Un Assassin à New York – Un inédit de Jiro Taniguchi chez Pika Graphic

Un Assassin à New York

Alors que Jiro Taniguchi nous a quitté en 2017, plusieurs de ses œuvres sont encore inédites en France, pays qui plébiscite pourtant pas mal l’auteur, à grand coups de « Hergé du manga » et autres formules révélatrices d’une figure qui touche un lectorat qui n’est pas forcément habitué au manga. Un Assassin à New York, dessiné par l’auteur et écrit par Jinpachi Môri faisait partie de ces inédits, et c’est donc un plaisir de le découvrir dans une très belle édition chez Pika Graphic. L’occasion de se plonger dans un versant moins mis en avant chez nous de la carrière du mangaka, avec un récit de genre urbain.

Je remercie Pika pour l’envoi de ce volume.

Resituons le titre

Un Assassin à new York est une oeuvre qui se situe vers le milieu de la carrière de Taniguchi, prépublié dans les pages du Big Comic Original Zoukan de 1991 à 1995, sorti ensuite en un volume relié en 1996, revenant à ses premières amours, à savoir le récit de genre urbain, plus de 10 ans après sa série Trouble is my Business (écrite par Natsuo Sekikawa).

Le titre est écrit par Jinpachi Môri, qui nous explique dans la postface qu’il lui a été inspiré en réaction à la violence de la Guerre du Golfe, cherchant ainsi à mettre en perspective la violence inhérente à l’être humain, tout en se réappropriant le cadre de la ville qu’il avait visité quelques années plus tôt. Le tout mis en scène par un auteur qui est surtout connu chez nous pour ses récits de flânerie, ou ceux qui explorent les questions de famille.

Ainsi, si nous sommes dans un registre différent, on retrouve malgré tout rapidement l’esthétique si caractéristique de Taniguchi, que le grand format propre à la collection Pika Graphic met parfaitement en valeur. Un objet de choix pour les fans de l’auteur, qui trouvera sans souci sa place en bibliothèque aux côtés des ouvrages de la collection Écritures de Casterman, entre autres.

Mon avis sur le titre

Benkei, mystérieux expatrié japonais à l’apparence débonnaire, s’est établi à New York en tant qu’artiste-peintre. Mais à l’ombre des gratte-ciels, il a aussi fait de la vengeance son fonds de commerce. Déterrant les secrets les plus sordides dissimulés par ses “clients”, ce personnage mutique n’a pas son pareil pour guérir les vieilles blessures, contrat après contrat… Froidement et définitivement.

BenkeiLe manga se structure en chapitres déconnectés, avec comme seul fil rouge le personnage principal de Benkei, figure intrigante et charismatique, qui remplit un contrat par chapitre. Une structure narrative simple, mais tout à fait efficace dans sa capacité à caractériser son personnage, qui rappelle un peu le Master Keaton de Naoki Urasawa (en terme de mécanique d’écriture, les deux personnages étant très différent).

En effet, chaque histoire est l’occasion de développer un peu plus le personnage, qui conserve malgré tout une très grande aura de mystère, puisqu’à la fin des 220 pages qui composent le manga, on en connait finalement assez peu sur lui. Ce qui n’est pas un mal en soi, car on parle quand même d’un tueur à gage, figure trouble par excellence. Au contraire, on développe ainsi bien plus les personnages qui gravitent autour, en particulier ses victimes.

On découvre ainsi les motifs des commanditaires au fil du chapitre, étoffant les personnages au profit d’une vision assez sombre de l’humanité, puisqu’une des récurrences est le portrait d’individus qui se sont laissés aller à leurs bas instincts au fil du temps, quitte à s’en bruler les ailes. Cet aspect confère une mélancolie certaine au titre, et donne au personnage principal, pourtant assassin, une aura bien plus positive, qui donne finalement plus l’impression d’être un justicier.

Musée

Le tout mis en images avec talent par un Taniguchi dont les éléments les plus caractéristiques de son style se marient fort bien avec le cadre global de l’histoire. Car il a réussi à s’approprier ce récit de genre en accentuant les moments de silence, cherchant souvent à poser des ambiances, en phase avec l’écriture globale du titre. Ainsi, les ambiances fonctionnent toujours très bien. Majoritairement urbain, le cadre arrive cependant à varier dans quelques chapitres. Et surtout, l’auteur propose une mise en scène qui exploite habilement le côté action du titre (chose qu’il n’avait par exemple pas du tout réussi dans Kaze no Sho selon moi), notamment dans un chapitre sans le moindre dialogue (mais avec une narration en voix off) mettant en scène un affrontement vraiment impressionnant dans un musée.

En résulte donc une lecture vraiment intéressante, en particulier si l’on est fan de Jiro Taniguchi. En investissant le récit de genre urbain, très différent des titres habituellement mis en avant chez l’auteur, on découvre une œuvre qui était jusque là inédite en France, et pourtant très réussie. La structure de l’intrigue fait de Benkei une figure évanescente, qu’on quitte aussi vite qu’on l’a rencontré, qui aurait peut-être mérité d’être accompagné plus longtemps pour rendre le titre vraiment marquant. Mais en l’état, cela reste une belle lecture, maitrisée, et qui ne dépareille pas dans l’œuvre de son auteur.

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10 commentaires

  1. Merci pour ton retour! J’aime plutôt bien les récits de Taniguchi y compris quand ils sont dans un style un peu plus sombre. Je pense que je testerai, j’avais bien aimé le précédent titre de l’auteur dans la collection Pia Graphic

    Aimé par 3 personnes

      • Pour le précédent de la collection, j’avais beaucoup aimé l’ambiance du titre et l’écriture du personnage principal mais je sais que tout le monde n’a pas aimé.
        Vu ton retour, je pense que Un assassin à New York va me plaire.

        Aimé par 1 personne

  2. Ce que tu dis sur ce manga me rappelle le titre Perfect Crime sur de nombreux points. Je le trouvais original dans sa construction et son principe mais maintenant j’ai le sentiment qu’il a tout piqué ou presque à un assassin à New York 😅

    Aimé par 1 personne

    • Ne connaissant pas Perfect Crime, je ne peux pas vraiment dire, mais en ayant fait une petite recherche, le ton me semble quand même assez différent.
      Puis il y a pas de mal à aller chercher l’inspiration quelque part on va dire, surtout que ça reste une structure relativement classique dans d’autres médias avec cette figure de tueur assez codifiée. Je me demande même même le but est pas de se rapprocher du film noir dans l’idée.

      Aimé par 1 personne

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