Mon avis sur… Kingdom of Knowledge de Serina Oda

Kingdom of Knowledge

Parfois, on peut avoir un avis tout à fait positif sur un titre tout en ayant conscience de son manque d’originalité, tout comme on peut avoir apprécié son propos bien qu’il manque vraiment de finesse et qu’il soit archi revu… C’est un peu mon cas avec ce Kingdom of Knowledge. J’ai le sentiment que le titre n’a rien qui le fait vraiment briller, mais en même temps il est fait avec application et soin, et arrive à me parler si bien que je ne peux que le voir avec une certaine bienveillance.

Avant de commencer, je remercie Kana qui m’a fourni un exemplaire numérique du premier tome ainsi qu’un imprimé du second, ce qui me permet de vous proposer cet article.


Tome 1 : 

Fei et Hui sont des créatures de petite taille, aux oreilles pointues, possédant une grande intelligence. Leur peuple a la particularité d’être le seul capable de déchiffrer les écrits anciens retrouvés dans les ruines d’une civilisation perdue. Fei et Hui ont grandi reclus dans la bibliothèque, traduisant sans relâche ces précieux textes pour le compte de l’Empire, qui espère en faire une arme contre les attaques de monstres auxquelles il fait face. Car le savoir, c’est le pouvoir ! L’empire avait promis la liberté aux gnomes, une fois tous les textes traduits. Mais ce jour arrivé, la bibliothèque est incendiée et les petits traducteurs sont massacrés ! Car le pouvoir ne se partage pas ! Fei, l’unique survivant, s’engage alors sur le chemin de la vengeance ! Son objectif : détruire l’Empire en utilisant le savoir qu’il a acquis notamment en ingénieuses stratégies militaires !

Tout d’abord, sachez que Kingdom of Knowledge est une série terminée au Japon en 4 tomes, prépubliée dans le Young Jump et que l’on doit à Serina Oda dont c’est le premier titre. Nous sommes face à un titre de fantasy on ne peut plus classique, ce qui me donne envie de dire quelques mots sur ma vision du genre dans le manga.

La fantasy est un genre d’origine littéraire ultra important, qui a connu de très très nombreuses œuvres majeures. C’est un genre très orienté sur le « world building », c’est à dire la création d’univers, et il convient de développer ces derniers avec un soin maniaque, surtout depuis que Tolkien a posé des jalons ultra importants dans le domaine. C’est un genre que j’aime globalement, mais pour lequel je n’arrive à pleinement m’investir dans un nombre restreint d’univers. Le genre étant très important, il dépasse le cadre de la littérature puisqu’on le retrouve au cinéma, à la télé, en jeu vidéo et également en BD (et aussi en musique, la fantasy ayant eu un impact énorme sur certains genres musicaux).

Et en l’occurrence, le manga a aussi énormément investi la fantasy, et j’ai fini à force de jouer à des jeux japonais et lire des mangas dans le genre par constater que les japonais semblent beaucoup moins à cheval sur le world building, et préfèrent en général esquisser à gros traits leurs univers sans forcément les développer plus que ça. Il y a évidemment des exceptions, la plus notable à mes yeux étant Berserk, mais globalement, j’ai le sentiment que les univers de fantasy dans les mangas sont un peu interchangeables, car trop similaires et codifiés.

Bibliothèque

Et on est exactement dans ce cas de figure avec ce premier tome de Kingdom of Knowledge qui ressemble énormément à d’autres titres du genre. Je pense notamment à Magus of the Library, bien aidé par tout le discours autour de la connaissance et des livres. Car Fei, notre jeune héros, est un gnome et est capable de traduire des textes anciens, notamment ceux écrits en japonais. Il s’est pris de passion pour l’histoire de Nobunaga Oda, et suite au massacre des gnomes avec lesquels il vivait par l’Empire, il jure de se venger.

Il va rejoindre des humains vivant dans la misère à cause de l’Empire, et va se retrouver malmené par eux. Mais il gagnera leur confiance en les défendant d’une attaque de gobelins. C’est en effet uniquement grâce à ses connaissances historiques qu’il pourra sauver la mise. Le message est clair : la connaissance est une force, notamment celle de l’histoire, car elle offre des ressources transposables dans sa vie. Et si je souscris à l’idée et qu’elle est plutôt belle, c’est quand même très cliché. Et il y a fort à parier que tout le titre va tourner autour de cette idée directrice. On découvre d’ailleurs ensuite un royaume qui vit en totale opposition avec l’Empire, contribuant à une forme de manichéisme dans le récit.

Alors dit comme ça, le menu ne semble pas des plus ragoutants. Mais force est de reconnaître que c’est quand même très bien fait, et même si le récit est ultra balisé et que l’on devine facilement où on va, on se prend facilement au jeu. L’intrigue est racontée avec dynamisme, les choses vont vite sans sembler rusher ce qui est très bien pour un récit court en seulement 4 tomes. L’ambiance et l’esthétique passent vraiment bien, et de ce fait, on passe vraiment un très bon moment de lecture.

De ce fait, ce sera surtout en fonction de la sensibilité de chacun et chacune. Comme toujours, mais un peu plus que d’habitude encore je serai tenté de dire. Si vous en avez assez des univers de fantasy tous semblables dans les mangas, vous risquerez de ne adhérer à cette nouvelle proposition. Mais si au contraire, vous avez toujours plaisir à vous plonger dans ces univers familiers, vous devriez trouver votre compte avec ce premier tome qui reste très bien mené. Pour ma part, j’y ai trouvé mon compte et je continuerai avec plaisir cette courte série !


kingdom-of-knowledge

Tome 2 :

Fei, le seul rescapé du massacre de son peuple, se joint à Nagi et se dirige avec elle vers le grand royaume d’East Garden dans le but de trouver des alliés pour venger ses semblables. Une fois à destination, il va rencontrer le prince Marc. Mais qu’est-ce que cette rencontre va apporter au jeune Fei ?

On reprend dans la continuité des événements du tome précédent, in medias res serais-je tenté de dire. Inutile de resituer le titre, vous pouvez voir ce que j’ai dit du premier tome au-dessus pour ça. Nous sommes donc directement au cœur d’un coup d’état, dans lequel le gnome Fei va se retrouver mêler, et aura un rôle central dans le sauvetage du jeune prince.

RiouD’emblée un soucis se pose à moi. Si je me questionnais sur la tenue de l’histoire avec seulement 4 tomes, mes réserves se confirment ici et je pense sérieusement que la série a été interrompue prématurément, car après lecture de ce second volume qui permet d’arriver à la moitié de l’histoire, on constate que la mangaka a développé déjà trop d’éléments pour être décemment structurés en si peu de volumes. Elle nous présente divers royaumes, et des enjeux à long terme qui auront besoin de temps pour être résolus. Le jeune prince Marc doit reconquérir son royaume, et dans le même temps de nouveaux personnages aux objectifs divers sont introduits.

Sur ce point, j’ai donc des craintes qui me semblent légitimes quant à une réelle frustration qui pourrait survenir. C’est d’autant plus rageant que, malgré l’univers de fantasy générique de l’oeuvre dont j’ai déjà parlé, la mangaka sait poser une ambiance et rendre son récit prenant. Si tout semble partir sur des sentiers balisés, le concept des stratégies militaires historiques que Fei applique pour se sortir de situations désespérées fonctionne toujours aussi bien, et on apprécie la petite valeur ajoutée qu’offre la référence à de véritables seigneurs de guerre japonais.

Ainsi, si ce second volume se lit toujours avec plaisir, compensant les faiblesses de son univers par un vrai charme et un sens du rythme qui rend la lecture très agréable, l’anticipation d’une frustration à venir donne un goût un peu amer à tout cela et pose la question plus globale de la fin prématurée des séries. Il n’est pas impossible que je me trompe et que l’autrice ait simplement pensé à une intrigue plus resserrée, mais je pense vraiment que son histoire est faite pour se déployer sur le long terme. Mais le monde du manga ne manque pas de titres stoppés trop tôt, qui procurent quand même un certain plaisir de lecture dépassant le stade de la frustration. À voir simplement, une fois la série terminée, si le plaisir procuré est plus fort. Personnellement, le charme opère malgré les réserves soulignées, si bien que je continuerai la série jusqu’au bout, en espérant qu’elle s’achève de façon convenable malgré tout.


Tome 3 :

Afin de venger la mort de ses compagnons, Riou se dirige tout seul vers le repaire de leurs assassins. Il s’apprête à affronter une armée historique à la solde de l’Empire. Quelle est la véritable puissance des chars antiques du terrible Layarde !?
De son côté, Fei élabore un plan secret, puis vole à la rescousse de Riou…

Nous reprenons directement là où le volume précédent nous avait laissé, nous lançant en pleine bataille entre Riou seul et les assassins de l’Empire. Mais vous vous en doutez, il va rapidement être secouru par nos héros, qui vont encore réussir à compenser le faible nombre et leur manque de force par une stratégie aux petits oignons, inspirée encore une fois de ce que faisait un vrai seigneur de guerre japonais.

Cet aspect est toujours aussi intelligemment mis en scène, et est toujours l’élément qui donne une tonalité vraiment spécifique à cette histoire. Cependant, les craintes que j’avais au début se confirment encore davantage. Si le manque d’originalité de l’univers est gênant mais pas rédhibitoire, le fait par contre d’avoir une série si courte (qui s’achèvera à la fin du prochain tome) va vraiment être problématique. Car après la péripétie que nous avons eu, qui s’étend sur une grande partie du volume, nous avons une réunion entre les dirigeants de différentes nations, qui luttent contre l’Empire.

Or, cela fait quand même plusieurs personnages importants et des enjeux de taille qu’il sera absolument impossible de développer en un tome. De ce fait, à ce stade, c’est évident que le titre a été stoppé prématurément (ça le semblait déjà avant de toute façon), et je ne vois pas trop comment ça pourra se conclure de façon totalement satisfaisante. Je pense au contraire qu’on aura une fin ouverte avec sûrement les personnages rencontrés qui décideront de faire front commun, mais sans que l’on voit ce qui arrivera de la lutte contre l’Empire.

On verra donc ce qu’il en est avec le prochain et dernier tome. Je pense que la mangaka aura fort à faire pour terminer en relative douceur. Quoi qu’il en soit, le titre reste vraiment très soigné et me fait toujours passer un bon moment de lecture, ce qui est déjà un très bon point. Mais la question de la frustration se posera, et il faudra voir si elle n’est pas un frein.


Kingdom of knowledgeTome 4 :

Voici donc venu le moment d’aborder le dernier volume de Kingdom of Knowledge. Inutile de faire un suspense factice, puisque comme on pouvait s’en douter, cette conclusion n’en est pas vraiment une.

Ce dernier tome nous narre une grosse bataille qui aura pour conséquence d’entériner l’alliance que nos héros cherchaient à mettre en place contre l’empire. On sent bien que la mangaka, contrainte de conclure son récit ici, a donné un aspect paroxystique à tout ça, accordant son moment de gloire à chacun des personnages principaux. De même, elle reste sur son idée directrice de renvoi à des batailles historiques ayant réellement eu lieu, citant explicitement des généraux célèbres.

Ainsi, le tome fonctionne parfaitement, et sent bien la conclusion en terme de mécaniques dramatiques et de ton. Cependant, en terme de récit, ce n’est clairement pas satisfaisant, pour la simple et bonne raison que tout se conclut précipitamment, comme je l’avais prévu, par l’idée : « on a gagné cette bataille, mais la guerre ne fait que commencer ». Ainsi, Ces quatre volumes ne nous racontent clairement pas une histoire complète, mais un arc introductif… qui n’aura donc jamais de suite.

Cela met une fois de plus en perspective le difficile monde du manga, où les mangakas galèrent à se faire publier, et se retrouvent finalement rapidement mis sur la touche, avec l’impossibilité de mener à bien leur histoire. Et de notre côté, en tant que lecteurs et lectrices, la question de la satisfaction vis-à-vis du récit incomplet que l’on a se pose. Je pense que chacun ou chacune sera juge concernant ce titre, et tous les autres dans cette situation. Me concernant, si j’ai passé un très bon moment avec ces quatre volumes très bien troussés (malgré un univers de fantasy générique au possible, comme je l’ai déjà dit), le fait que le titre soit si court et l’histoire seulement introduite fait que je vais oublier cette série aussi rapidement que je l’aurai lu. C’est finalement dommage, car le potentiel était là, et la lecture était très agréable, mais c’est la loi du manga.

31 commentaires

  1. Tu as parfaitement cerné mon problème avec la Fantasy dans les mangas, c’est beaucoup trop léger et classique surtout quand on lit des romans de ce genre à côté et que ceux-ci sont de plus en plus diversifiés et complexes.
    Du coup, je pense passer mon tour avec ce titre.

    Aimé par 1 personne

  2. La comparaison avec Magus, j’ai failli m’étrangler ‘-‘ Okey on parle ici de l’importance des connaissances mais euh… C’est tout quoi et encore on en parle au début pour justifier ce qui arrive puis ça passe un peu à la trappe, en tout cas sur ce premier tome. Magus propose justement un world building extraordinaire dans son développement, c’est très soigné sur le fond comme sur la forme… Une référence du genre mais qui reste une exception parce que je te rejoins quand même sur ce que tu dis : souvent dans les mangas de fantasy, le world building est très classique et superficiel.

    J’aime

    • Hé bien tu vois, je trouve aussi que dans Magus le world building reste assez faiblard, dans le sens où à aucun moment je n’arrive à me représenter de monde vivant au-delà de l’histoire racontée. Du coup la comparaison ne m’a pas semblé tout à fait deconnante (sinon je ne l’aurais pas faite 😅).

      J’espère quand même que tu as réussi à te remettre de cette comparaison du coup.

      J’aime

      • De mon côté, j’ai le souvenir d’un univers où on nous présente quelques espèces et lieux comme ça, mais dans réel sentiment de liant et de vie. On nous montre quelques éléments périphériques « pour faire genre » vraiment comme dans tous les mangas de fantasy du style. Ce qui ne m’a pas dérangé, surtout que je me suis fait une raison. Le world building, c’est pas trop leur truc aux auteurs de manga visiblement, tant pis. Genre après 72 tomes de Naruto, je me pose encore pas mal de questions sur cet univers quasi médiéval avec pourtant des télés, des radios et autres…

        Aimé par 1 personne

      • Je n’en ai pas le même souvenir mais comme je lis les tomes à leur sortie, ça commence à remonter 🙂 Pour Naruto j’ai jamais trop compris non plus ce mélange moderne et ancien, je crois qu’il ne faut pas chercher ^^’

        Aimé par 1 personne

      • Oui,et ça c’est aussi un élément que je trouve récurrent dans les univers de fiction japonais, j’ai le sentiment qu’ils mélangent les influences sans se poser trop de questions plus dans un soucis stylistique et d’ambiance que réellement de world building. Parce que dans les RPG c’est un peu pareil au final.

        Aimé par 1 personne

      • Oui, je pense vraiment compte tenu de la façon dont sont construits ces univers.
        C’est quand même les seuls qui n’ont aucun soucis à mettre à 30 mètres d’intervalle des lacs, des déserts et des montagnes enneigées 😅
        Je pense vraiment que ça doit venir d’éléments culturels et d’une histoire se la fiction différente de la nôtre. Le genre de chose sur lequel j’aimerai me pencher si j’avais le temps !

        Aimé par 1 personne

      • Apres je pense que le jeu vidéo a encore des spécificités qui lui sont propre au niveau narratif et construction d’univers. Le but étant de varier les décors mais qu’ils soient tous accessibles à pied notamment, ça fait des constructions de monde qui n’ont pas de sens. Mais bon, The Witcher 3 a bien réussi à pallier à ce problème, donc c’est peut-être aussi la preuve d’un feeling très different entre japonais et occidentaux.

        Aimé par 1 personne

  3. Malgré tes bémols qui ne sont pas pour moi rédhibitoires, je suis plutôt tentée par le titre et cette idée que les connaissances sont une force. Mais c’est vrai qu’en fonction de la manière dont cela est amené, on peut vite tomber dans pire que le cliché : la mièvrerie…

    Aimé par 1 personne

    • Ce n’est pas mièvre avec ce premier tome. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est super adulte mais il y a un peu de dureté et le ton reste assez sérieux. Sur ce point, tu peux être rassurée. Après c’est vraiment le classicisme du titre qui peut poser problème.

      Aimé par 1 personne

      • Merci de tes précisions parce que j’avoue que la mièvrerie, ça bloque avec moi.
        Quant au côté classique, ayant une culture manga assez faible, ce n’est pas un problème qui, pour le moment, m’affecte… Mais je trouve important que tu le mentionnes pour des lecteurs plus avertis que moi et qui aimeraient de l’originalité…

        Aimé par 1 personne

  4. Le dessin a l’air plutôt agréable à l’oeil.
    C’est le genre d’oeuvres qui ne sont pas mémorables pour trois sous mais qui font passer un bon moment plutôt facilement. Je trouve ça assez intéressant à analyser.
    Et surtout, je pense que c’est important de se faire ses marques dans sa première œuvre et ça doit bien fonctionner comme ça.

    Aimé par 2 personnes

  5. Merci pour ton article qui met bien lumière les points positifs et négatifs de la série! Quand dès le deuxième tome tu te poses des questions sur l’interruption de la série ça sent la frustration à plein nez !

    Aimé par 1 personne

      • Vraiment ce système éditorial laisse vraiment une place ridicule aux mangakas…. T’as une idée elle est cool tu viens chez nous pour la dessiner ?
        Bon désolé mais en fait c’est nul donc tu prends tes clic et tes clac et ciao !
        Ça fait mal au cœur…

        Aimé par 2 personnes

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.