Mon avis sur… Chobits T.5 à 8 de CLAMP

Chobits
Chobits
a été pour moi une très belle découverte, un titre très accessible mais non moins profond de l’univers CLAMP, qui permet de rentrer sans souci dans leur imaginaire. Les 20 ans de la série ne se voient en plus pas des masses, tant les thématiques soulevées par la série sont encore aujourd’hui pertinentes (voire même plus qu’il y a 20 ans). J’ai déjà abordé la première moitié de la série, il est donc temps de traiter de la seconde partie de ce récit impeccable quasiment jusqu’à la fin, malheureusement un peu trop abrupte et convenue selon moi. On va donc faire le point sans spoil dans un premier temps, pour ensuite prendre un peu de hauteur et voir ce qui est dommageable dans la conclusion du récit. Dommageable, mais qui ne doit pas empêcher la lecture, tant tout le reste est particulièrement bien mené.

Je remercie au passage Pika pour l’envoi de ces volumes.


Mon avis sur les tomes précédents : Tomes 1 & 2Tomes 3 & 4


Je vais vous copier le résumé éditeur du premier tome afin de vous resituer simplement la série, sachant que je détaille davantage dans mon article sur les premiers tomes (liens ci-dessus).

À une époque où la technologie s’invite désormais dans tous les foyers sous la forme de “Personal Computers”, Hideki rêve lui aussi de disposer de l’un d’entre eux. Seulement, difficile pour le jeune étudiant fauché qu’il est de s’en procurer un ! La chance lui sourit le soir où il découvre un ordinateur jeté aux ordures, arborant les traits d’une splendide jeune fille. Problème : elle ne sait dire que “chii” ! Mais loin d’être cassé, ce PC dispose en fait d’un potentiel dont Hideki n’a pas idée et que beaucoup convoitent…

Un récit toujours aussi riche et bien mené

J’en ai déjà pas mal parlé dans mes articles sur les tomes précédents, il est évident que Chobits parle tout particulièrement de la solitude dont souffrent beaucoup de japonais, de façon plus ou moins volontaire selon les cas. En effet, on trouve dans le pays beaucoup d’hommes qui ne souhaitent plus s’engager dans des relations tant ils semblent incapables de se faire aux concessions nécessaires dans ce type de cas. On en voit ainsi de temps en temps se réfugier dans des relations virtuelles, sachant que des intelligences artificielles sont désormais créées exprès dans le but de simuler une relation amoureuse… sans sexe, forcément.

Ce phénomène existait déjà à l’époque de la publication du manga, et a toujours cours aujourd’hui. On peut sans problème trouver des reportages sur la question, où des hommes témoignent souvent sans complexe. Sans aller jusqu’à dire que c’est fréquent, il s’agit d’un phénomène qu’on observe dans le pays. Surement le signe d’un mal être assez profond chez certains hommes, et d’une évolution du rapport aux femmes qu’ils ont du mal à accepter. Je ne vais pas aller plus loin, n’ayant pas les connaissances pour, mais tout cela pour dire que Chobits, bien qu’étant un récit de SF tendant vers la romance, n’en reste pas moins le témoin d’une certaine forme de réalité.

Et sur ce point, je trouve le récit particulièrement pertinent. La seconde moitié étoffe la question de la « concurrence » entre les PC et les vraies femmes, par l’exemple notamment d’un personnage qui a été jusqu’à se marier avec un PC. On a souvent entendu parler de faits divers, racontés sur le ton de la moquerie, où des hommes japonais se sont mariés avec des intelligences artificielles ou des personnages de fiction. Ici, le manga semble avoir capté quelque chose dans l’air du temps.

De plus, un personnage féminin dans l’histoire souffre de cet état de fait et de cette comparaison entre les femmes en chair et en os et les PC. Cette dernière pense qu’une vraie femme ne pourra jamais rivaliser avec un PC. De là, on sent en filigrane qu’elle veut dire que la docilité et la servitude des PC fait que ces appareils seront toujours préférés aux femmes, pour lesquelles il faut faire des efforts pour avoir une relation épanouie. C’est en ça que le titre me semble parler d’une réalité japonaise, qu’on peut avoir tendance à caricaturer.

Si les relations hommes/femmes dans le pays sont très différentes de chez nous, il semblerait qu’elles aient tendance à évoluer avec le temps… Et que ça ne convienne pas à tous les hommes. Le fait que les femmes puissent gagner en liberté et en individualité, et ne se comportent plus autant en femmes de maison crée pour la fragilité masculine une forme de « pression », qui peut amener à éviter les relations avec l’autre sexe. Encore une fois, il faut éviter de verser dans la caricature, mais c’est semble-t-il une réalité du pays (et peut-être une des raisons de la baisse de plus en plus inquiétante du taux de natalité dans le pays).

Ainsi, Chobits traite de tout cela avec une réelle acuité. Mais le manga ne se borne pas qu’à ça, et aborde des questions plus universelles en lien avec l’amour, comme le deuil d’une personne disparue (soit morte, soit simplement partie), le fait de construire une nouvelle relation après une qui a été très forte. Beaucoup de choses vraiment intéressantes, et toujours abordées avec finesse et intelligence…

… jusqu’à sa conclusion

Vous vous en doutez, à partir de là, nous allons spoiler de façon plus ou moins importante. Mais avant de déflorer la conclusion du récit, précisons encore une fois que, si elle est décevante à mes yeux, elle n’empêche pas la série d’être particulièrement intéressante et de largement mériter le coup d’œil selon moi. Je serai même tenté de la considérer comme un incontournable dans la carrière du collectif, mais également dans le genre, malgré ces écueils.

Que le happy end soit assez convenu, avec les deux personnages principaux qui finissent ensemble et amoureux envers et contre tous, ne me dérange pas en soi. De même pour le fait qu’il soit assez abrupt quand même. De la même façon, la révélation pas franchement dingue sur la nature des Chobits n’est pas un souci en soi. Mais c’est quand même assez décevant après des développements assez fins, des thématiques riches et travaillées, de se retrouver face à une conclusion extrêmement bateau. D’un autre côté, je dois bien admettre que je ne m’attendais pas à une fin différentes.

Là où je tique également, c’est dans l’aspect extrêmement pudibond de cette relation, où toute forme de sexualité est éjectée. En effet, de par sa nature de Chobits, Chii est différente des autres PC, et ne peut avoir de rapport sexuel. Pourquoi ? Tout simplement car son bouton de réinitialisation se situe au niveau de son sexe. De ce fait, la pénétration engendrerait obligatoirement l’effacement de sa mémoire.

J’avoue ne pas être certain de bien comprendre où les CLAMP veulent en venir, mais j’ai le sentiment d’une vision très pudibonde de l’amour, où le sexe est exclu. Ou alors, s’agirait-il d’une façon de mettre en avant qu’une relation amoureuse avec un PC empêche une forme de sexualité ? Je ne suis pas certain car les événements qui ont précédé montrent des couples homme/PC où le sexe est possible. Il semblerait que la problématique ne se pose que pour les deux personnages principaux.

Je dois avouer que sur ce point, je suis quelque peu circonspect.

Mais même au-delà de cette ambiguïté que je ne suis pas sur d’interpréter comme il faut, force est de reconnaitre que cette conclusion rapide (le dernier tome est d’ailleurs très fin par rapport aux autres) et très convenue laisse un goût de trop peu. Comme s’il fallait bien terminer l’histoire, et la terminer dans la joie, mais qu’au fond, c’est plutôt les thématiques et développements sur la globalité qui importaient aux mangakas. Un écueil certain, mais qui n’entache pas la totalité de l’entreprise, tant l’œuvre a su proposer des choses qui tapaient vraiment juste.

En résulte une série très bonne, sans le moindre doute, en ce qui me concerne. Et qui, malgré sa fin convenue, mérite vraiment le coup d’œil. Toujours aussi riche et pertinente 20 ans après sa sortie, ce qui est déjà une belle prouesse en soi, cette nouvelle édition très travaillée par Pika pourrait être l’occasion de se laisser tenter par un titre de qualité, que ce soit dans son ambiance, son esthétique et son écriture.

 

13 commentaires

  1. En ce qui concerne la relation Homme/robot/IA, j’ai eu de longues discussions avec un ami qui travaille sur ces sujets là puisqu’on suit plus ou moins les mêmes colloques-séminaires etc. Il y a plein de séries/films et autres production de la culture populaire qu’il a finit par laisser tomber et certains thèmes qu’il ne peut plus voir en peinture notamment ce qui touche à la question du sexe. En gros, lorsque l’on lit/regarde des productions culturelle ou qu’on assiste à des interventions orientées SHS sur les robots, les gens ne se posent pas la question de savoir si ces IA/robots fonctionnent, à quoi ça sert, si c’est éthique etc…mais directement si c’est baisable. Tout est ramené sans cesse au sexe. Et franchement, c’est problématique de penser que la seule chose à laquelle les Hommes pensent en voyant un robot c’est à comment ils peuvent se le/la faire (puisqu’il y a un besoin de genrer les robots et si possible au féminin).
    Concernant, la question du rapport hommes/femmes, je ne sais pas si la réalité est si éloigné que ça de la caricature. Je n’ai pas fait d’études sur le sujet mais par rapport à ce que j’ai lu/vu ça s’en rapproche. Je pense à un documentaire en particulier sur le « sexless » au Japon et à un jeune homme qui disait qu’une copine c’était pénible parce qu’il fallait s’en occuper, lui faire des cadeaux etc. en gros mettre plein de pièces dans la machine pour potentiellement avoir du sexe. Niveau misogynie, je crois qu’on atteint le fond.
    C’est pour cela que j’ai toujours du mal avec Chobits. Je n’ai pas relu l’œuvre récemment. Clamps a souhaité s’aventurer vers un public plus masculin et d’autres thématiques en changeant de style, soit. Cependant, je trouve le fond du propos et la forme maladroits, sans équilibre. Ca oscille entre mignon, poétique, thématiques sérieuses mais traités à coup de blagues culottes et de trucs niais.

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  2. Je viens à l’instant de finir le tome 8 donc je lis ton avis, comme promis et je dois dire que comme toi je ressens une frustration sur ce dernier volume même si ça ne me gâche pas la série. J’ai hâte d’écrire dessus !
    Quant au rapport au sexe, je n’y vois pas de la pudibonderie, plutôt une manière de dire que le sexe n’est pas une condition sine qua none au bonheur d’un couple et qu’il faut arrêter de faire peser cette pression sur la femme. Qu’on peut l’aimer sans le sexe, qu’elle n’est pas juste un objet à satisfaire des désirs. Mais c’est ma propre interprétation, je suis petit être à côté de la plaque 😅

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  3. Je connaissais Chobits de nom, mais je n’avais jamais eu l’occasion de découvrir la série avant sa belle réédition. Tu t’en doute, je les emprunte en médiathèque et j’en suis donc seulement en tome 5, par conséquent je n’ai pas lu la fin de ton article histoire de ne pas me spoiler le bout du nez ^^
    Je ne suis pas une grande spécialiste du travail de CLAMP, et jusqu’à présent j’avais surtout découvert leur univers fantastique avec l’anime de « xxxHOLiC » et « Tsubasa reservoir chronicle », j’ai donc été enchanté en découvrant cette histoire un chouïa plus réaliste. Je la trouve à la fois passionnante et un peu effrayante : ils me perturbent un peu avec leur amour pour des robots 😉 Mais bon, j’ai tout de même hâte de pouvoir découvrir la fin de cette histoire pour enfin en comprendre tous les tenant et les aboutissant !

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  4. Pour ton analyse sur le fait que certains hommes ne supportent pas notre prise d’autonomie et que c’est pour ça qu’ils préfèrent la docilité de « poupées », je te rejoins (pas féministe pour rien).

    Je ne me souviens pas très bien de la fin, donc je ne peux pas te répondre pleinement. Il me semble que cette fin convenue ne m’a pas choquée car je n’imaginais pas une autre fin. Mais en effet, je ne vois pas ce que la particularité de la relation (sans sexe, donc) des deux personnages principaux signifie réellement…

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    • Oui, moi non plus je ne voyais pas vraiment d’autre conclusion possible, c’est plutôt la façon de l’assener un peu rapidement qui me perturbe.

      Et du coup on est d’accord, je suis très perplexe sur ce côté relation sans sexe ma foi… j’ai bien du mal à l’interpréter.

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  5. Coucou, j’ai découvert tes articles sur Chobits après avoir vu ton article sur Clover de CLAMP. Ils étaient tous très sympa à lire et je voulais juste me permettre de revenir sur la fin de Chobits.
    Il est très courant que la fin déplaise(pour plein de raisons différentes) mais pour la sexualité il me semble que le message était assez simple. Peut-être tellement simple que c’est justement passé inaperçu ? Mais en gros dans le manga à plusieurs moments il est question de ce que les robots ne peuvent pas faire et du fait qu’ils ne sont pas si parfaits que ça(comme les êtres humains normaux quoi), ça et le côté très sexuel du manga notamment à travers la répétition du fait que Hideki soit toujours puceau servent justement à mener à cette conclusion(enfin j’imagine, je voudrais pas donner l’impression de croire que j’ai la science infuse).
    Je pense qu’au contraire CLAMP ne « critique » pas le sexe, surtout dans Chobits, le sexe est très normalisé et considéré comme normal. Et pour quelqu’un comme Hideki en plus qui en rêve tout le manga, accepter Chii malgré qu’elle ne puisse pas avoir de relations sexuelles sert juste à montrer qu’elle a trouvé la « personne rien que pour elle » qui accepte qu’elle ne soit justement pas parfaite.
    Et ainsi que toutes les relations, même avec un ordinateur ne sont pas parfaites et forcément plus faciles car il y a toujours des sacrifices à faire(par exemple accepter d’être extrêmement jugé ha ha). Après je peux comprendre qu’on n’aime pas cette « morale » mais c’est sûrement ça le message que CLAMP a voulu faire passer selon moi.

    Enfin j’espère ne pas balancer des banalités ! Bonne journée à vous, en espérant lire une suite de l’article sur Clover

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    • Je trouve cette interprétation très intéressante. J’en avais discuté avec une camarade blagueuse, qui voyait ça comme la mise en avant de relations amoureuses qui s’éloignent du cadre classique, montrant que la sexualité n’est pas un impératif, cela va aussi un peu dans ce sens.

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