Mon avis sur… Prisonnier Riku T.1 et 2 de Shinobu Seguchi

Prisonnier Riku

Comme vous l’aurez sans doute remarqué, j’ai un petit côté acheteur compulsif et j’ai bien du mal à me retenir quand j’entends du bien d’une série, et également quand il y a des offres alléchantes. Et quand c’est les deux en même temps comme c’est le cas avec Prisonnier Riku, cela devient encore plus compliqué pour moi de résister. J’avais pourtant réussi dans un premier temps à me retenir d’acheter le pack découverte que les éditions Akata proposent, avec les deux premiers tomes pour le prix d’un… Résistance qui aura duré quelque chose comme trois jours avant que je me jette dessus, et clairement, je ne regrette pas tant ces deux premiers tomes m’ont totalement époustouflé ! Je vais même être honnête, je pense que je n’arriverai pas à travers mes mots à rendre justice à l’expérience de lecture que j’ai vécu tant elle était intense, et ça en seulement deux tomes. Mais je vais quand même essayer de vous faire comprendre au mieux pourquoi cette série est désormais devenue une de mes priorités en terme d’acquisition.

Prisonnier Riku est donc un shonen de Shinobu Seguchi, dont la publication a commencé en 2011 et qui est terminé au Japon en 38 tomes. Akata se charge de la localisation française et le trentième tome sort aujourd’hui-même, jeudi 25 avril ! Mais que raconte donc ce manga ?

Dix ans déjà qu’une météorite s’est écrasé sur Tokyo, séparant la métropole en deux  : d’un côté, une ville réservée aux riches, de l’autre, un terrible bidonville, véritable zone sinistrée et de non-droit. C’est là que vit le jeune Riku. Malgré un quotidien difficile, il prend la vie comme elle vient, aux côtés de son grand-père. Mais quand ce dernier est assassiné, car il voulait révéler au peuple les magouilles et trafics des grandes institutions, le quotidien du pauvre Riku bascule… en enfer  !! Accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, on l’envoie dans une prison de haute sécurité, aux côtés de terribles gangsters et autres chefs de gang. Il y devient très vite la tête de turc de ses co-détenus. Et pourtant… grâce à sa rage,  à son envie de survivre, mais surtout celle de venger son grand-père en dévoilant au monde la réalité du système, il devra trouver en lui la force pour faire sa place au sein de la prison… et peut-être même de s’en évader  ?

Vous l’aurez compris, le postulat science-fictionnel de base est plutôt un prétexte pour poser un contexte social finalement assez réaliste, dans lequel les pauvres luttent pour survivre au sein du bidonville. Et c’est ici que vit Riku, pris en charge par un vieux policier qu’il surnomme affectueusement « Papy », jusqu’à ce que celui-ci soit assassiné en début de tome. Il va porter le chapeau du meurtre et sera condamné à 30 ans de prison, alors qu’il n’a que 13 ans. C’est dans cette prison qu’il va se confronter aux autres détenus, découvrir une forme de violence encore pire que celle à laquelle il était habitué dans le ghetto, et se révélera par son courage et sa soif de justice.

Très rapidement, l’auteur nous dépeint avec un grand talent le contexte de son oeuvre, dans toute son implacable violence. Je dois dire que dès le premier tome, j’ai été assez perturbé par ce que subit cet enfant, qui fort heureusement le vit moins mal que moi, et arrive à garder la tête haute face à toutes les brimades qu’il endure. Mieux encore, il reste idéaliste et n’hésite pas à faire face aux plus forts, leur rappelant qu’il n’y a rien de plus simple que s’en prendre aux plus faibles. Faibles dont il fait lui-même partie, ce qui lui vaudra évidemment de souffrir encore davantage. C’est ainsi que d’emblée, une des premières qualités majeures du manga saute aux yeux : son personnage principal est tout simplement magnifique ! À vrai dire, je m’attendais à ce qu’il s’attire rapidement ma sympathie du fait qu’il soit un enfant dans un contexte infernal, mais je ne pensais pas qu’il tiendrait systématiquement tête aux autres, sans jamais se démonter. Et sa façon de se comporter dans ce contexte force l’admiration et en fait un héros de shonen comme je les aime, qui ne cède pas à la peur et qui pousse toujours les gens à donner le meilleur d’eux quoi qu’il arrive. De ce fait, ses répliques qui sonnent comme quelque chose de candide dans ce contexte recèlent des trésors de sagesse à mes yeux et sont une véritable source d’inspiration. Je ne peux d’ailleurs pas résister au plaisir de vous en partager quelques unes :

« Je ne pourrai jamais pardonner des types qui font du mal à ceux qui sont déjà dans le malheur. »
« Je n’aime pas ta façon de vivre. Tu crois qu’être fort te donne le droit de brimer les faibles ? De voler leur repas et plein d’autres trucs encore que je n’accepterai jamais. C’est pour ça que je refuse de perdre contre quelqu’un comme toi ! »
« Je ne comprends pas. Il y a ceux qui maltraitent les faibles, et au-dessus d’eux, des gens, encore plus puissants, qui les briment de la même manière ? Ce type aussi se permet de faire du mal aux autres comme si ça n’avait pas d’importance ! Vraiment, à quel point ce monde peut-il être ignoble ? »
« On ne brime pas les plus faibles que soi ! T’as compris ?! »
« Je refuse de me faire écraser par ce monde pourri en me donnant des excuses, ou en prétextant que c’est le destin ou la faute des autres ! »

J’abuse peut-être un peu en citations, mais croyez moi, je me suis retenu car Riku nous assène des répliques ultra puissantes et riches de sens de façon très régulière. Certes, vous les avez ici hors contexte, donc vous ne pouvez pas vous rendre bien compte de leur impact, mais je pense qu’on peut déjà avec ces quelques répliques comprendre le contraste qu’il y a entre la bonté et l’idéalisme de Riku et l’enfer dans lequel il va être amené à vivre. Ce sera d’ailleurs un des éléments majeurs de ces deux premiers tomes, qui va déjà amener des bouleversements dans le quotidien des détenus, notre jeune héros devenant déjà un vecteur de changement chez certains d’entre eux.

Et puisqu’on en est à parler de ses co-détenus, impossible de ne pas évoquer les deux qui sont le plus mis en avant pour le moment, à savoir Suguru et Sasaki. Le premier est un gringalet particulièrement lâche qui va dans un premier temps s’en prendre à Riku dans l’espoir qu’il devienne le nouveau souffre douleur à sa place, mais lorsqu’il verra que le jeune héros le protège malgré cela, une amitié sincère va se nouer entre eux, qui permettra à Suguru de déjà beaucoup évoluer. De ce fait, le personnage, bien qu’il ne paye pas de mine, est vraiment sympathique et intéressant et est le premier ami de Riku dans cet univers.

Mais c’est surtout Sasaki qui impressionne d’emblée, de par sa carrure imposante et son statut de boss de la 27e menuiserie (le quartier où se trouve aussi Riku). Il est impitoyable martyrise les plus faibles et fédère autour de lui des fidèles par la peur et la violence. Il est de ce fait le parfait opposé de Riku, y compris dans son histoire personnelle qui l’a mené en prison, et que l’on découvre déjà dans ce deuxième tome. De plus, le tout est relevé par un character design vraiment dingue (comme pour tous les personnages par ailleurs). Ainsi, ces deux premiers tomes sont en grande partie centrés sur la confrontation entre le jeune héros et Sasaki.

Et cette confrontation est l’occasion de rappeler que l’on est dans un shonen, qui s’il n’appartient pas à 100% au nekketsu, en partage quand même un certain nombre de codes. Evidemment, dans la caractérisation de Riku, jeune orphelin idéaliste au fort sentiment de justice, on retrouve des éléments de héros nekketsuesque, mais c’est son décalage avec le monde dans lequel il évolue qui apporte une vraie originalité à l’ensemble. De plus, cette façon de se confronter aux autres, d’endurer toujours sans jamais abandonner et de se dépasser est également un élément typique du nekketsu que l’on retrouve ici, et qui m’a touché au plus haut point, m’amenant même au bord des larmes par moments (en particulier quand Riku en appel au souvenir de son Papy pour réussir à se relever et se dépasser).

Et de ce point de vue, il aura bien besoin de cette motivation pour tenir, car on peut dire que cet univers carcéral est dépeint dans toute sa violence dès ces premiers tomes. Riku va vraiment morfler, et les détenus ainsi que les gardiens font preuve de beaucoup d’imagination pour trouver de nouveaux moyens de le faire souffrir (et pour avoir vu quelques images de ce qui se passe par la suite, ce n’est pas fini). Les autres détenus en prennent d’ailleurs aussi pour leur grade, mais notre attachement à eux est moindre, et surtout, ils ne sont pas des enfants chétifs de 13 ans comme Riku ! Sur ce point, on s’approche pour le coup d’un seinen dans le traitement de la violence, et du contexte social et carcéral de l’oeuvre car il y a ici une forte charge, contre la corruption et un certain ordre social et politique qui fait que le fort écrase toujours le plus faible.

Ainsi, la vision du monde très sombre proposée par l’auteur permet d’y voir des similitudes évidentes avec notre réalité, et j’avoue partager pas mal cette façon de voir les choses. C’est d’ailleurs ce qui rend d’autant plus précieux le combat de Riku, qui n’accepte pas ce monde et dit d’emblée qu’il donnera tout pour ne pas laisser les choses comme elles sont, d’où son refus de se plier aux règles voulant que l’on s’en prenne à plus faible que soi, et sa volonté de s’évader pour retrouver l’assassin de Papy. Et dès le deuxième tome, l’auteur nous fait apercevoir une lueur d’espoir, intelligemment symbolisée par le soleil qui fait suite à la pluie après le duel entre Riku et Sasaki… De ce fait, en seulement deux tomes, Shinobu Seguchi arrive d’une part à imposer des personnages charismatiques et brillamment écrits, développer des antagonismes, un univers et une intrigue dans un cadre très particulier, tout en n’oubliant pas le discours social et politique. C’est vraiment très très impressionnant et je ne peux que m’incliner devant un tel talent.

Car le tout est servi par un dessin que je trouve absolument magistral. J’ai rapidement évoqué le character design, qui est de très haute volée. Aucun personnage ne se ressemble, permettant de directement les distinguer, mais pas seulement les trois mis en avant dans ces tomes, les personnages plus secondaires ont également des looks très marqués. Et on peut déjà dénombrer plusieurs planches qui marquent vraiment la rétine par leur composition et les postures des personnages. Un véritable travail de maître ! De plus, Seguchi arrive à très bien dépeindre son univers carcéral et à le rendre vraiment étouffant visuellement, contribuant grandement à l’ambiance et à la réussite du récit.

En un mot comme en cent, j’ai été totalement conquis par ces deux premiers tomes de Prisonnier Riku, qui dépassent le stade du coup de cœur pour moi. Je parlerai plus d’une révélation tant j’ai été pris par cette lecture incroyablement puissante émotionnellement, avec son personnage principal marquant et sa richesse thématique en plus de son esthétique admirable. Vous vous direz peut-être que cette accumulation de superlatifs est excessive, mais c’est dans le but de rendre compte de l’expérience de lecture incroyable que j’ai vécu, et je dois avouer que je ne pense pas que mes mots puissent véritablement être à la hauteur de ce que j’ai lu.

En résumé, je pense réellement qu’il faut sauter sur le coffret découverte pour découvrir ce manga. Comme je l’ai dit en introduction, cette série est devenue une de mes priorités, et un de mes objectifs est clairement de la rattraper avant la fin de l’année, afin de découvrir les derniers tomes dès leur sortie française. De ce fait, vous risquez de m’entendre en parler assez souvent, en espérant que les volumes suivants me fassent vivre des émotions aussi puissantes. Car j’essaie quand même de garder un certain recul, et de ne pas oublier qu’il reste encore 36 tomes avant de pouvoir apprécier l’oeuvre dans sa globalité, et de voir toutes ses qualités et ses défauts. Mais je suis ravi à l’idée de continuer cette aventure et de voir ce que l’auteur a à nous offrir, car je lui fait confiance pour rendre ses personnages et son univers encore plus passionnants ! En l’état, ces deux premiers tomes sont pour moi des mangas majeurs qui laisseront une trace indélébile en moi.

10 commentaires

    • J’ai vu sur twitter que j’étais loin d’être le seul à m’y mettre.
      Il me semble justement que c’était toi qui avais écrit un article dessus récemment, du coup le titre est resté dans un coin de ma tête après lecture (et aussi en voyant des avis positifs sur twitter).

      Et si tu me dis que ça ne fait que monter, je risque d’avoir un arrêt cardiaque en cours de route !

      Aimé par 1 personne

  1. Ça fait plaisir de voir un avis aussi positif pour cette super série. En plus, je trouve que certains tomes plus tard dans la série sont encore beaucoup plus marquants, donc je pense que tu vas beaucoup apprécier la suite.

    Aimé par 1 personne

  2. Je l’aurais bien testé mais 30 tomes, c’est trop. L’offre d’un seul tome gratuit est bien trop petite pour que je m’y lance.
    Qui sait, je le trouverais peut-être un jour en bibliothèque 😁

    Aimé par 1 personne

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