Mieruko-Chan T.1 – Quand l’horreur sert de métaphore

Mieruko Chan

Le genre horrifique en fiction est souvent utilisé pour mettre en avant des éléments problématiques de nos sociétés. Il fonctionne comme un miroir déformé, usant de figures métaphoriques pour pointer du doigts des choses qui ne vont pas. Et alors que je m’attendais à quelque chose de très classique avec Mieruko-Chan, je me suis finalement retrouvé face à un manga qui a déjoué mes attentes, et a proposé une métaphore des plus pertinentes… Une métaphore de quoi vous demandez-vous ? C’est ce que nous allons voir !


Je remercie au passage les éditions Ototo pour l’envoi de ce premier tome, que vous pouvez retrouver à un tarif préférentiel de 6.99 € au lieu des 7.99 € habituels. Sachez également que le titre est le premier de l’éditeur à avoir droit à une sortie en numérique, le 23 octobre, tout comme pour la version physique. N’hésitez pas à aller faire un tour sur le site de l’éditeur pour plus d’informations sur le titre. Enfin, précisons que la série compte actuellement 4 tomes parus au Japon et est toujours en cours.


Un jour, Miko découvre qu’existent en ce monde de nombreux êtres difformes et étranges qu’elle semble être la seule à apercevoir. Elle qui n’est par ailleurs qu’une jeune fille ordinaire prend alors son courage à deux mains pour accomplir l’impossible : faire comme si elle ne les voyait pas. Entre horreur et comédie, découvrez le quotidien terrifiant et pourtant si attachant de Miko !

Nous commençons l’histoire avec Miko, qui voit ce qui semblent être des fantômes, et qu’elle est la seule à voir par ailleurs. Elle a pris l’habitude de les ignorer, mais ces visions pèsent énormément sur son moral, puisqu’ils la font vivre dans un stress permanent, créant un décalage avec les autres personnes qu’elle côtoie. Un postulat classique et tout bête, mais d’emblée quelque chose m’a sauté aux yeux.

Sous la couetteDès les premières pages, Miko attend le bus seule, sous la pluie, ses habits sont trempés. Une fois rentrée chez elle, on la voit en pyjama et on a droit à quelques gros plans sur ses fesses, jusqu’à la voir se coucher avec un fantôme sous sa couette. Pourquoi je précise tout ceci ? Car j’ai tout de suite eu l’impression qu’on avait parfois le point de vue des fantômes, qui ressemble un peu au point de vue d’un voyeur. Et je me suis dit d’emblée que ce n’était pas anodin.Culotte

Et mon intuition fut la bonne, puisque plus on avance dans le récit, plus il semble évident que les fantômes sont en réalité la métaphore des effets du harcèlement sur une jeune fille. J’entends par là que Miko vit dans la crainte constante, avec en permanence ces figures qu’elle doit ignorer mais qui la terrifient. Je ne pense pas que ce soit de la sur-interprétation, car il y a vraiment beaucoup de passages où on voit des bras sortir pour tripoter la poitrine de l’amie de Miko ou d’autres personnages féminins (qui ne se rendent compte de rien, seule Miko voit ça). De même, on voit plusieurs figures masculines d’apparence bien sous tout rapports qui semblent finalement plus troubles que ce qu’elles paraissent.

Et plusieurs éléments que l’on sait problématique dans la réalité sont ici mis en avant. Je pense notamment au harcèlement dans les transports, représenté ici par la présence de fantômes qui n’arrêtent pas de parler derrière l’épaule de Miko, ou encore un homme qui va l’aborder, croyant qu’elle lui avait lancé un regard invitant à un échange (alors qu’elle regardait en réalité un fantôme). Ou encore, marcher dans une ruelle étroite, qui devient source d’angoisse de peur de croiser un esprit.

Tout ceci contribue à rendre l’ambiance angoissante, quand bien même aucun fantôme n’a réellement fait quoi que ce soit à Miko. Mais cela n’empêche qu’ils l’effraient (et c’est légitime, car leur apparence fait peur), et qu’ils lui font vivre dans une peur constante. Et en cela, j’ai le sentiment que c’est une façon de représenter la peur des femmes japonaises (mais pas que), face au harcèlement dramatiquement banalisé, qui peut survenir n’importe quand et qui les fait vivre dans une angoisse perpétuelle. C’est en tout cas comme ça que j’ai interprété les choses, et je trouve qu’il y a suffisamment d’éléments pour affirmer que ce n’est pas un délire de ma part.

Et cet aspect contribue grandement à rendre ce titre passionnant, même s’il a d’autres atouts. Notamment la dualité entre Miko et sa meilleure amie, très joyeuse et mignonne, ou encore quelques éléments disséminés ça et là dans le récit… En particulier dans les toutes dernières pages, qui viennent considérablement étoffer l’intrigue tout en apportant un gros questionnement pour la suite des événements.

Ainsi, entre son discours particulièrement bien senti sur la question du harcèlement au Japon, son développement d’intrigue très bien mené, son ambiance travaillée et le questionnement apporté par la fin du tome, on peut clairement dire que Mieruko-Chan s’offre une entrée en matière de qualité, qui rend très curieux quand à la suite des événements. On se retrouvera donc avec plaisir le 4 décembre pour voir vers où l’auteur souhaite nous amener !

20 commentaires

    • Plus effroyable je ne sais pas, surtout que le titre arrive à garder parfois un ton léger, mais c’est clair que ça fonctionne très bien ici, et je range du coup clairement ce titre dans les réussites sur la thématique. J’ai hâte de voir comment tour ça sera traité par la suite, surtout que la fin du tome vient un peu redistribuer les cartes !

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  1. Le pire, c’est que Mieruko ne pourra convaincre personne au sujet de ces manifestations. Alors qu’elle sait ce qui ce passe.

    Voilà le genre de situation avec ce que j’aime appeler « l’effet David Vincent ».

    Aimé par 1 personne

  2. Waouh, ça a l’air vraiment passionnant de ton point de vue, d’après ton analyse.
    Ça peut être super intéressant de traiter de harcèlement mais en utilisant l’horreur pour ça.
    Je me demande jusqu’où ça peut aller.

    Aimé par 1 personne

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