Mon avis sur…L’ile entre deux mondes de Asuka Ishii

Ile entre deux mondes

La collection Pika Graphic s’étoffe au fil des mois, proposant une belle diversité dans les titres mis en avant par un travail éditorial de qualité et s’offre un nouveau morceau de choix avec L’île entre deux mondes, série courte en deux tomes de Asuka Ishii, à l’esthétique et l’ambiance onirique qui risquent bien de trouver écho auprès d’un public friand d’expériences sensorielles et visuelles de qualité. Un grand merci à Pika pour l’envoi des deux volumes, je vous invite à jeter un œil sur la page dédiée au titre sur le site de l’éditeur pour vous faire une idée, notamment avec l’extrait de 63 pages proposé.

Aoshima, petite île éloignée des îles principales du Japon. Caressée par le vent, bercée par les vagues, cette “île bleue” baigne dans la lumière. Dans ces paysages hors du commun, d’étranges phénomènes happent Tatsumi, jeune professeur nouvellement muté à l’école locale, et le plongent dans un monde à la lisière de la nature et du surnaturel…

Le résumé resitue bien l’intrigue en elle-même, qui est relativement simple. En effet, on suit la nouvelle vie de Tatsumi, qui retourne sur l’île d’Aoshima après des années, pour y devenir professeur. Alors qu’il n’a que deux élèves, on le suivra dans son emménagement, ses cours et sorties, mais surtout, on découvrira avec lui l’ambiance particulière de cette île et son côté onirique.

Car l’onirisme est clairement le maître mot ici. Si la narration est un peu en retrait, c’est vraiment le travail d’ambiance qui permet d’être happé dans le récit. De ce fait, le choix de proposer le titre en grand format dans la collection Graphic n’est pas anodin, le gain en terme de taille permettant de mettre en valeur comme il se doit l’esthétique très travaillée du titre. Par ailleurs, il faut savoir que la mangaka est surtout artiste peintre au quotidien, ce qui explique son style très marqué et l’importance d’autant plus grande du visuel dans son appréhension de ce monde.

Ainsi, la question des différents sens, et en particulier de la vue, est centrale dans l’appréhension de l’ambiance si particulière de l’île. La mangaka met vraiment une grande emphase sur le regard, celui de Tatsumi, qui est notre véhicule à nous, lecteurs et lectrices, pour découvrir l’île, mais également celui d’autres personnages.

Chaque chapitre du premier tome étant segmenté pour mettre en avant un élément en particulier, créant un folklore propre au récit. Que ce soit le vent, le tonnerre, le brouillard, l’eau ou enfin les insectes, les différents aspects convoqués contribuent à nous faire ressentir une ambiance particulière, et les émotions qui y sont rattachées. Ainsi, c’est une véritable expérience esthétique et onirique plus que narrative à laquelle on assiste, très enveloppante, et qui demande à se laisser porter au fil des pages par le trait de la mangaka et l’ambiance qu’elle réussit à poser.

J’ai ressenti un sentiment assez proche que celui que j’ai à la lecture du Pacte de la Mer de Satoshi Kon, également dans la collection Graphic, même si ce dernier est plus narratif. J’ai également pensé aux récits de flânerie typiques de Jiro Taniguchi, comme par exemple L’Homme qui marche, même si ici, l’ambiance est moins terre à terre et bien plus portée sur le folklore et l’onirisme.

Mais de la même façon qu’avec Taniguchi, je me retrouve face à une lecture apaisante, qui propose un moment de beauté et de respiration bienvenue dans nos vies si stressantes. Le fait de prendre le temps, comme Tatsumi, de ressentir les choses et les éléments qui nous entourent par le biais de cette lecture fait un bien fou. Et le tout est rendu encore plus impactant par ce côté presque surnaturel, et si l’intrigue est au second plan dans le premier volume, les mystères posés trouvent fort logiquement une réponse dans la seconde partie.

Il serait compliqué d’en parler sans spoiler, quand bien même on devine aisément de quoi il en retourne. Sans trop en dire, il est finalement question de deuil et de transmission, et ces apparitions évanescentes prennent de ce fait tout leur sens dans la dernière partie du récit. Cependant, l’aspect narratif reste relativement secondaire, puisque la mangaka semble davantage intéressée par l’expérience esthétique et sensorielle proposée. Ainsi, il ne faut être ouvert à une proposition davantage axée sur le ressenti et les émotions que sur la narration. Me concernant, je trouve que c’est ce qui fait le charme du titre, mais cela peut aussi être vu comme sa limite.

En résulte, vous l’aurez compris, une lecture reposante, qui permet de se recentrer sur soi, et qui fait un bien fou. La qualité éditoriale de la collection est toujours au rendez-vous, mettant parfaitement en valeur le trait de la mangaka et justifiant le tarif de 14€. Ainsi, si les expériences purement esthétiques et sensorielles vous parlent, je pense que vous serez ravi de cette invitation au dépaysement !

23 commentaires

  1. Tu fais de très belles références avec Taniguchi et Satoshi Kon. J’avais déjà envie de lire le titre parce que le trait me faisait penser à celui de Chica Umuni mais en plus l’ambiance a l’air très réussi. Vendu !

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  2. Quand t’as évoqué l’onirisme j’ai pensé en premier lieu à Taiyo Matsumoto qui est selon moi le maître absolu en la matière avec Ping-pong, même si pour le coup l’île entre 2 mondes semble se rapprocher davantage de Number 5 (que je n’ai pas encore lu mais j’en ai vu un extrait). Taniguchi me parle beaucoup aussi puisque j’ai lu Quartier lointain et le 1er tome du Sommet des Dieux (qui m’a plus marqué) et je comprend tout à fait qu’une œuvre faisant office d’ode à la nature et au ressourcement de soi rappelle sa marque de fabrique. En tout cas, j’avais flairé le titre depuis son annonce mais avec toutes les nouveautés et rééditions, il s’est écroulé dans le bas de l’échelle de mes priorités pour le moment, malgré moi j’ai envie de dire… Je reste néanmoins content que ton article conforte mes 1ères impressions sur la licence, je pense que cet été, je me la prendrai…

    Aimé par 1 personne

    • On a tous ce soucis de trop de sorties pour acheter tout ce qu’on aimerait. D’ailleurs je ne sais pas comment je vais me débrouiller pour acheter Eden et Banana Fish chez Panini qui sont sûrement deux des titres qui me font le plus envie ce mois-ci, et comme par hasard dans les deux cas on est à 2 tomes à 16 euros 😅

      Je ne connais quasiment pas Matsumoto donc je ne pourrai pas trop te dire, je n’ai lu que Amer Beton qui ne m’a pas du tout parlé. Je pense quand même retenter tôt ou tard l’expérience avec un autre titre.

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