coup, elle continue de me donner un sentiment de trop peu, de trop facile. Mais heureusement, Isayama a ajouté quelques pages pour le tome relié. Quelques pages qui changement vraiment beaucoup de choses, et pour le mieux selon moi !

Les pages supplémentaires de la discorde

En effet, ces pages en plus, dès qu’elles ont fuité sur Internet, ont déclenché les foudres de beaucoup, beaucoup de fans. C’était déjà le cas de la fin en elle-même, qui avait énormément divisé. Mais les pages en plus semblent avoir encore plus cristallisé les tensions.

En cause, le fait qu’elles semblent consciencieusement détruire tout ce que Eren a fait avec le Grand Terrassement. Il a dévasté la majeure partie de l’humanité pour préserver l’île du Paradis et la paix pour ses amis. Il espérait que Mikasa ne l’oublie pas, et voulait mettre fin à l’existence des titans.

Or, en quelques pages, on voit donc Mikasa avoir un enfant avec Jean, l’île du Paradis se faire bombarder et raser des années plus tard, après la mort de Mikasa. Enfin, on voit un enfant, dans les ruines, aller jusqu’à l’arbre qui a permit à Ymir de devenir le Titan Originel laissant clairement présager du fait que les Titans vont revenir.

Dernière pageUne façon de briser le rêve d’Eren et rendre son geste totalement futile, quand bien même ses amis semblent avoir pu vivre leur vie puisque le bombardement a eu lieu après la mort de Mikasa. Cet aspect me donne d’ailleurs le sentiment (c’est de la pure interprétation) qu’il y aurait comme une forme d’aura liée à Eren qui aurait protégé ses amis jusqu’à leur mort, et qu’après, tout est réduit à néant car ils n’y plus sa protection d’une certaine façon.

Ce qui est certain, c’est que l’idéal de paix de Eren a été un échec, et que l’histoire ne fait que se répéter, puisqu’on insinue qu’un nouvel enfant victime des guerres pourrait de nouveau avoir le pouvoir des Titans, renouvelant de façon perpétuelle le cycle de la haine.

Et là, je dois l’avouer, ça me parle énormément, et ça cadre totalement avec ma vision du message profond de la série. Ici, on comprend qu’on ne peut se soustraire à la haine et à violence, qu’elle est fondamentalement présente chez l’homme et le restera toujours. De ce fait, Eren a réussi à préserver une forme de paix brinquebalante de façon totalement provisoire, jusqu’à ce que les erreurs de l’histoire se répètent. De plus, en montrant quelque chose de si familier qu’un bombardement, il y a une forme de rappel brutal du réel, cher à l’auteur, qui rend cette fin encore plus proche de nous que ce qu’on a eu jusqu’à présent.

Et je pense que c’est ce rapport à ce qu’a fait Eren qui a déçu autant de gens. Mais me concernant, c’est en grande partie ce qui me plait. La série ne m’avait à aucun moment donné le sentiment qu’une conclusion positive pouvait arriver, et que la paix pouvait advenir. Or, après avoir offert une conclusion paisible aux personnages survivants, Isayama nous ramène brutalement au réel, à la guerre, à la mort, et au retour des Titans et au cycle de la haine, une chose qui me semblait annoncée depuis longtemps par le manga.

Ainsi, je trouve dans ces dernières pages la même radicalité dans le discours qui m’avait rendu dingue du titre très rapidement. En étant totalement muet, avec des pleines pages sur-signifiantes, Isayama arrive in extremis à proposer une fin dramatique, cataclysmique, d’où l’espoir a disparu, pour laisser place à la violence, qui ne pourra certainement jamais quitter ce monde.

Un tour de force en seulement quelques pages, qui arrive à faire disparaitre la déception première lors de la parution du dernier chapitre sans ces pages supplémentaires qui sont, selon moi, indispensables pour terminer de mettre totalement en perspective ce que la série raconte.

Ainsi, si je comprends que ces pages ont pu frustrer, énerver, ou en tout cas diviser, elles me semblent, pour ma part, providentielles afin de donner la conclusion qui finalement cadre le mieux avec ma vision du manga et de ce qu’il raconte. Et je pense qu’elle continuera de faire parler, en bien et en mal, et restera très fertile en terme de discours et d’interprétation.

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9 commentaires

  1. Fin mai- début juin paraissaient ses pages bonus, allant jusqu’à provoquer de nouveau, et de façon amplifiée, le courroux d’une partie importante du lectorat. Après les avoir feuilleté et pas spécialement compris le mécontentement ambiant, l’heure était hier à la relecture, plus de 4 mois après. Et force est de constater que je comprends encore moins..

    Si tu sembles donner des pistes de déception des fans concernant le cas Eren, j’y vois pour ma part une méprise terrible sur son cas. Une fois de plus. Je n’ai sans doute pas la vérité absolue à son sujet. Et libre à chacun de percevoir comme il l’entend l’ADN de cette série si particulière. Mais bon, je vais détailler.

    Eren, peut être par confort, a été perçu par bon nombre de lecteurs comme celui qui, en portant une entreprise radicale, trouverait la solution à un problème millénaire en apportant enfin la paix tant désirée. Une figure christique, et rassurante pour beaucoup dans un monde semblant offrir si peu de solutions. Un personnage en dehors du temps, jouant même avec, et déterminé car si sûr de lui. Telle est l’image qu’il semblait renvoyer à pas mal de lecteurs. Tandis que d’autres, comme moi, bien plus circonspects, en avaient fini avec la légitimation des actes de celui qui était devenu un génocidaire en puissance. Kruger résumait ça comme ça : « En réalité en ce monde… la vérité n’existe pas. Tout le monde peut devenir un Dieu ou un Démon. Pour peu que les autres en décident ainsi. ». Cette phrase est, me semble t-il, le symbole de la polarisation progressive de l’œuvre, caractérisé par l’ambiguïté autour des motivations de son personnage principal.

    Un Eren, seul, vaincu finalement, car esclave lui aussi de son propre désir de liberté. Une ironie en somme pour un personnage qui semblait si puissant, car quasi omniscient . Mais pour reprendre une phrase d’Allan Moore dans Watchmen, nous n’étions sans doute qu’en présence d’une « marionnette pouvant voir les ficelles », à la fois propre victime et propre bourreau. Ainsi voyait-on au début du tome 33 (chapitre 131), un Eren adulte dépassé et torturé par la dimension de ses propres aspirations (symbolisées avec le Eren jeune criant « Liberté » au dessus d’une mer de cadavre) tandis que le dernier chapitre, à travers la case subtile du titan de Frieda faisait de ce Eren jeune un personnage victime, condamné par une décision égoïste de son lui futur.

    Un manga de l’échec dans lequel chaque espoir de solution semble vain. Quoi que l’on fasse, l’homme reprendra le dessus, et viendra détruire ce qu’on a mis tant de temps à construire. « La même histoire, les mêmes erreurs, encore et encore » disait Eren Kruger. Alors dans une certaine forme de mimétisme, Armin endossera une sorte de costume de Hélos du Paradis, mentant comme à l’époque pour garantir la paix.

    Une paix éphémère qui, comme le disait Clausewitz, ne peut être vu que comme une période d’accalmie, souvent trop brève, entre deux guerres. Alors, cette dernière doit reprendre. Avec les nouvelles technologies mises à disposition. Dans un monde encore plus contemporain. Mais avec un fracas toujours aussi glaçant. Je trouve ainsi, comme toi, l’ADN de la série totalement respecté sur ce point.

    Je regrette malgré tout quelques lignes de dialogue plutôt maladroites comme celle du réveil de Jean, qualifiant Eren de « sacré brave type » (un peu too much pour le coup). Le cas Reiner, et sa trop apparente plénitude post Grand Terrassement, est également embêtant.

    Mais cela n’entachera que peu, me concernant, l’évaluation ce dernier tome et à fortiori de la série dont l’essence aura été, me semble t-il, conservée jusqu’au bout.

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    • Je suis totalement d’accord avec toi, et je trouve d’ailleurs que tes mots sont au final mieux choisis que les miens. J’ai le sentiment que tu as aussi un meilleur souvenir que moi de la globalité du manga (j’ai lu deux fois jusqu’au tome 21, ensuite je n’ai lu le reste qu’une seule fois à l’exception du dernier chapitre lu plusieurs fois).

      Je pense aussi qu’Isayama à réussi à maintenir une figure d’ambiguïté avec Eren. De mon côté je l’ai rapidement vu comme un psychopathe cherchant à détruire les autres par vengeance et égoïsme, mais mon point de vue à fini par s’adoucir, même si il reste définitivement une figure négative de mon point de vue, puisqu’en connaissance de cause il choisit quand même d’aller plus loin dans la violence.

      Mais il est en même temps d’une grande richesse et complexité et il est possible que mon point de vue sur lui continue d’évoluer.

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      • Le mien évoluera encore sans aucun doute. C’est le personnage qui veut ça. On se rejoint en tout cas totalement sur la position qu’on a prise vis à vis du personnage.

        Mais je ne dénonce pas spécialement celle des autres. C’est le personnage qui est écrit comme source de polarisation. Et c’est d’ailleurs ce qui a conduit à la fois SNK à acquérir son statut (en tant qu’œuvre se voulant résolument non manichéenne), et en même temps les réactions très contradictoires suscitées par la fin. Il fallait s’y attendre. Et on n’y a pas échappé. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut y trouver des critiques lucides, s’approchant ni de l’adoration excessive, ni du rejet total 🙂

        Bref, je crois que je suis vraiment content d’enfin pouvoir discuter sereinement des titres que j’aime sur les blogs. C’est un espace qui facilite les échanges, très cordiaux ici, à la différence de Twitter dont la cacophonie ambiante ayant suivi la fin ne permettait pas grand chose (il a fallu que je fasse le tri). C’était même souvent lamentable en dépit des personnes de bon sens qui, malheureusement, sont souvent trop discrètes.

        Peut être qu’un jour j’essaierai de créer le mien (de blog) si ça ne demande pas trop de temps mais en attendant, félicitations une nouvelle fois pour tout ton travail.

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      • Merci beaucoup à toi, ça me fait super plaisir !

        C’est sur que Twitter n’aide pas toujours, surtout que comme tout le monde peut potentiellement voir et répondre à ce qu’on dit, et que certains ont l’emportement facile, ça compliqué ou ternit souvent les choses.

        Pour ce qui est du temps que prend un blog, tout dépend de ce que tu as envie d’y faire. Comme rien n’est imposé, et surtout pas la régularité, tu peux écrire à ta guise sans que ça ne devienne trop chronophage.

        Aimé par 1 personne

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