Mon avis sur… L’Eden des Sorcières T.1 de Yumeji

Nouvelle création originale des éditions Ki-oon, L’Eden des sorcières est un titre qui ne détonne pas chez l’éditeur. On peut sans peine le rapprocher d’autres titres de fantasy récemment parus chez eux, avec un soin tout particulier apporté aux visuels. De ce fait, si j’avais la crainte d’un univers trop générique, j’étais aussi curieux de lire ce titre aux thématiques proches de mes préoccupations, sur le rapport à la nature et aux autres espèces. Et au final, c’est une belle surprise que j’ai eu, puisque les qualités dont regorge ce premier volume permettent largement de compenser le classicisme global, comme nous allons le voir.

Un grand merci à Ki-oon pour l’envoi de ce premier tome. Vous pouvez consulter un extrait et avoir davantage d’informations ICI.

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Autrefois, plantes et animaux vivaient en harmonie… jusqu’à l’arrivée de l’homme. Incapable de coexister avec les autres espèces, il les a détruites sans remords. Faune et flore ont alors décidé de fuir et de se cacher… Voilà des centaines d’années que le monde n’est plus qu’une vaste étendue désolée. Pourtant, il existe encore de rares enclos de verdure : ce sont les repaires secrets des sorcières, ces femmes d’exception sensibles à l’appel des plantes. Rendues responsables de leur disparition, elles sont la cible de la haine des humains…

Cette création originale est la première publication professionnelle de son autrice, Yumeji, qui n’avait jusqu’alors publié que des mangas amateurs au Comiket. Chose qu’on ne devine clairement pas à la lecture de ce premier volume à l’esthétique particulièrement soignée qui renvoie sur plusieurs points à L’Atelier des sorciers de Kamome Shirahama, on a vu pire comme référence. Précision amusante, Yumeji écrit son manga en parallèle à son métier de puéricultrice. Nous verrons bien quel impact cela aura sur son rythme de publication. Le plus important restant qu’elle prenne le temps afin de gérer ces deux professions.

Ceci étant dit, de quoi est-il question dans ce manga ? Comme le résume l’indique fort bien, nous sommes dans un univers de fantasy assez classique, où l’impact de l’homme s’est bien fait ressentir, les ressource commençant à se tarir, faisant vivre une partie des gens dans la misère. Une situation propice à une haine injustifiée envers ceux qui sont différents. Or, les sorcières, vivant recluses dans les seules zones où les plantes continuent de prospérer, sont chassées et brûlées.

C’est dans ce contexte qu’on fait la rencontre de Pilly, qui vit avec une sorcière âgée, Toura. Mais suite à un malheureux concours de circonstance, cette dernière va être assassinée, et Pilly va réveiller sans le vouloir un loup recouvert de feuillages et autres branches. Ils fuiront ensemble, marquant le début de leur aventure.

Disons le tout de suite, rien dans ce postulat n’est très original. Le monde de fantasy est rapidement esquissé et ne s’illustre pas particulièrement, si ce n’est visuellement. La thématique du lien à la nature et de l’influence néfaste de l’homme est vue et revue, au point où on se demande si elle peut avoir un impact sur nos comportements à l’heure où on continue de tirer tous les signaux d’alarme sans succès. Et le déroulement de ce premier volume est assez attendu. Mais le classicisme n’est pas un défaut en soi, et une recette connue, si elle est savamment dosée, peut donner un plat de qualité, ce qui est par bonheur totalement le cas ici.

Premier point positif : le manga est vraiment très beau. Si le trait global rappelle celui, magnifique, de L’Atelier des sorciers, une influence revendiquée par la mangaka, il arrive à s’en démarquer par une direction artistique très différente qui atténue le côté classique de l’univers. Je pense notamment au travail sur des étendues montagneuses en début de volume assez saisissant, ainsi que celui sur les plantes et, évidemment, le fameux loup à moitié végétal, particulièrement réussi.

Ainsi, le caractère assez classique de l’univers est largement compensé à un graphisme attrayant et détaillé, qui permet de se plonger d’emblée dans ce monde. Et si on en sait encore finalement très peu, l’immersion est réussie et donne clairement envie d’en voir davantage, en espérant qu’on ait droit à notre lot de paysages majestueux et variés.

L’écriture, quant à elle, compense également un déroulement pour le moment très balisé par un dynamisme et une fluidité exemplaire. La lecture est particulièrement agréable et haletante, la mangaka nous épargnant une exposition trop longue. Passé le premier chapitre qui donne juste ce qu’il faut d’informations, on entre tout de suite dans le vif du sujet aux côtés de Pilly et la créature qui l’accompagne. Les premiers antagonismes se mettent en place, tout comme la promesse d’un grand voyage, comme toujours avec ce genre, à la recherche de la vérité sur les tenants et aboutissants de ce monde, et à la recherche de soi-même. Car si Pilly est pour le moment un personnage dont on sait peu de choses, on n’a aucun mal à se prendre de sympathie pour elle.

Si tous ces éléments me rendent très confiants, reste quand même à voir comment cette histoire et ces thématiques vont être développées. Car si je suis d’un certain côté conquis d’emblée par un titre évoquant le rapport ambivalent de l’homme à la nature, j’ai aussi certaines exigences, tant cela a été vu et revu au fil des œuvres, en particulier dans le domaine de la fantasy. J’espère donc que Yumeji saura apporter une réflexion pertinente sur ce point, sachant qu’on ne peut évidemment tirer aucune conclusion sur la base de cette introduction.

Ainsi, ce premier volume est une belle réussite. Bien qu’empruntant des sentiers balisés, tout est fait avec tellement de soin qu’il serait compliqué de ne pas être charmé. L’esthétique y est clairement pour beaucoup, rendant cet univers très immersif, et la fluidité globale du récit permet également de prendre très rapidement ses marques. Évidemment, ce n’est pas sur un seul tome que l’on peut juger une oeuvre, surtout quand elle souhaite développer un univers riche. Mais la proposition est très belle, et ce premier volume réussit donc sa mission de planter les premières graines de ce qui pourrait être une série de qualité.