Blue Period continue de s’affirmer à chaque nouveau tome comme une série incontournable pour moi. Par un travail esthétique de qualité au service d’une écriture brillante, Tsubasa Yamaguchi arrive à nous parler d’art au sens très large. Si Yatora, notre jeune protagoniste, se lance corps et âme dans la peinture, c’est bien de l’art dans sa globalité qu’il est question ici. De ce fait, je ne peux pas imaginer que des lecteurs et lectrices passionné.es par le manga puisse ne pas être touché par ce titre qui, au détour d’une péripétie, d’une page, d’une réplique, arrive à évoquer des choses particulièrement puissantes concernant le rapport à l’art.
Je remercie chaleureusement Pika pour l’envoi de ce troisième tome.
Mon avis sur les tomes précédents : Tome 1 – Tome 2
À deux mois des concours d’admission, le niveau monte, et Yatora se sent bloqué par son manque d’expérience. Heureusement, Mme Saeki, sa professeure du club d’Arts plastiques, Mme Ooba, qui le suit en cours de prépa, et Mori sont là pour le soutenir et lui ouvrir les yeux. Galvanisé, le jeune lycéen se lance alors dans la réalisation d’une toile aussi grande que celle que Mori avait utilisée pour son tableau des anges. Sa rage de peindre aura-t-elle raison de l’entreprise colossale dans laquelle il s’est lancé ?
Blue Period m’a charmé dès son premier tome, grâce à son personnage principal dans lequel il est très facile de se projeter, qui se découvre une passion dévorante dans laquelle il va totalement s’investir. Je l’avais déjà dit et je le répète, je pense que toute personne qui vit une passion forte pour un domaine artistique quel qu’il soit doit se retrouver un peu en Yatora.
Et par son biais, on apprend des choses très intéressantes concernant la peinture. Des choses très techniques, mais aussi une appréhension plus personnelle de la chose. L’universalité du récit vient du fait que au-delà de ces considérations techniques propres au monde de la peinture, il y a surtout un discours global sur l’art en tant que moyen d’expression qui est filé avec brio. Le fait de suivre Yatora permet de voir comment un choc esthétique peut déclencher une passion, et modifier radicalement la perception d’un individu.
Le jeune homme apprenant au fil des volumes le fonctionnement de la peinture, les techniques à utiliser et les cadres de référence, il affine sa vision des choses au fur et à mesure, nous permettant également de nous questionner sur notre rapport aux arts. Et je pense qu’une des grandes forces de la série vient vraiment de cet aspect, qui permet de nous parler au niveau intime.
Et dans ce troisième tome, nous avons encore droit à de nouvelles pistes de réflexion, qui me parlent d’autant plus qu’elles sont d’une grande authenticité, se retrouvant régulièrement abordées par les esprits créatifs. Peut-être parce que je suis moi-même quelqu’un qui n’a aucune once de créativité et d’imagination en lui, le cheminement des artistes me fascine. Et sur ce point, dans tous les domaines qui me passionnent, je me suis, à plus ou moins grande échelle, intéressé au cheminement pour accoucher d’une œuvre.
Et le discours de Yatora dans ce volume se retrouve dans la bouche d’énormément d’esprits brillants qui nous ont offert de pures merveilles. Car il nous dit tout simplement qu’il a des choses en tête, et que quand il produit son œuvre, ce qui en résulte est totalement éloigné de la vision d’origine, comme quelque chose d’évanescent qu’il est très difficile à capturer. On retrouve ça notamment au cinéma, où les spécificités du médium et son aspect collectif font que les aléas des productions, les impératifs économiques et autres font que le film livré est toujours très différent de la vision qu’en avait le maitre d’oeuvre. De très nombreux cinéastes se sont prononcés sur ce point, de Truffaut à Mc Tiernan en passant par James Cameron (et surement des centaines d’autres), tous constatent que la production d’un film est la déliquescence progressive d’une idée, de plus en plus diluée au fil du temps.
Yatora fait ici cette douloureuse expérience, voyant que mettre en peinture ce qu’il cherche à exprimer n’est pas chose aisée. Et pour moi, tout le bagage artistique et médiatique que j’ai en tant que passionné trouve une résonnance dans ce titre, qui met en exergue les tourments d’un artiste en devenir et la difficulté de se confronter à la réalité des choses. Et dans le même temps, le fait de suivre un adolescent le rend proche de nous. Nous ne sommes pas face à un artiste qui a déjà fait ses preuves et serait déconnecté du monde des petites gens, et c’est tant mieux.
En donnant de la voix à un jeune homme qui se cherche, on comprend bien mieux la difficulté de la démarche de création, et on est ainsi davantage investi dans le récit. En résulte une lecture toujours aussi forte émotionnellement et intellectuellement (les deux étant totalement liées ici). Avec la même finesse que l’on retrouve depuis le premier tome, Tsubasa Yamaguchi continue d’enrichir sa thématique, sans jamais en faire trop. Ainsi, Blue Period s’affirme tome après tome comme une très grande réussite, de celles qui peuvent déclencher ou renforcer une passion, comme c’est le cas pour Yatora. Une oeuvre rare, dont on continuera à parler ici, car elle mérite toute notre attention tant elle a à nous dire.
Je suis amoureuse de cette série. Je prends un tel plaisir à la lire 🙂 Et c’est super bien amené dans la démarche artistique, les enjeux etc. Bref, à mon sens, c’est une réussite ce titre !
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Tu auras compris que je suis dans le même cas. C’est sûrement ma nouveauté de 2021 préférée pour le moment.
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