Je pense qu’on a tous connu ce que j’ai vécu avec Animal Kingdom, se trouver face à une série qui ne nous intéresse pas de prime abord, et un jour lire le premier tome comme ça, pour voir, et finalement être totalement conquis. C’en est même à un point où j’ai enchaîné les 14 tomes en une semaine environ, et bien que tout ne soit pas parfait, j’y ai trouvé une oeuvre qui a tellement de richesse et de cœur qu’elle n’a pu que me parler. Partons donc à la rencontre d’un shonen nekketsu pas comme les autres, qui gagne à être connu !
Resituons un peu la série
Animal Kingdom est un shonen nekketsu (mais pas que), prépublié de 2009 à 2013 dans le Bessatsu Shonen Magazine (qui publie notamment L’Attaque des Titans) de Kodansha. Il a d’ailleurs remporté le prix Kodansha 2013 du meilleur manga dans la catégorie enfant (on y reviendra sur cette catégorie…). La série a été acquise en 2014 par Ki-oon qui a publié l’intégralité des 14 tomes dans la collection Kids. Précisons que son auteur, Makoto Raiku, est assez peu connu chez nous, sauf pour cette série et Zatchbell, qu’il avait fait près de 10 ans plus tôt.
Tout ça laisse à penser que c’est plutôt un shonen orienté très jeunes lecteurs, ce qui a fait que je ne m’y suis pas spécialement intéressé dans un premier temps. Sauf que… Ce n’est pas du tout pour les tout petits ! Alors certes, à côté de L’Attaque des Titans publié dans le même magazine, ça reste mignon. Mais il n’empêche que je ne comprends vraiment pas cette classification car le manga est parfois très dur, aussi bien graphiquement que dans ce que ça raconte, et j’ai trouvé qu’il était au final bien plus violent et mature (deux mots qui ne sont pas synonymes, attention) que beaucoup, beaucoup de nekketsu.
Je tenais à préciser ceci, car si on y va en se disant que c’est quelque chose de mignon (bien aidé par certains designs d’animaux), on risque une cruelle déconvenue. De même, je ne recommande pas de le mettre dans les mains d’enfants trop jeunes. Ça dépendra de la sensibilité de chacun mais je le conseillerai à partir de 10 ans.
Ceci étant dit, voyons de quoi ça parle, car ça raconte des choses vraiment intéressantes.
Résumé rapide
Nous sommes dans un monde dans lequel ne se trouvent que des animaux. La chaîne alimentaire fonctionne à plein régime, les herbivores faisant au mieux pour éviter les carnivores et autres prédateurs. Dans cette nature pas toujours tendre, nous faisons la rencontre de Monoko, jeune raton laveur qui trouve un bébé humain abandonné (évidemment, elle ignore ce qu’est un humain). Elle décide de le garder et de l’adopter, car elle a perdu ses parents et voit dans cet enfant la possibilité de fonder une nouvelle famille.
Nous allons bien vite constater que ce bébé a un don bien particulier et unique en son genre : celui de communiquer avec l’ensemble des espèces vivantes. Ainsi, il va prendre conscience de tout ce qui se joue dans cette fameuse chaîne alimentaire, puisqu’il entendra les souffrances des animaux chassés et mangés, les joies que certains ressentent, les peurs, et toutes formes d’émotions que les différentes espèces ne peuvent pas comprendre, ne partageant pas le même langage. Ce jeune enfant, du nom de Taroza, va alors prendre conscience de la dureté de ce monde et souhaitera faire quelque chose pour changer ça.
Et Taroza étant le héros de l’histoire, il convient de revenir un peu sur lui, d’autant plus qu’il représente une des très grosses qualités du titre.
Taroza : un héros hypersensible
Comme je l’ai expliqué au début, Taroza est une sorte de Mowgli avec un petit côté Moïse du fait qu’il soit abandonné bébé dans un cours d’eau. Et tel un élu, il est porteur d’un pouvoir spécifique qui pourrait aider les différentes espèces à se comprendre. Car il semble être doté d’une forme de langage universel, et comprend ce que disent tous les animaux, quelle que soit leur espèce. Cela lui permet de communiquer et de devenir ami avec la plupart d’entre elles, tant qu’elles ne sont pas récalcitrantes à l’idée, et l’aide à créer des liens entre les différentes espèces. Mais cela s’accompagne d’un effet compliqué sur lui.
Comprendre les autres, c’est aussi comprendre leurs souffrances et leurs difficultés. Et dans un monde où la chaîne alimentaire fonctionne à plein régime et où les forts mangent les faibles, Taroza fait le constat terrible de toute la violence qui secoue ce monde, et prend une part de cette souffrance pour lui. En ça, j’y vois une métaphore de l’hypersensibilité. Et c’est surement ce qui rend le personnage si réussi et touchant à mes yeux.
Je pense par ailleurs que la notion d’hypersensibilité est finalement très fréquente avec les héros de shonen nekketsu. J’ai en effet le sentiment que c’est un trait de caractère très partagé par ces personnages, dans le sens où c’est souvent une empathie exacerbée qui les rend si bon. Que ce soit Izuku Midoriya et sa tendance à fondre en larmes, Sangoku qui malgré la colère finit toujours par tenter de pardonner son ennemi et l’épargner, ou encore Naruto et son attention à l’autre (l’hypersensibilité me semble d’ailleurs liée au « care » dans la réalité également, consciemment ou non). Et dans le cas de Taroza qui nous intéresse ici, l’auteur appuie vraiment beaucoup sur cet aspect, notamment avec cette notion de connexion émotionnelle aux animaux et la façon dont il arrive à comprendre leur langage à tous. Et cela contribue grandement à la tonalité émotionnelle du récit, mais aussi à son approche presque anthropologique, puisque Taroza va vouloir créer ce qu’on pourrait qualifier de civilisation…
Une approche quasi-anthropologique
En effet, Taroza étant capable de comprendre toutes les espèces et leurs souffrances, il va avoir pour rêve de créer un havre de paix où les animaux vivront tous en harmonie sans avoir besoin de se manger les uns les autres. Impossible dans ce cas de ne pas y voir un discours sur le végétarisme, d’autant plus que Taroza va partir en quête d’un fruit qui serait mangeable par toutes les espèces… basiquement, l’équivalent de la vitamine B12 chère aux végétariens et vegans.
Et ce rêve de créer ce fameux royaume pour les animaux permet aussi et surtout à l’auteur de développer ce que je qualifierai d’approche anthropologique, puisqu’il va poser la question de ce qui fait les fondements d’une civilisation. Car si l’humanité semble éteinte ou presque, Taroza va vouloir créer une civilisation de A à Z avec les animaux. On comprend donc que le préalable nécessaire à l’édification d’une civilisation est la compréhension mutuelle et une volonté commune d’avancer ensemble.
Cette thématique est d’autant plus intéressante car elle est le cœur de l’histoire, bien qu’elle se trouve un peu diluée par la suite, car le récit va aller vers plusieurs pistes intéressantes, de l’eugénisme à la parabole quasi religieuse (la Tour de Babel, mais pas que). De là découlera peut-être le défaut de la série selon moi : l’auteur est peut-être parfois gourmand et dans sa volonté de renouveler ses thématiques et son ambiance, va partir sur la fin dans une direction qui m’a moins plu. Car sur la fin, l’action reprend ses droits et est en grande partie orientée sur la bagarre et les antagonismes un peu plus binaires. Il n’empêche que le titre reste d’une sacré richesse pour une série somme toutes relativement courte (14 tomes).
En conclusion : une série qui aura su me surprendre et me passionner
Vous l’aurez donc compris, j’ai été énormément surpris en découvrant Animal Kingdom. Alors que je l’ai emprunté pour tuer le temps et par curiosité, j’ai eu la surprise de me retrouver face à un titre absolument passionnant, avec une teneur émotionnelle très forte, mais également une grande richesse et intelligence dans ses thématiques.
De ce fait, j’ai été surpris de constater que le titre a su rapidement me conquérir et son manque relatif de notoriété m’a d’autant plus étonné. J’ai quand même pu voir parfois quelques personnes en parler comme d’une série marquante, notamment lorsque je faisais des comptes rendus de ma lecture sur les réseaux sociaux. Mais je pense quand même que le titre mérite d’être découvert par un plus large public, car il a vraiment énormément à offrir. J’ai essayé de retranscrire au mieux la richesse du titre dans cet article, sans faire de révélation importante car il se passe beaucoup de choses en peu de tome au final.
Je pense que ce manque de notoriété du titre vient aussi du fait, comme je l’ai dit précédemment, qu’il soit vendu comme un manga pour enfants alors qu’il est un shonen étonnamment mature sur de nombreux points. Ainsi, j’espère avoir réussi à vous convaincre de donner sa chance à ce titre, qui a beaucoup à offrir et pourrait en surprendre plus d’un !
Je suis sidérée par ma lecture de ra chronique. En voyant la couverture j’ai de suite pensé à un manga jeunesse et je me suis dit mouais bof… Grossière erreur ! Je suis vraiment curieuse de lire ce titre à présent, merci pour cette découverte 🙂
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De rien, c’est le but du blogging 😉
J’insiste quand même sur le fait que le dernier acte est vraiment en mode bagarre bagarre et me plaît moins, mais sinon ça reste un titre passionnant avec de très belles idées et un personnage principal particulièrement réussi (et sa maman raton laveur aussi).
En fait moi aussi je me disais que ça faisait très manga jeunesse, bien aidé par les couvertures et le fait qu’il soit dans la collection Kids, alors que pas du tout.
Mais comme on les a à la médiathèque et que je suis curieux j’ai tenté, et j’ai bien fait car je sais que la série laissera une petite trace dans mon parcours de lecteur.
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Comme quoi parfois il faut se faire sa propre idée d’un contenu sans s’arrêter à la couverture mais bon.. C’est paradoxal vu que c’est notre premier contact avec une œuvre.
C’est quand même dommage ce ratage de classement car vu tout ce que tu en as dit je ne comprends vraiment pas comment ce titre a pu finir dans une collection pour les enfants 😅 on peut même pas dire à cause des animaux parce que j’ose pas imaginer Beastars alors 🤦♀️
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T’as cru que j’avais trop d’argent à dépenser ou quoi ? Bon, en vrai, on verra… Quand j’aurais plus de place aussi…
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Si ça peut te rassurer, le dernier tiers en mode bagarre quasi non stop est beaucoup moins intéressant que le reste donc au pire tu peux te dire que c’est pas parfait 😅
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