Space Brothers – Une aventure humaine

La phrase d’accroche « une aventure humaine » est on ne peut plus éculée, vous me le pardonnerez, mais je ne trouvais pas de meilleure formule concernant cet article. Car après celui du Premier contact avec Space Brothers, je souhaitais revenir encore une fois sur cette série, et ça ne sera pas la dernière.

Sauf que je ne voulais pas faire un article tome par tome, où je parle de volumes plus avancés, car ça exclut je pense une partie du lectorat, même si dans le cas de ces articles j’essaie toujours au maximum de trouver des moyens d’accrocher les non-lecteurs des séries concernées. Mais ici on parle d’un cas particulier, puisque Space Brothers est une révélation, un titre que je considère déjà comme un pur chef d’oeuvre qui va surement se hisser très haut dans mon panthéon personnel, alors que j’en suis à 25 tomes lus (sur les 32 actuellement disponibles en France).

Ainsi proposer des articles destinés au plus grand nombre afin de convaincre toujours plus de gens de se lancer dans cette série, qui est assez longue qui plus est, est un beau challenge en soi. Mais si j’écris, c’est pour me faire plaisir et me mettre à l’épreuve d’une certaine façon, je tiens donc à me fixer des petits défis, tout à fait humblement cependant.

Ici, j’ai donc réfléchi à un angle qui me permette d’aborder la série afin d’en tirer la substantifique moelle, son cœur émotionnel, sans trop en révéler afin de ne gâcher en rien le plaisir de la découverte. Et la solution m’est apparue tout naturellement en lisant le manga, puisque le véritable cœur du titre, plus que la conquête de l’espace et la science qui sont des toiles de fond, c’est l’être humain, et comment les Hommes avec un grand H se portent mutuellement pour aller au bout de leurs rêves. Et ça pour le coup, ça me parle, et ça devrait parler à tout le monde !

Restons Terre à Terre

Avant de commencer, il convient quand même de resituer un peu ce que raconte la série, même si je l’avais déjà fait dans mon premier article. Space Brothers, comme son nom l’indique, est un manga centré sur deux frères : a la ZidaneMutta Namba, l’aîné et personnage principal, qui au début du récit se fait licencier de son travail après avoir asséné un coup de boule à la Zidane à son patron, et Hibito, son petit frère qui est déjà membre d’un programme spatial, et sur le point d’aller sur la Lune.

Mutta et HibitoLa relation qui unit les deux frères est centrale dans le récit, puisque leur rêve est d’aller ensemble sur la Lune. Déjà là, l’idée de partage et d’aventure collective est présente. Mais le fait de se centrer sur deux frères permet surtout une béquille narrative efficace : Chûya Koyama peut ainsi en parallèle présenter les sélections et l’entrainement en vue de devenir astronaute avec Mutta, mais également nous donner un aperçu de l’exploration spatiale et de quelques moments intenses en lien avec Hibito. C’est plutôt bien vu puisque ainsi, on n’attend pas 30 tomes pour quitter le plancher des vaches.

Il me semble important de revenir sur les deux frères, qui sont très différents et de ce fait complémentaires. Alors que Mutta avait mis de côté ses rêves, Hibito, beaucoup plus la tête dans les nuages, a fait le nécessaire pour devenir astronaute. Nous avons régulièrement droit à des flash-back (une figure de style que le mangaka apprécie particulièrement) permettant de comprendre un peu mieux l’origine de cette passion. C’est notamment au gré des différents retours dans le temps qu’on fait la connaissance du Dr Sharon, une astronome qui les prend sous son aile. Je le précise car je l’ignorais moi-même, un astronome travaille dans le domaine de l’espace, mais n’a pas vocation à quitter la Terre. Leur job consiste plutôt à de l’ingénierie ou autre que les astronautes utiliseront.

Concernant le Dr Sharon, cette femme s’attache donc aux deux frères alors qu’ils sont enfant, et contribue à nourrir leur passion, étant elle-même astronome. Il semblerait qu’elle les comprend mieux que personne, mieux que leurs parents même (qui sont présents dans l’histoire et plutôt succulent dans leur genre), et plusieurs flashbacks viennent éclairer la relation des deux frères grâce à Sharon, ou même le rapport à l’autre telle que cette femme le conçoit. Je ne résiste d’ailleurs pas à l’envie de vous partager une réplique de toute beauté qu’elle a dans le tome 24 si ma mémoire est bonne : « D’après moi, que ce soit conscient ou non, les gens vivent pour se donner mutuellement le courage de mener leur existence. »
Je trouve cette réplique et l’idée qu’elle sous-tend de toute beauté, d’autant plus qu’elle est totalement en phase avec ce que transmet la série.

Pour revenir à Sharon, et sans trop m’attarder sur elle pour éviter les révélations, elle est à l’image du travail de l’auteur sur les personnages secondaires. On la voit ci et là, elle évolue au fil du récit en parallèle de nos personnages principaux, et si elle est en retrait, elle n’en reste pas moins déterminante pour Mutta et Hibito… ainsi que Serika !

Beaucoup de personnages, tous parfaitement exploités

Car oui, il n’y a pas que nos deux frères, ils sont accompagnés de toute une panoplie de personnages secondaires, souvent hauts en couleurs mais toujours avec un fort degré d’authenticité qui en fait de « vrais » personnages, crédibles dans leurs réactions, leurs émotions et leurs désirs.

Le cadre dans lequel se déroule le récit, avec ses examens de sélections suivis d’entrainement intensifs sont propices à deux choses : faire intervenir beaucoup de personnages, et créer des cadres dans lesquels des groupes se forment, qui viendront renforcer les liens entre eux. Ainsi, une dynamique se crée rapidement dans le récit, qui pourrait finir par paraître routinière si elle n’était pas parfaitement maîtrisée d’un point de vue narratif.

Mais si les deux frères sont clairement les personnages principaux du récit, ils sont loin d’être les seuls, et c’est là qu’on en arrive au cœur de cet article : toute une batterie de personnages secondaires vont et viennent dans le récit, nouent des liens avec nos héros, voient leur personnalité se développer pour mieux étoffer le récit et l’idée directrice (selon moi) de l’histoire, qui est que l’on ne peut avancer qu’en groupe.

Space Brothers

Ainsi, dès les phases de sélection, Mutta va faire la connaissance avec d’autres candidats, et devra faire équipe avec certains d’entre eux dans une autre phase. Cela permettra de créer des liens, de développer les différentes personnalités, et de créer un système vertueux de coopération et d’entraide. On le comprendra au fil des tomes, l’exploration spatiale ne peut se faire individuellement, et Chûya Koyama tient à donner de la voix à tous les corps de métiers qui contribuent à rendre ce rêve de l’homme possible, sans se borner uniquement aux astronautes.

C’est alors qu’on fait la rencontre de personnages hauts en couleurs comme je l’ai déjà dit, que ce soit Serika, la grosse mangeuse dont Mutta est secrètement amoureux, Kenji le père de famille, Pico l’ingénieur ayant un soucis avec l’alcool et tout un tas de personnages qui partagent tous la même caractéristique : ils ont chacun un élément qui les rend directement unique et identifiable, mais qui ne suffit pas à les caractériser en tant qu’individus. Car c’est au gré des différentes rencontres et des flash back que l’on apprend à les connaitre tous. Il n’y a pas un seul personnage secondaire qui n’ait pas droit à un développement intéressant à un moment ou à un autre. Je dois me retenir pour ne pas vous en dire plus sur Nitta par exemple, qui ne vous dira rien si vous ne lisez pas la série, mais qui est un personnage marquant, ou encore Carlo, que je trouvais très fade jusqu’à ce qu’on apprenne des choses le concernant. Bref, la technique du flash-back a beau être totalement éculée dans le manga, elle fonctionne ici à merveille et contribue à la profondeur de chacun.

De même, ceux qui quittent le récit, quelle qu’en soit la raison, sont susceptible de revenir d’une façon ou d’une autre, créant un système complexe de relations qui finalement est des plus crédibles et réalistes. Pour le dire simplement, non seulement il y a beaucoup de personnages, mais ils ont tous énormément de corps, ce qui les rend tout simplement attachants et vivants.

Et au-delà de l’attachement et des émotions que ces personnages véhiculent de par leurs histoires personnelles, il y a tout un message sous-jacent dont j’ai déjà parlé.

Créer du lien en vue de réaliser ses rêves ensemble

Le manga nous fait bien comprendre que pour intégrer un programme spatial, il est important de créer une vraie entente entre les individus. Que ce soit durant les longues phases d’entraînement avec répartition en équipe, ou dans les passages sur la lune avec Hibito, on comprend que c’est au contact des autres que les personnages avancent, et au-delà de tous les aspects techniques et organisationnels à apprendre, les années d’entraînement avant d’entreprendre le grand voyage sont aussi là pour resserrer les liens et créer une vraie dynamique entre les personnages.

SBEt cet aspect fonctionne très bien en terme de storytelling. L’idée récurrente étant que les personnages passent les obstacles en se reposant sur les autres, apprennent à les connaître de la sorte. Ils peuvent aussi se remémorer des instants de vie, et penser à des choses que des personnages proches leur ont apporté.

L’idée va à l’encontre totale du mythe du self made man, qui n’est qu’un mythe puisque personne au monde n’avance et se fait seul. Au contraire ici, on met en avant l’importance des liens et comment les autres nous font avancer, tout en intégrant ça de façon logique l’intrigue et aux enjeux du récit, puisqu’on comprend que l’exploration spatiale ne peut se faire seul, et se repose sur une confiance totale envers ses camarades.

Tous les moments importants, que ce soit les longues phases d’entraînement ou les missions spatiales se font en équipe. Cela permet de rencontrer beaucoup de personnage, au gré des entraînements, des épreuves de sélections ou du dispatching pour les différentes missions. Tout ceci crée évidemment une grande proximité entre les personnages qui vivent littéralement ensemble, et dans des lieux clos. Cet élément est donc celui qui permet aux personnages secondaires d’aller et venir au fil du récit, tissant un réseau relationnel complexe mais cohérent, dans lequel chacun évolue, fait sa vie et avance vers son rêve tout en contribuant à aider les autres à réaliser le leur. Et si on finit toujours par revenir vers Mutta (et Hibito à plus petite échelle), chaque personnage arrive à être vivant dans le récit pour lui-même. C’est en ça que réside un des tours de force de la série à mes yeux.

En conclusion

Ainsi, vous l’aurez compris, si Space Brothers a tous les atouts pour parler en particulier aux personnes passionnées par l’espace, je pense sincèrement que le titre arrive à toucher au cœur de ce qui fait l’être humain en tant qu’animal social et individu inclut à un ensemble.

Cet aspect est nécessaire compte tenu de l’importance du travail en équipe dans un cadre aussi spécifique et demandant une grande spécialisation, on le comprend rapidement. Mais je pense aussi que Chûya Koyama a particulièrement travaillé cet aspect pour faire passer une idée importante, et pour donner du corps à son récit et ses personnages.

Cela contribue à la grande valeur et à la réussite de la série, puisque c’est selon moi l’élément qui peut toucher à une certaine universalité et donner envie à des lecteurs et lectrices non intéressés par l’espace (comme c’est mon cas) de continuer la série. Car Space Brothers nous parle évidemment de conquête spatiale, mais il nous parle aussi et surtout de ce qui nous motive en tant qu’individus, et ce qui nous fait avancer au quotidien. En cela, le fait de se focaliser sur chaque personnage permet de voir qu’au-delà de nos vies et vécus respectifs qui sont tous différents, on a toujours des raisons qui nous poussent à faire corps et à avancer ensemble, car c’est finalement comme ça qu’on peut arriver à quelque chose.

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22 commentaires

  1. Sans doute l’un des meilleurs manga du moment, et qui pourtant n’est pas vraiment populaire. Perso j’adore même si je n’ai lu que peu de tomes, c’est vraiment un coup de cœur 😍

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      • J’essaie d’éviter oui, quand je vois l’année dernière le nombre de séries que j’ai pu essayer et avec lesquels ça a foiré je dois mieux sélectionner mes titres aujourd’hui même si ça fait plaisir à la bibliothèque de mon village qui récupère plein de titres du coup. XD

        Aimé par 1 personne

      • J’imagine pour la bibliothèque oui 😅

        En effet, on en a déjà parlé mais réussir à sélectionner ses titres, c’est super important, surtout pour ne pas être noyé dans la masse.
        De mon côté je suis d’ailleurs ravi d’avoir quelques séries courtes qui s’achèvent ces temps-ci. Il faudrait maintenant que j’arrive à stopper quelques titres qui me plaisent moins pour trouver un meilleur équilibre.

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  2. Très belle accroche qui effectivement prend tout son sens ici.
    Tu cernes à merveille les qualités humaines de la série et les probables raisons de ce choix par l’auteur.
    Je suis pour ma part totalement séduite à chaque fois qu’il décide de mettre en personnage en avant.
    J’ai tout de même une tendre toute particulière pour Sharon, ainsi que pour Eddy et Vince, mes chouchous dans les personnages secondaires avec des histoires magnifiques qui m’ont fait verser ma petite larme (en fait pas qu’une…)

    Aimé par 1 personne

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