Nous voici enfin arrivés à la conclusion de l’épopée d’Origin, le robot qui souhaitait mener une vie convenable dans un monde qui est loin de l’être. J’attendais avec impatience ce dernier tome, étant devenu rapidement très fan du manga de Boichi, qui traitait avec talent et intelligence de thématiques chères à la science-fiction cyberpunk, tout en y apposant sa propre patte, aussi bien d’un point de vue esthétique que dans l’écriture. Et comme il s’agit du dernier baroud d’honneur de la série, je vais vous proposer un article plus dense que pour les tomes précédents, et qui surtout s’adresse à tout le monde.
En effet, l’article sera divisé en plusieurs parties afin de proposer un contenu adapté aux différents profils de lecteurs et lectrices qui passeraient ici. J’entends par là que je souhaite m’adresser à la fois aux personnes qui n’ont pas lu le titre et à celles qui au contraire, ont déjà tout lu. De ce fait, j’aborderai dans un premier temps la série dans sa globalité, sans le moindre spoil, simplement pour revenir sur ce qui a fait pour moi la qualité du titre sur la durée. Une seconde partie me permettra d’aborder ce dixième et dernier tome, sans révélations importantes encore une fois, mais en partant du principe que vous connaissez le déroulement des tomes précédents, et enfin, je ferai une partie full spoil, où je donnerai un avis plus poussé sur la conclusion du titre, en bon maniaque des fins d’histoires.
C’est donc partie pour un retour sans spoilers sur la série dans sa globalité.
Avis global sur la série (sans spoil)
Commençons par resituer un peu l’intrigue de la série : En 2048, Tokyo est une ville ultra technologique mais également en proie à une forte criminalité, avec notamment des meurtres mystérieux, qui s’avèrent être perpétrés par des androïdes. Un de leurs représentants, Origin, va lutter contre cette menace afin de protéger l’humanité, car son objectif est de « mener une vie convenable », le dernier souhait qu’a formulé son créateur avant de mourir. Et pour le robot, protéger les vies humaines participe de cette vie convenable. Il va donc traquer ses « frères », chose qu’il n’aurait pas fait s’ils étaient restés sage, et ce faisant, va évoluer de façon permanente, jusqu’à peut-être développer une forme de conscience.
Nous sommes donc face à un récit d’action, mais pas que. Boichi a pris grand soin de développer son univers et son intrigue afin que les séquences de combat ne prennent pas le dessus sur la narration, proposant un équilibre quasi constant dans les différentes strates de son récit. Je dis bien « quasi » constant, car on a quand même en milieu de série une séquence d’action qui s’étend sur environ deux tomes, mettant en pause le développement de l’intrigue, qui représente de ce fait le petit ventre mou de la série.
Mais en dehors de ce passage moins passionnant, l’auteur arrive avec bonheur à concilier récit d’action cyberpunk et développement d’univers, avec une belle louche de réflexions métaphysiques propres au genre. Ces réflexions passant par l’entremise d’Origin, ce robot amené à évoluer afin d’atteindre un autre niveau de conscience.
Origin est d’ailleurs la principale qualité du titre selon moi. Non seulement Boichi arrive à faire de ce robot un personnage très charismatique rien que par son apparence qui en jette pas mal, mais en plus, son développement est le cœur du récit, aussi bien thématique qu’émotionnel. On se plaît donc à le voir s’upgrader à intervalles réguliers afin d’être en mesure d’affronter ses frères, tout comme on apprécie les moments de vie quotidienne où il est rappelé par les bassesses de la vie de tout un chacun, entre les factures à payer et le besoin de s’alimenter (même s’il ne mange évidemment pas la même chose que nous).
Et autour de lui, tout un univers est développé, Boichi ayant particulièrement travaillé cet aspect également. Un élément fondamental à la réussite d’une oeuvre de science-fiction étant la crédibilité de son monde, l’auteur décrit avec un soin constant les éléments technologiques en place, afin de les rendre toujours crédibles. Que ce soit dans le fonctionnement d’Origin, ses armes et tout ce qui lui permet d’être opérationnel en combat ou dans le contexte technologique et industriel développé, l’écriture précise et dense de l’auteur fait que l’on y croit.
Et en plus de son univers et de son personnage principal parfaitement dépeints, Boichi amène dans quasiment chaque volume des petites idées qui sont autant de pistes de réflexion, qu’il ne creuse pas forcément (peut-être par manque de temps, mais aussi pour ne pas alourdir le récit) pour laisser aux lecteurs et lectrices la possibilité d’eux-mêmes réfléchir sur ces éléments. Je pense notamment à la réflexion proposée sur la possibilité pour une IA de publier un manga, très pertinente à l’heure où une nouvelle série publiée par une IA imitant Tezuka arrive dans la réalité.
Pour finir sur un menu déjà très copieux, l’auteur nous gratifie de personnages secondaires très intéressants, en particulier les femmes, qui sont bien plus mises en avant que les hommes (Boichi reste Boichi, et même s’il est resté relativement sage, on aura droit à quelques poitrines et culottes intempestives). Je pense surtout à Mai Hirose, spécialiste de la communication chez les robots, et Laura Fermi, la supérieure d’Origin, deux personnages centraux à l’intrigue qui auront des développements vraiment pertinents.
Et vous vous en doutez, qui dit histoire de robot dit réflexion sur l’humanité au sens large, et sur ce qui fait de nous des hommes. Sur ce point, il faudrait un article entier dédié au personnage d’Origin (promis, si je trouve le temps de relire la série, je m’y atèle), mais ce qui est certain, c’est que Boichi a travaillé consciencieusement sa thématique, citant énormément de références pointues dans le domaine de la SF cyberpunk dans les bonus des tomes. Et il apporte donc sa pierre à un grand édifice fictionnel autour de la question, en proposant des pistes de réflexion intéressantes sans oublier l’impact émotionnel que peut avoir une telle thématique.
Le summum de la série étant selon moi atteint dans le tome 8, clairement le meilleur à mes yeux. Il est le point de bascule du récit avant le grand final, mais surtout le climax émotionnel qui amène Origin à la fin de son parcours en tant que personnage… Mais je n’en dévoilerai rien ici !
Quoi qu’il en soit, Boichi aura su tout au long de ses 10 tomes habilement développer son univers et ses personnages tout en proposant un récit d’action fun, riche en planches somptueuses et en réflexions passionnantes, tout en développant un personnage principal réellement marquant. Et pour toutes ces raisons, cette série vaut clairement le coup d’œil… malgré un final un peu faible.
Un dernier tome convenable
Je cherchais un mot pour qualifier ce dixième et dernier tome, et le seul qui me soit venu est « convenable ». Non pas qu’il soit mauvais, on retrouve les qualités que j’ai souligné précédemment, mais malheureusement il ne représente pas pour moi le climax ultime de la série qui m’aurait mis sur le séant… comme le tome 8 l’avait fait.
Car je dois avouer que, quelle que soit l’œuvre, je ressens toujours un petit goût d’inachevé quand la fin n’est pas aussi grandiose qu’un des passages précédents du titre en question. Il n’en reste pas moins que cette fin clôture intelligemment la série, avec un dernier tome encore une fois riche en action, mais proposant encore de belles pistes de réflexion et une petite pointe d’émotion.
Mais force est de constater que ça s’achève un peu trop rapidement pour moi, que ce soit la fin en elle-même et le tout petit épilogue que propose Boichi pour conclure. L’idée est belle, mais aurait mérité un développement sur davantage de chapitres, pour conclure en beauté. Car je l’avoue, j’aime les fins qui prennent leur temps pour vraiment marquer une conclusion définitive, et nous ramener à notre réalité en douceur (ou brutalement, pourquoi pas, mais d’une façon qui marque si possible). Ici, la fin est intéressante mais trop rapide à mes yeux, et manque de ce fait d’émotions.
Mais, je l’ai déjà dit et je pense le dire encore à de nombreuses reprises, il est particulièrement difficile de conclure une histoire, d’autant plus que tout le monde a une idée de la façon dont on voudrait que telle ou telle histoire s’achève. Je n’en tiens donc pas vraiment rigueur à Boichi, mais la petite pointe de trop peu que j’ai ressenti doit quand même être soulignée.
Quoi qu’il en soit, cette conclusion est loin d’être mauvaise en elle-même, et ce dernier tome réserve encore une fois son lot de planches somptueuses, de réflexions intéressantes, et permet de quitter un personnage qui aura su me marquer, et c’est déjà très bien ! Voyons maintenant plus en détails de quoi il en retourne avec cette fameuse fin.
Qu’est ce que Boichi a voulu nous dire ?
Attention, on arrive ici en zone full-spoil ! Et je dois d’avance m’excuser pour ce titre de sous partie, puisque dans les faits, je ne suis pas dans la tête de Boichi et je ne peux donc pas m’avancer concernant ce qu’il a voulu faire passer comme message. Cependant, je peux proposer mon interprétation sur la question, qui vaut ce qu’elle vaut.
Ce dernier tome se conclut donc avec la victoire d’Origin sur tous ses frères, y compris le fameux Masamune, qui lui était finalement inférieur. On comprend qu’Origin a atteint ce qui semble être un stade ultime pour un robot car il a fini par ressentir de l’amour pour un être humain, et la souffrance qui en serait sa corollaire. Car dans les deux précédents tomes, l’accent est mis sur une notion fondamentale, qui est que les sentiments sont finalement source de souffrance, notamment du fait qu’on vive dans un monde horrible. Je trouve cette idée intéressante et surtout magnifiquement mise en scène par Boichi, atteignant son point culminant avec la mort de Mai Hirose dans le tome 8, de très loin la plus belle scène de la série pour moi.
De ce fait, Origin devient le dernier androïde construit par son père en vie (même si pas tout à fait…), et il va pouvoir s’atteler à remplir son objectif de « mener une vie convenable », sachant qu’un des grands questionnements de la série est de savoir ce que cette notion signifie. La réponse que trouve Origin est de veiller sur les vies humaines afin de les préserver, notamment en gardant un œil sur les agissements de l’AEE qui est responsable de la mort de son père. L’idée est belle, car les enjeux personnels rejoignent quelque chose de plus grand, tout en gardant dans l’esprit la tonalité émotionnelle apportée par la relation entre Origin et son père (régulièrement mise en avant par le biais de flash-backs dans la série).
Mais plus qu’un protecteur de l’humanité, Origin semble au final devenir une forme de divinité, puisqu’on comprend qu’il est arrivé à une forme de transcendance, voyant le monde dans sa globalité et ressentant chaque forme de vie et chaque chose qui se passe sur Terre, ce qui lui permet de veiller sur tout le monde et sur la bonne évolution de l’humanité. L’épilogue nous amenant plusieurs centaines d’années plus tard, avec Origin arrivé à la fin de sa mission, des vaisseaux de l’AEE partant vers l’espace (semble-t-il). Une fin qui semble ouvrir vers autre chose, pas forcément une nouvelle série (encore que pourquoi pas, voir du Boichi dans l’espace, je signe direct), mais plutôt une idée, libre d’interprétation, évidemment.
Ainsi, si la fin d’Origin est un peu courte et abrupte, comme trop souvent dans les fins de mangas (pourquoi ne clôturer que sur un seul chapitre bon sang ?), elle n’en reste pas moins très pertinente et riche de sens, à l’image de la série dans sa globalité, qui s’impose à mes yeux comme un petit chef d’œuvre dans la carrière de Boichi. Et si Sun-Ken Rock sembler rester son magnum opus, il n’est pas interdit de voir Origin comme une extension d’une grande oeuvre globale, un nouveau chapitre vers quelque chose d’encore plus grand. C’est en tout cas l’impression que me donne cette série et l’œuvre de Boichi en général, définitivement un auteur au sens noble. Vous l’aurez donc compris, Origin est un manga qui vaut le coup d’être lu et relu pour en saisir toute la force. Il n’est pas impossible qu’on en reparle sur le blog dans quelques temps !
Apprenti en force aujourd’hui !
J’aime bien le découpage en 3 parties de cet article (le mien ne ressemblant pas à ça du tout).
Le combat contre Gon est également le ventre mou de la série pour moi. On en a déjà parlé mais min préféré reste le 7 et non le 8 comme toi. Par contre, là où ça m’arrange, c’est que j’avais déjà trouvé le tome 9 trop rapide donc le rythme de ce dernier volume m’a bien plus convaincu.
Je ne sais pas si Boichi veut nous amener plus loin avec cette œuvre après mais elle est ma préférée pour l’instant avant de découvrir la deuxième moitié de Sun-ken rock.
Maintenant, je vais manger et je fonce vers mon épreuve de finances !
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Courage à toi !
J’ai le sentiment, comme il a raccroché Origin à Sun-Ken Rock, qu’il pourrait tout à fait faire une nouvelle série connectée en terme d’univers tout en étant autonome dans son récit. Et sur ce point, me fait de voir des vaisseaux décoller pourrait laisser augurer d’un projet dans lespace pour Boichi, ce qui me plairait bien.
Mais ce n’est que pure spéculation.
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Il y a aussi le message sur la préface qui me perturbe avec la phrase « c’est ainsi que s’achève l’une des quatre parties que j’avais conçues pour la série Origin. »
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Ouais, je pense que ça signifie qu’il avait imaginé un très gros truc pour Origin. Je n’en ai pas parlé mais j’ai vraiment le sentiment que l’univers était fait pour se développer sur plus de 10 tomes.
Et il n’est pas impossible que ce dernier tome ne soit pas la partie finale.
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Ça me laisse tellement un goût de trop peu ce tome 10. 😔
En tout cas, bravo pour cet article. 😁
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Merci beaucoup à toi.
Effectivement, moi aussi j’ai un goût de trop peu. L’habitude des mangakas a faire juste un chapitre d’épilogue est vraiment coulante je trouve. Beaucoup d’histoires méritent une conclusion qui prend davantage de temps.
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C’est récurrent mais peut-être que ça reste typique de là-bas… J’ai le même ressenti face à certains animes.
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Encore un super article qui ne fait que confirmer mon engouement pour commencer la série 🙂 J’étais tellement pris dans ma lecture que j’ai lu la partie « spoil », j’aime bien me spoiler moi-même donc, ça ne m’a pas posé de soucis 😀
J’ai bien aimé le fait que tu découpes l’article en 3 parties. Une fois que j’aurai les tomes en ma possession et tout lu, j’en ferai peut être un article. Je reviendrai vers toi donner mon avis 😀
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Ah, j’ai quand même mis un enormous soin du tome 8 qu’on ne voit pas venir, mais tu pourra me dire justement comment tu as vécu ça en connaissance de cause !
En tout cas ce sera avec plaisir qu’on reparlera de la série quand tu t’y sera mis, pour moi c’est un incontournable du genre !
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