Nobi Nobi risque de devenir le fournisseur officiel de cette rubrique, et pour cause, leur positionnement éditorial et leur expertise dans la littérature jeunesse font qu’ils arrivent à trouver des titres vraiment pertinents, pour lesquels je me dis spontanément que ça ferait une sacrée bonne lecture pour les enfants. Et c’est encore le cas avec Ronja – Fille de brigand, l’anime comics adapté de la série de Goro Miyazaki, d’après un roman d’Astrid Lindgren… Beaucoup de noms propres et de termes spécifiques, on va décortiquer tout ça !
Tout d’abord, un grand merci à Nobi Nobi pour l’envoi de ce titre, je vous invite comme toujours à faire un tour sur le site de l’éditeur pour lire un extrait de ce volume.
Un anime comics, c’est quoi ?
Commençons par le commencement. J’ai parlé d’anime comics, et ce terme spécifique n’est pas nécessairement connu de tous et toutes. Car oui, nous ne sommes pas à proprement parler face à un manga, même si les liens avec ce médium sont évidents.
Les anime comics sont tout simplement une adaptation au format bande dessinée d’anime. Il est fort possible que ce soit un genre éditorial assez important au Japon, chez nous j’ai le sentiment que seulement quelques énormes licences ont droit à des animes comics, qui bien souvent reprennent un film lié à un manga/anime. Je pense notamment à My Hero Academia, Dragon Ball ou One Piece, qui ont eu droit à ce type d’ouvrage.
Et du coup concrètement c’est quoi ? Il ne s’agit pas d’une adaptation au format manga par un dessinateur quelconque de l’anime, mais bien d’une transposition pure et dure, dans le sens où nous sommes face à des photogrammes (des images quoi) de l’anime qui sont capturées et mises en page afin de donner une bande dessinée. C’est un point important à soulever, car ça a un impact énorme sur l’esthétique de l’œuvre, puisque ça n’a pas été pensé pour être un manga dès l’origine. De ceci peut découler des cadrages et des enchaînements de planches plus ou moins heureux, qui parfois peuvent perturber un œil habitué au manga et à ses conventions formelles.
Mais une autre conséquence, qui peut clairement parler aux enfants (et même aux adultes finalement), c’est que les animes comics sont entièrement en couleurs ! Et ça, c’est un point non négligeable en terme d’esthétique. Dans le cas de Ronja, on a des tons qui rappellent clairement l’esthétique Ghibli, quand bien même on sent que l’on est face à de l’image calculée par ordinateur d’après les illustrations (n’ayant pas vu l’anime, je ne peux me baser que sur cet ouvrage imprimé). De plus, Nobi Nobi a fait le choix d’un sens de lecture occidental, qui fait sens puisque le découpage et les illustrations n’ont pas été pensées par un mangaka à l’origine et pour ce format spécifique. En résulte un très bel objet (les 15€50 se justifient tout à fait), avec une impression de qualité, et qui a tous les atouts pour parler aux enfants… et à leurs parents !
D’où vient Ronja ?
Mais vous l’aurez donc compris, l’ouvrage face auquel on est ici n’est pas le support premier de l’œuvre, il convient donc d’avoir un petit mot pour situer le titre. Avant d’être une série anime de Goro Miyazaki, Ronja est un roman suédois paru en 1981 (1984 pour la traduction française) d’Astrid Lindgren, l’autrice de Fifi Brindacier. Il s’agit d’un roman assez important qui a notamment connu une adaptation cinématographique, ou en comédie musicale. Il raconte l’histoire de Ronja, fille d’un chef de bande de brigand qui sévit en forêt, vivant dans un château coupé en deux par la foudre. Elle fera la rencontre du fils du chef rival, et va se lier d’amitié avec.
C’est en 2014 que Ghibli et la NHK adaptent ce roman, sous la supervision de Goro Miyazaki. L’anime totalise 26 épisodes, et de ce fait je ne serai pas étonné que l’anime comics opère des coupes franches pour synthétiser en 350 pages ces 26 épisodes. J’en suis d’autant plus convaincu que certains passages de l’ouvrage papier sentent la coupe, notamment lorsque l’on voit le père de Ronja qui se retrouve en deux cases avec une blessure au visage sans raison (ceci étant sûrement le seul moment où on sent clairement la coupe, les autres moments sont bien plus subtils).
Personnellement, je n’ai pas vu cet anime, mais j’ai regardé quelques avis à son sujet pour voir ce qui se dit, et j’ai le sentiment que l’anime comics est peut-être la meilleure façon de profiter de cette histoire. Car on voit souvent parmi les critiques fortes une animation de mauvaise qualité (qui ne se retrouve pas au format papier donc), une pauvreté dans le character design (cet aspect est dans cet anime comics, mais ça passe franchement bien), et un rythme erratique. Sur ce dernier point, le fait d’avoir (probablement) opéré de nombreuses coupes joue en faveur de l’anime comics.
Car si l’anime en lui-même semble très critiquable (encore une fois, je ne vais pas m’avancer, je ne l’ai pas vu), l’anime comics, de son côté, s’il souffre des soucis inhérent au genre, a vraiment de beaux arguments à faire valoir, comme nous allons le voir ensemble !
Mon avis sur cet anime comics
Car comme je l’ai déjà dit à demi-mot, j’ai vraiment beaucoup apprécié Ronja – Fille de brigand sur ce format, et nous allons tout de suite voir pourquoi.
L’intrépide Ronja est fille de brigand, tout comme le jeune Birk. Et dans la forêt de Mattis, peuplée d’étranges créatures, leurs bandes respectives sont rivales depuis la nuit des temps. Mais un jour, Ronja et Birk se rencontrent au bord du gouffre de l’Enfer. Quand la haine laisse place à la fraternité, c’est alors tout l’équilibre des clans qui est remis en question. Ronja et Birk pourront-ils rester amis malgré la haine qui oppose leurs pères ? Rien ne sera plus comme avant chez les voleurs…
Tout tourne autour de cette histoire de rivalité entre les deux clans de bandits, et l’enfant de chaque chef de clan. Ronja est donc la fille de Mattis, et se caractérise par une grande dissonance dans sa façon de penser par rapport à son milieu. Elle se demande notamment pourquoi ils vivent en volant, alors qu’ils pourraient avoir un « vrai » métier. Elle ne souhaite d’ailleurs pas prendre la relève, et est finalement un esprit libre, un esprit d’enfant.
Elle fait la rencontre de Birk, le fils du chef de clan rival, et on ressent bien que l’éducation de chacun est dans un premier temps un frein à une potentielle amitié. Ayant été élevés dans l’idée que les autres sont en tort, ils ne s’entendent pas franchement, et je trouve que cet aspect est plutôt bien traité, même si cela passe assez rapidement. D’autant plus que c’est réellement le cœur du récit. En effet, les deux enfants vont se rencontrer à plusieurs reprises par hasard, et vont finalement devenir amis, au point de se considérer l’un l’autre comme frère et sœur.
Et cette relation est l’élément qui va finir par faire éclater la discorde entre les deux clans. Je n’en dirai pas plus sur l’intrigue, pour ne rien révéler. Tout est quand même relativement cousu de fil blanc, mais il y a franchement plusieurs développements inattendus en terme de thématiques qui m’ont vraiment parlé. Il y a tout d’abord cet aspect attendu de l’innocence de l’enfance face à la bêtise du monde adulte, et qui viendra apporter une possibilité de changement. Mais il y a aussi l’importance de l’éducation et de l’origine sur les réflexes et la façon de voir le monde, qui entraîne des conflits parfois entre Ronja et Birk, et qui contribue à rendre la question bien plus nuancée que simplement « les enfants VS les adultes ».
De même, la remise en question par la nouvelle génération des modes de vie des anciens est vraiment intéressant, et étoffe considérablement l’univers et la richesse du récit. Cependant, concernant l’univers, j’ai ressenti une pointe de frustration vis-à-vis du fait que les éléments propres à ce monde soient au final assez peu exploités. J’entends par là qu’il existe plusieurs créatures spécifiques à ce monde, mais elles auront finalement un rôle d’arrière plan, contribuant simplement au folklore et à l’ambiance générale, mais n’ayant vraiment aucune incidence sur le récit. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce soit plus étoffé dans la série animée et que les coupes soient passées par là.
Toujours est-il que mettre la focale sur les deux enfants fonctionne parfaitement, notamment parce que ça enrichit bien les thématiques et l’intrigue en elle-même. Et c’est aussi pour cela que je pense que le titre est à mettre entre les mains d’enfants, car partager un point de vue enfantin écrit avec un beau degré d’authenticité leur parlera très certainement. Et du côté des lecteurs et lectrices adultes, cette confrontation avec un point de vue adulte est aussi quelque chose de très intéressant.
Et pour soutenir cette richesse thématique et cette jolie écriture, il y a évidemment l’esthétique très spécifique à ce titre d’objet. Personnellement, j’ai eu besoin d’un petit temps d’adaptation, trouvant les illustrations un peu petites du fait des détails dans le visuel. De même, l’impression de photogrammes d’un anime fait que l’on sent bien que ce n’est pas pensé pour le format BD, et si la transcription passe globalement assez bien, on sent parfois des cadrages qui passent moins bien, des transitions entre les cases parfois un peu confuses. Mais au final, la lecture reste vraiment fluide et tout cela passe vraiment bien. On est clairement face à un objet atypique si on est habitué au manga, mais on retrouve ses marques et finalement, on se plaît à regarder ces pages couleur, et le visuel de l’anime passe vraiment bien. Et surtout, n’oublions pas qu’on est dans un ouvrage pour enfants, et je ne pense pas qu’ils se posent ce genre de question de découpage ou de cadrage.
Ce qui ne veut pas dire qu’on peut mettre dans leurs mains des titres au rabais, ce n’est d’ailleurs pas le cas de celui-ci à mes yeux. Car, petite parenthèse, mais qui reste dans le sujet, je n’aime pas du tout qu’on pense que les enfants peuvent se contenter de produits médiocres sous prétexte qu’ils n’ont pas un œil aussi affûté qu’un lectorat adulte. Ainsi, dans cette rubrique j’ai à cœur de parler de titres qui m’ont plu avant tout à moi en tant qu’adulte, mais qui me semblent intéressants et adaptés pour les enfants.
Et en l’occurrence, vous l’aurez compris, Ronja – Fille de brigand entre totalement dans ce cas de figure selon moi. J’ai conscience que les thématiques globales du titre avaient déjà tout pour me parler, mais je pense aussi et surtout que c’est tout simplement un titre carré, qui travaille bien son sujet et qui est très fluide dans son déroulement, permettant de faire passer un très bon moment. Il semblerait que ce ne soit pas forcément le cas avec l’anime d’origine, mais cette transposition semble avoir profité des qualités de la série, en en gommant les défauts principaux. Le meilleur des deux mondes en somme !
Je ne suis pas du tout friande de ce genre de titres. Je préfère voir ce genre d’images s’animer que fixées sur le papier. En revanche, les thématiques m’intéressent et je regarderai bien la série animée 😁
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Je suis plutôt de toi avis de prime abord, mais les retours négatifs sur l’anime m’inquiètent. Du coup je me demande si cette adaptation ne rend pas le récit plus fluide.
Après, j’avoue que comme j’ai aimé, je suis plutôt curieux de le voir et me faire mon propre avis car je pense qu’il y a eu des coupes dans le processus d’adaptation.
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Je ne connaissais pas du tout le concept d’animé comics, enfin je ne savais pas qu’on l’appelait comme ça et je dois dire que je ne suis pas super fan 😅 sans parler de l’esthétique ici qui ne me convainc pas. Du coup je vais passer pour ce titre mais merci pour la découverte !
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De rien, je comprends tout à fait.
A vrai dire de mon coté ce n’est vraiment pas quelque chose que j’apprécie, je trouve que ça dénature les œuvres de base en adaptant à un support qui n’est pas pensé pour. Maos comme je l’ai dit, dans le cas de cette histoire je dois bien admettre que j’ai passé un très bon moment, même si j’ai toujours quelques réserves sur l’esthétique (en gros, la même histoire dessinée par un mangaka, même avec un style impersonnel, aurait encore mieux passé).
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Oui je suis d’accord, c’est vraiment ce qui me fait freiner face à ce type de transfert support
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Moi qui cherchait justement des titres pour les bout’chou, c’est une bonne idée. Merci beaucoup 😀
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De rien, c’est le but de cette rubrique.
Et en plus c’est en un seul volume, ça encombrera pas les rayonnages (rayonnage brassée, papillon ou crawl !)
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Tu vendrais pas des étagères à manga à tous hasards ? Non parce qu’en plus de manquer d’idée, je manque de place >.<
PS : Pas mal, j'avoue que cette blague était inédite !
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On a le même soucis de place, a la med et à la maison 😅
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Malgré tes arguments sur la qualité d’animation qui se retrouve pas sur le papier (ce qui est vrai), j’ai jamais compris le réel intérêt d’un anime-comic. Si c’est pour découvrir le truc, regarde le. Déjà à l’époque du Dorothée Magazine je comprenais pas vraiment l’intérêt, mais bon on va dire que ça permettait de revoir quelques séquence d’épisodes (qui passait qu’une fois par semaine).
Mais aujourd’hui avec la VOD, les streamings et d’autres moyens de regarder ce qu’on veut quand on veut, ce format me parait encore plus obsolète…
Par contre ton billet me file une bonne piste pour un truc à mater avec ma filleule.
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J’ai aussi de sérieux doutes sur l’intérêt du format, en particulier quand il s’agit de transposer les films tels que DBS Broly, Oke Piece Stampede et MHA, alors que l’argument de ces films est justement la qualité d’animation qui permet de compenser des scénarios sans grand intérêt.
Dans le cas de Ronja, d’après les retours que j’ai lu, c’est plutôt la série qui est chiante à regarder, donc peut-être que ça passe mieux sous ce format.
Après dans un cas comme dans l’autre je pense que c’est vraiment quelque chose qui s’adresse aux enfants, qui ne se posent sûrement pas la question.
Je me souviens que quand j’étais enfant, ça me faisait un peu baver rien que parce que c’était entièrement en couleurs.
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