Si l’on s’intéresse au shojo, j’ai l’impression que l’on ne peut pas vraiment passer à côté d’Orange d’Ichogo Takano, série terminée en 5 tomes (mais qui compte deux tomes supplémentaires à l’histoire principale, qui permettent d’épouser le point de vue d’un autre personnage). Il s’agit d’un shojo du style romance/tranche de vie, prépublié à partir de 2012 au Japon, et édité par Akata en France. Si vous ne l’avez pas lu, vous en avez probablement déjà entendu parler tant ce manga est considéré comme un incontournable du genre.
Me concernant, j’ai été happé par la lecture dès le premier tome, c’est pourquoi j’ai décidé de l’intégrer à Ma Mangathèque Idéale. En effet, que ce soit par son esthétique, son travail d’ambiance générale, mais surtout concernant l’écriture des personnages et de l’intrigue, ce manga va toujours dans la direction qu’il faut et développe avec intelligence ses thématiques, comme nous allons le voir.
Un matin, alors qu’elle se rend au lycée, Naho reçoit une drôle de lettre… une lettre du futur ! La jeune femme qu’elle est devenue dix ans plus tard, rongée par de nombreux remords, souhaite aider celle qu’elle était autrefois à ne pas faire les mêmes erreurs qu’elle. Aussi, elle a décrit, dans un long courrier, les événements qui vont se dérouler dans la vie de Naho lors des prochains mois, lui indiquant même comment elle doit se comporter. Mais Naho, a bien du mal à y croire, à cette histoire… Et de toute façon, elle manque bien trop d’assurance en elle pour suivre certaines directives indiquées dans ce curieux courrier. Pour le moment, la seule chose dont elle est sûre, c’est que Kakeru, le nouvel élève de la classe, ne la laisse pas indifférent…
Si le résumé de la série met en avant le petit côté science-fiction de l’histoire, avec les lettres envoyées du futur, il met de côté le cœur émotionnel et dramatique de l’histoire. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un spoil car c’est quelque chose que l’on apprend très vite, les lettres qui viennent du futur sont là pour l’aider à faire en sorte de Kakeru ne meurt pas. En effet, toute l’histoire est focalisée sur un groupe d’amis et en particulier Naho, la jeune narratrice du récit, qui tombe rapidement amoureuse de Kakeru.
Car nous sommes dans un récit de type romance/tranche de vie, avec comme le précise le résumé l’originalité d’intégrer un élément science fictionnel qui permet de créer un suspense et surtout, mettre une épée de Damoclès au-dessus de la tête des personnages et plus particulièrement Kakeru (puisque c’est lui qui doit mourir). Cet élément est particulièrement intelligemment développé par ailleurs, car il s’agit de l’enjeu principal du récit et du cœur émotionnel de celui-ci. Le but de Naho étant d’empêcher Kakeru de mourir. Ceci venant nourrir une des thématiques principales de l’histoire.
Un récit sur les regrets
En effet, il y a une grande différence à présenter une histoire dans laquelle un personnage finit par être en danger de mort et soit en définitive sauvé par ses amis, d’une histoire où les personnages ont conscience que leur ami va mourir (car arrivé à un certain stade, Naho ne sera plus la seule au courant). En effet, le fait de savoir que Kakeru va mourir permet de mettre en avant l’idée selon laquelle il faut bien avoir conscience de ses actes et de la possibilité que l’on a d’aider ou non les autres. Car, et là je suis contraint de spoiler à partir de maintenant (même si ce premier point se devine aisément, quasiment à la lecture du synopsis du manga je serai tenté de dire). De ce fait, si vous n’avez pas lu le manga et souhaitez conserver tout le plaisir de la découverte, je vous invite à aller directement à la conclusion. Car Kakeru ne meurt pas dans un accident comme il est dit en début d’histoire, mais il se suicide, hanté par la mort de sa mère qu’il se reproche.
Ainsi, non seulement les personnages du futur (ceux qui envoient des lettres à leurs équivalents plus jeunes) sont tous hantés par les regrets de ne pas avoir pu aider Kakeru, mais se dernier regrette également son comportement vis-à-vis de sa mère et se reproche la mort de celle-ci. J’ai trouvé tous ces points très intéressants car comme je l’ai dit, cela permet de rappeler qu’en tant qu’individus vivant en société, nous avons tous l’occasion de côtoyer des personnes vivant des événements difficiles (et nous pouvons en vivre nous-mêmes), et on pourrait avoir tendance à minimiser les choses ou se mettre des œillères. Ici, les personnages ont, grâce aux lettres, pleinement conscience de ce qui se joue et vont tous chercher, chacun à leur façon d’aider leur ami.
Cette solidarité et cette bienveillance qui est au cœur du récit est un des éléments qui m’a particulièrement touché, notamment grâce à un travail d’écriture des personnages brillant qui ne peut selon moi à aucun moment être pris en défaut. De plus, l’auteur arrive à trouver des idées de situations particulièrement signifiantes. Je pense notamment à la séquence de la course de relais, où tout le groupe d’amis décide de courir le relais ensemble, avec Kakeru en coureur final. La symbolique du relais a une certaine forme d’évidence, et est accompagnée d’une très belle idée, chaque personnage passant en même temps que le relais une phrase destinée à Kakeru lui signalant qu’ils seront toujours là pour lui. Cette séquence qui a lieu à peu près au milieu du récit est selon moi la plus marquante de l’histoire, et un des moments qui m’ont le plus bouleversé.
Un groupe de personnages très soudés
Car même si l’histoire est centrée sur Kakeru et Naho, un autre point remarquable du récit est son groupe de personnage principaux tous parfaitement écrits et très touchants. Il y a un côté archétypal à leur caractérisation, Naho est une jeune fille timide et Kakeru un garçon torturé. Les quatre autres personnages sont aussi stéréotypés en apparence, il y a notamment Suwa, le sportif populaire, Hagita l’intello nul en sport, et Murasaka et Chino, deux jeunes filles dont une est très féminine et l’autre nettement moins. Mais dès le départ, le mangaka dépasse largement ces apparences pour nous présenter des personnages qui ont beaucoup d’épaisseur.
Je pense en particulier au personnage de Suwa, véritable troisième rôle de l’histoire (les deux tomes supplémentaire sont d’ailleurs centrés sur lui). Et comme pour le reste, l’auteur déjoue habilement le cliché du triangle amoureux. En effet, Suwa finit par se marier et avoir un enfant avec Naho, qu’il aime depuis le lycée. Cependant, le fait de savoir que Kakeru est condamné s’ils ne font pas en sorte de lui redonner goût à la vie vont convaincre Suwa de mettre de côté ses sentiments pour Naho afin de sauver son ami. J’ai trouvé cette idée très forte, et tout le développement de Suwa est brillant et permet d’offrir encore une épaisseur supplémentaire à un récit déjà particulièrement dense (surtout en seulement cinq tomes). Car en plus de tous ces éléments, Ichigo Tanako traite frontalement la thématique du suicide, par le biais d’un travail très fin et sensible sur le point de vue de Kakeru.
Un récit sur le suicide
Comme je l’ai dit, le récit est raconté du point de vue de Naho, mais en réalité, une petite partie de l’histoire va se focaliser sur celui de Kakeru, afin que l’on comprenne mieux le cheminement de ses pensées et ce qui l’a amené à commettre cet acte. C’est notamment sur ce point que l’élément science-fictionnel avec les messages du futur prend tout son sens, car il nous permet de voir ce qui s’est passé pour que Kakeru mette fin à ses jours, et ce que Naho et ses amis ont changé.
Un élément majeur vient notamment du fait qu’elle ait réussi à le convaincre de rester avec elle, un jour où il aurait normalement dû voir d’anciens amis à lui, qui l’ont laissé se faire brimer dans son ancien établissement. Cette rencontre aura d’ailleurs été l’occasion pour Kakeru de parler de la mort de sa mère à ses anciens amis, qui ne l’ont pas pris au sérieux, le convainquant de ne parler de ça à personne d’autre. Ceci permet de dresser un parallèle avec le comportement de son nouveau groupe d’amis, qui au contraire cherche toujours à savoir ce que vis Kakeru et comment il se sent. L’idée ici est on ne peut plus claire : se soucier de ce que vivent et ressentent les autres et fondamental pour savoir comment ils vont, et s’ils ont besoin d’aide.
Même si de toute évidence, les choses ne sont pas si simples, le récit le montrant d’ailleurs très bien car la situation de Kakeru ne peut pas s’arranger du jour au lendemain. Cela permet à la fois de conserver un suspense du début à la fin (arriveront-ils à sauver leur ami ?) tout en montrant que la dépression est une maladie grave qui ne se soigne pas comme ça, et que les idées suicidaires peuvent revenir. Ainsi, j’ai trouvé la façon de gérer ce personnage et ses tourments particulièrement pertinente de la part de l’auteur, d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet complexe et important.
En conclusion, une oeuvre importante aux thématiques et au message fort
Vous l’aurez sans doute compris, j’ai été particulièrement bouleversé par ce récit qui nous propose de nombreux moments forts, mais surtout une écriture fine et très intelligente centrée sur des thématiques importantes. J’ai particulièrement aimé le fait que le sujet principal soit traité de manière frontal, dans toute sa dureté. Et malgré le caractère très sombre du sujet, l’auteur arrive à garder un côté solaire qui permet de conserver un plaisir de lecture constant. Au final, comme dans toutes les grandes œuvres, le temps passé avec ces personnages semble trop court, mais on se console en se disant qu’ils nous accompagneront et nous nourriront. Car Orange fait partie des œuvres qui ne sont pas simplement de belles lectures, il s’agit d’une véritable leçon de vie, de bienveillance et d’humanité.
En complément, quelques avis d’autres blogueurs et blogueuses sur cette série.
Chez Xander
Les Blablas de Tachan
Les voyages de Ly
Nostroblog
Je suis sou le charme de cette série depuis des années, donc je comprend aisément que tu l’intègre à ta mangathèque idéale 😀
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Ça ne m’étonne pas. Je n’ai encore vu que des avis ultra positifs sur cette série ! Ce qui est mon cas aussi, comme tu l’auras certainement compris.
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Son trait et l’histoire d’amitié profonde / disparition d’un des personnages, ça me fait un peu pensé à l’ancien titre « C’était nous » de Yuki Obata, tu connais ?
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Je ne connaissais pas du tout, et de ce fait je viens d’aller voir de quoi il en retournait !
Ça a l’air très bien, dommage que ce soit une série assez longue.
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C’est un shojo de ma jeunesse ^^
Oui, une quinzaine de tome si je me souviens bien, mais l’avantage c’est que comme ça commence à dater, tu peut la trouver d’occasion.
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Ah tiens, il est dans ma liste mais j’en entends quasi jamais parler alors il reste dedans oublié haha ! À creuser donc 😊
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C’est étonnant parce que me concernant, j’en avais vraiment pas mal entendu parler, même à l’époque où je ne lisais pas trop de mangas.
C’est souvent cité dans les séries courtes incontournables avec A Silent Voice (dont je parlerai un jour !).
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Faut vraiment que je me penche là-dessus alors, c’est le moment de le sortir de cette liste maintenant qu’on m’en parle un peu plus en bien 😂 ! Et je sais pas comment ça se fait, mais oui j’ai dû le voir passer quelque part pour qu’il soit dans cette liste, mais plus jamais depuis 🤷. Après ça ne fait qu’un an que je me suis mise aux mangas donc il y a encore pleins de titres dont je n’ai jamais entendu parler à mon avis 😂
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C’est parce que c’est un vieux titre qu’on en parle presque jamais sur internet, je pense qu’à sa sortie il a du avoir son petit moment de gloire 🙂
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Très belle chronique !
Tu mets parfaitement en avant tous les points qui m’ont tant touchée et marquée (regrets, deuil, suicide, amitié, entraide). J’espère qu’on aura droit un jour à un autre titre de l’autrice de la même qualité 🙂
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J’espère aussi beaucoup !
Pour le coup, s’il y a un nouveau manga, je n’attendrai pas pour m’y mettre !
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Une œuvre magnifique ! Très content qu’il t’ai plu 😘
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Il faudrait vraiment être difficile pour ne pas aimer en même temps !
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Une super jolie chronique pour une superbe série ! Rien que le fait de l’évoquer me serre le coeur. Il faut que j’ajoute la version manga dans ma bibliothèque, pour le moment j’ai la version light novel en trois tomes qui est très touchante aussi !
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Je ne savais pas qu’il y avait un Light Novel. Je n’ai encore jamais lu ce genre d’ouvrage il faut dire.
Merci beaucoup pour ton commentaire en tout cas !
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Certains mangas ne devraient pas avoir une version light novel mais Orange ils ont fait du très bon boulot !
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Contente que tu l’aies apprécié 👍🏻😉
Merci pour le lien. Décidément tu veux mettre un i au lieu du y xd -> Ly.
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Mon Dieu…
En plus là j’étais concentré et je me disais « N’oublie pas, c’est Li et pas Ly ! »… Quel talent !
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😅🙊 et en plus tu mets l’inverse dans ton com 🙊🙊🙊 mais j’ai vu que tu as corrigé 👍🏻😊😉
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Non mais ce que je voulais dire, c’est que je m’étais vraiment fait la remarque et que je me suis dit que c’était bien « Li » et pas « Ly », du coup j’ai bel et bien dû faire attention pour faire cette faute !
Mais oui, je l’ai corrigée, quand même.
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