Mon avis sur… Sun-Ken Rock Deluxe T.5 de Boichi

Sun-Ken Rock

Je ne sais pas pour vous, mais quand je me lance dans une grosse série, et à plus forte raison si elle est déjà terminée, j’aime voir les avis sur la globalité du manga, afin de voir quels sont les moments forts et au contraire, ceux qui déplaisent. C’est ainsi que je savais qu’on arrivait avec ce nouveau volume de Sun-Ken Rock, qui correspond aux tomes 9 et 10, à un arc très peu apprécié car passant dans le registre érotique à 100% (allez, on va dire 90%). Si vous avez lu mes avis sur les précédents volumes, vous aurez constaté que la forte tendance qu’a Boichi à dessiner des femmes désapées sans raison m’a parfois posé problème, mais je vais être parfaitement honnête d’emblée, j’ai trouvé ce volume passionnant malgré la présence de séquences vraiment hard ! Voyons donc pourquoi ensemble.

Devenu boss d’un puissant gang coréen, Ken n’est pas sans états d’âme pour autant. Fatigué de cacher son statut à Yumin, la femme qu’il aime, de peur qu’elle ne le rejette, Ken décide de démissionner ! C’est alors qu’il rencontre une méga star de la chanson, qui lui propose de devenir son road manager.
Enfin un travail de tout repos et bien payé pour Ken… C’est ce qu’il croit. Les dérives du show business ont parfois un parfum mafieux !

Je préfère le préciser d’emblée, mais ma politesse légendaire risque d’être mise à mal dans cet article, car je me vois difficilement parler de la teneur de ce volume sans user d’un champ lexical un peu fleuri en lien avec la sexualité. De ce fait, il vaudrait mieux éloigner les enfants et les esprits les plus chastes, car pour le dire simplement, ce tome parlant de cul à tous les étages, je serai bien obligé d’évoquer la question !

Ken en a donc marre ici de son statut de boss mafieux qui l’oblige à mentir à Yumin. Mais la possibilité de devenir Road Manager d’une chanteuse pour un salaire proche de celui qu’il touche est l’occasion de changer de voie. Ce naïf n’a d’ailleurs pas conscience que ce métier est finalement bien plus problématique pour sa dulcinée qui voit d’un mauvais œil le fait qu’il soit entouré de starlettes magnifiques. Toujours est-il que notre héros se retrouve donc dans le milieu du show biz, présenté d’une façon peu reluisante. Boichi explique avoir fréquenté un peu ce milieu et avoir exagéré le trait, mais je pense qu’il y a quand même beaucoup de réalisme dans le traitement infligé aux femmes, et aux abus présentés. De plus, le mouvement Me too et les très très nombreux scandales révélés récemment, en particulier dans le monde du cinéma, font que je ne doute pas du fait que les abus de position dominante vis-à-vis de jeunes femmes rêvant d’une carrière soient légion.

Et cela permet de mettre en avant le premier gros point positif de ce volume : Boichi traite d’un thème important et dur, de façon certes assez trash et explicite, mais néanmoins très intelligente. Il reste sur l’idée directrice de la série, à savoir comparer l’organisation des différentes strates de la société à l’organisation mafieuse. Après l’État et le fonctionnement du monde du jeu, c’est ici le showbiz qui se voit apposer ce traitement, permettant de mettre en avant des figures d’antagonistes détestables qui ne sont pas sans évoquer des hommes de pouvoir dont on a pu entendre parler récemment.

De cet élément thématique très pertinent et finalement en phase avec l’ambiance générale de la série découle cependant un élément qui peut tout à fait être critiqué, en fonction de comment on se positionne et de notre sensibilité personnelle : Boichi montre les choses pour les traiter, et de ce fait, il se retrouve (et nous met) dans une position délicate, multipliant les séquences de cul totalement explicites et la nudité parfois (souvent ?) gratuite. Une façon d’avoir le beurre et l’argent du beurre, en dénonçant des pratiques tout en tombant à pieds joints dedans. Moi-même, je suis souvent très attentif sur la façon de mettre en scène et de montrer des choses que l’on souhaite dénoncer. ici, c’est lié à la sexualité (surtout au harcèlement, à l’abus de position dominante et au sexisme), dans d’autres œuvres, cela peut être l’ultra-violence qui est montrée de façon ultra-violente justement. Je pense que les artistes ont une responsabilité dans la façon de représenter les choses, et de ce fait, ils doivent bien réfléchir à la façon de les montrer. Je pense que globalement, lorsqu’il s’agit de sujets « touchy », ils réfléchissent de toute façon à la façon de les mettre en scène, pour éviter les mauvaises interprétations et autre.

Dans le cas qui nous intéresse ici, c’est très ambigu par moments, je dois bien l’avouer. L’ambiguïté découle déjà des réactions de Ken selon moi. Il se retrouve par exemple caché avec une femme quasiment nue, collé à elle de très près, et dans le même temps ils assistent à un rapport sexuel entre un homme de pouvoir et une jeune starlette. La mise en scène montre bien que cela est traité comme quelque chose de très malsain et négatif, mais le problème vient du fait que cela file une érection à Ken, la traitant ainsi sur un mode excitant. Et plusieurs autres séquences ont droit à un traitement ambigu du même genre. C’est pour cela que je parle du fait de vouloir le beurre et l’argent du beurre : Boichi semble vouloir dénoncer des pratiques, mais dans le même temps érotiser à outrance ses séquences pour les rendre « plaisantes ». Dans mon cas, je trouve qu’au contraire, cela ajoute au côté malsain de ces séquences. À voir donc comment vous ressentez la chose, mais cela me semblait important d’en parler, d’autant plus que le sujet de la représentation des choses « trash » est vraiment très intéressant, et je pense que Boichi se questionne beaucoup à ce sujet, quand bien même son style est ultra rentre dedans.

Et au-delà du travail sur la représentation de la sexualité, ce volume est également riche en traits d’humour, assez pipi caca cucul dans l’ensemble, mais on finit par y être habitués avec l’auteur. Et je dois avouer que son humour fait toujours autant mouche chez moi. On a également droit à une micro séquence d’action, mais ce n’est clairement pas sur ce point que le volume se démarque. Cependant, il reste la virtuosité indéniable de l’auteur dans la mise en scène, dans les illustrations et le travail d’ambiance en général. Sans parler du travail sur le personnage de Ken, toujours aussi réussi même s’il semble représenter une vision un peu particulière d’un héros, dont le côté extrêmement prude semble quand même un peu forcé.

Pour finir, impossible de ne pas glisser une fois de plus un mot sur le travail d’édition de Doki-Doki. La sortie du volume avait été repoussée du fait de soucis d’impression, et l’éditeur a tenu a faire repasser tous les volumes au contrôle qualité, et il ne faut pas s’inquiéter sur ce point, c’est comme les précédents un travail d’orfèvre. C’est clairement la série qui a le plus de gueule dans ma mangathèque (certes, relativement petite actuellement) !

En résumé, je partais dans ce nouveau volume avec un peu de craintes, car je savais qu’on arrivait dans un arc ultra érotique. Mais je dois dire que j’ai encore une fois été surpris très positivement par Boichi. Toute cette partie s’intègre intelligemment dans l’ambiance et les thématiques globales de la série, tout en gardant le côté rentre dedans de l’auteur pour le meilleur et le pire (surtout le meilleur ici selon moi). Ainsi, je ressors encore ravi de cette lecture, et je continue de penser que Sun-Ken Rock et Boichi font partie de mes belles découvertes de cette année. Un cinquième volume excellent, servi dans une édition d’une classe folle !

5 commentaires

    • Dans le cas de cet arc, je trouve que le sens est assez évident, et surtout, la construction et la métaphore rappellent tellement ce que Boichi fait depuis le début de la série que ce serait compliqué de passer à côté.

      Après, je peux comprendre que l’érotisme soit trop prononcé pour certains, mais ici, ça participe du propos de l’œuvre et ça ne m’a pas du tout dérangé.

      Aimé par 1 personne

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