Mon avis sur… Silent Voice de Naoko Yamada

Silent Voice

ENFIN ! J’ai enfin vu le film Silent Voice de Naoko Yamada, sorti en août 2018 en salles en France et récemment en DVD chez Kazé. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit de l’adaptation en long métrage du manga A Silent Voice que l’on doit à Yoshitoki Oima et disponible en France aux éditions Ki-oon (série courte en 7 tomes). Cela faisait un moment que je voulais voir ce film, tout simplement parce que le manga d’origine est à mes yeux un pur chef d’oeuvre, très intelligemment écrit, magnifiquement illustré, et d’une grande force émotionnelle. Car cette histoire parle de sujets puissants et très touchants, comme les brimades scolaires, le handicap, l’amitié et l’acceptation de soi. Je parlerai un jour du manga, c’est une obligation tant il m’a bouleversé. Concernant le film, voici le résumé :

Shôya Ishida est le caïd de sa classe. Terreur des cours de récréation, il fait les 400 coups avec ses camarades de classe. Son quotidien à l’école va être bouleversé par l’arrivée d’une nouvelle élève, Shôko Nishimiya, qui est sourde. Douce et attentionnée, Shôko va attirer la sympathie de toute la classe, ou presque… D’abord d’une indifférence polie, Shôya va commencer à infliger des petites humiliations à Shôko. Puis, il finira par entraîner d’autres élèves dans la persécution quotidienne de la jeune fille jusqu’au jour où Shôko ne revient plus à l’école. Shôya est alors dénoncé et réprimandé. Les rôles s’inversent : il passe du statut de leader de la classe à celui de paria. Les années passent, Shôya a bien changé et il a appris le langage des signes. Il se met à la recherche de la jeune fille à qui il avait fait tant de tort, pour s’excuser.

Parviendra-t-il à exorciser son passé ?

Le pitch de départ est le même que dans le manga, et l’adaptation est d’ailleurs plutôt fidèle (je reviendrai vers la fin sur les différences majeures). Comme le résumé l’indique, il s’agit d’une histoire de rédemption, où Shôya Ishida, enfant très méchant avec les autres, se rend compte le temps passant que son comportement n’allait pas et se décide de changer et de réparer ses erreurs. Le cœur du récit est justement comment Shôya va réussir à évoluer, à accepter celui qu’il a été, à accepter le regard des autres sur lui, et surtout, comment il va tenter de réparer ses erreurs. De ce fait, l’écriture du personnage est l’élément le plus important pour la tenue du récit. Et sur ce point, le personnage est particulièrement réussi. En début de film, j’avais un problème avec lui durant la phase « école primaire », car je n’arrivais absolument pas à comprendre les raisons pour lesquelles il se comportait comme ça. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose puisque rien ne justifie ce genre de brimades. Mais dès ce début, je ressentais une forte empathie pour Shôko, moquée par les autres en raison de son handicap.

Dans cette première partie de l’histoire, j’ai trouvé très intéressant la façon dont les choses basculent concernant Shôya, qui passe de meneur à victime lorsque les choses vont trop loin. En effet, Shôko change d’école suite aux brimades répétées, et Shôya sera pris pour seul responsable alors que ses camarades prenaient également plaisir à se moquer d’elle. Je trouve que c’est une vision très juste de l’effet d’entrainement qui peut exister lorsque l’on malmène des gens. Et la façon dont Shôya devient un pestiféré et finit par ne plus supporter le regard de l’autre est très intéressante également de ce point de vue.

Suite à cette première partie, l’essentiel du film se concentrera sur la façon dont Shôya souhaite se rapprocher de Shôko des années plus tard afin de se faire pardonner ce qu’il a fait dans son enfance. C’est ainsi que la jeune fille devient l’autre personnage central du récit, leur relation étant au cœur de l’évolution de l’histoire. Il est d’ailleurs important de préciser ici que le rythme du film est assez lent, ce qui peut déplaire à certains (j’ai beaucoup aimé ce rythme qui fait beaucoup pour l’ambiance, mais ma femme n’a pas apprécié de son côté). La rédemption de Shôya passera également par une ouverture aux autres, en commençant avec Tomohiro, un de ses camarades de classes qu’il défend alors qu’il se fait racketter. Le personnage peut sembler un peu effacé dans le film (il a plus d’importance dans le manga), mais il reste fondamentale dans le sens où il est le premier véritable ami de Shôya et est un des premiers vecteurs d’ouverture du jeune homme.

Mais malgré ce début d’ouverture et les premiers pas vers la réconciliation avec Shôko, le mal-être de Shôya reste présent. Il cherche de se fait à l’aider en retrouvant par exemple sa seule véritable amie lorsqu’ils étaient dans la même classe. Pour ce faire, il va devoir reprendre contact avec d’anciens camarades et se rendra compte qu’il peut entretenir de vraies relations avec eux. Sur ce point, le film reprend la technique visuelle très réussie du manga : les personnes que Shôya pense hostiles envers lui ont une grosse croix qui recouvre leur visage, qui finit par tomber lorsque le contact amical passe. Le premier dont la croix tombe est donc Tomohiro, suivi d’une ancienne camarade de Shôya ainsi que d’un ami de cette dernière qui trouve le jeune homme cool. Ceci permet déjà de voir que Shôya souffre d’une certaine forme de paranoïa, étant convaincu que tout le monde dit du mal de lui alors que ce n’est pas nécessairement le cas. Il est important de préciser que Shôko est le seul autre personnage adolescent avec Sahara (sa seule amie de primaire) à ne jamais avoir de croix sur le visage.

Shoya

L’ouverture de Shôya l’amènera donc à former autour de lui et Shôko un petit cercle d’amis, avec lesquels ils vont aller à la fête foraine. Cette scène est vraiment magnifique selon moi car c’est surement un des moments où le jeune homme se montre le plus épanoui et où il prend le plus de plaisir. À ce moment, il semblerait que ses barrières tombent et il se rend compte qu’il peut avancer et s’ouvrir aux autres. La mise en scène évolue d’ailleurs au fil du film pour retranscrire cette idée. Au début, les plans où on voit des jambes ou des bustes, et très peu de visages sont fréquents, pour diminuer au fur et à mesure, sauf dans certains moments de malaise.

Silent Voice

Mais malgré cela, Shôya n’arrive pas à accepter ce qu’il a été et continue à se détester, et on se rendra compte au fur et à mesure que Shôko se déteste également aussi. Le mal-être adolescent est ici très bien traité, d’autant plus chez Shôko qui semble ressentir un fort sentiment de culpabilité vis-à-vis de son handicap. Ce personnage a vraiment beaucoup de relief et est très touchant, et est donc un fort vecteur d’émotion (tout comme Shôya). Le jeune homme va de finir par prendre conscience du mal-être de la jeune fille et fera tout pour l’aider à s’accepter et s’aimer comme elle est. Je n’en dirai pas plus sur les événements du film car je ne veux pas vous gâcher le plaisir, mais il va se passer des choses très fortes émotionnellement et le développement de leur relation sonne juste du début à la fin.

Car c’est un des éléments marquants du film, la qualité de l’écriture des différents personnages, y compris ceux qui sont secondaires. Mais sur ce point, je me permets de signaler que le manga, de par sa longueur supérieure, se permet de développer davantage les personnages secondaires. Ce point n’est cependant pas trop dommageable pour le film, qui se recentre sur les deux personnages principaux. De même la toute dernière partie de l’histoire dans le manga est totalement éludée, ce qui fait que la fin du film peut sembler abrupte même si elle met un beau point final à l’évolution de Shôya et à l’acceptation de la personne qu’il est. De ce fait, sa rédemption est totale et on sent à la fin du film que son ouverture aux autres a enfin réussi. Il est entouré de ses amis et avancera avec eux.

Vous l’aurez donc compris, ce film m’a énormément touché avec ses deux personnages magnifiquement écrits. Mais qu’en est-il de la partie visuelle et sonore ? Concernant les musiques, elles m’ont beaucoup plu. Assez discrètes, elles transmettent malgré tout un sentiment de douceur qui fait beaucoup de bien. Pour ce qui est du visuel, j’ai beaucoup aimé le travail graphique qui respecte le trait magnifique de Oima sur le manga. Et enfin, j’avais envie de dire un petit mot sur le doublage français du film (car oui, nous l’avons regardé en VF). J’ai beaucoup aimé tous les doublages. On retrouve notamment Bastien Bourlé (Eren dans L’Attaque des Titans et Deku dans My Hero Academia) excellent en doubleur de Shôya. Mais c’est surtout Mélanie Lemaistre qui m’a impressionnée par son travail sur le personnage de Shôko. Il faut savoir qu’elle est sourde/muette et je pense que c’était la meilleure chose à faire de confier le doublage à une personne réellement atteinte de ce handicap, évitant ainsi une imitation qui aurait été dommageable. Toutes ses répliques sonnent juste et à aucun moment on cesse d’y croire, un très beau travail.

En résumé, j’ai été absolument conquis par cette adaptation d’un de mes mangas de chevet. Pour être parfaitement honnête, je pense quand même préféré la version papier, mais le film n’en reste pas moins une très belle oeuvre, traitant de sujets difficiles et importants en évitant un pathos dégoulinant. Il y a dans l’écriture la même intelligence que celle que l’on trouve dans le manga, dressant de magnifiques portraits de personnages et traitant avec les nuances nécessaires les différentes thématiques. De plus, le travail visuel et sonore contribue à donner au film une ambiance propre qui m’a totalement emporté. De ce fait, je pense sincèrement que le film est un petit chef d’oeuvre (là où le manga est un énorme chef d’oeuvre à mes yeux) à voir absolument.

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12 commentaires

    • Personnellement, j’ai effectivement trouvé que c’était un petit chef d’oeuvre, mais comme toujours c’est très personnel. Ma femme a beaucoup moins aimé par exemple.

      Mais à mes yeux, il est à voir, et le manga est pour moi un indispensable. J’en parlerai un jour, mais avant il faut que je le relise.

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  1. C’est un manga que je souhaite lire depuis un moment… mais j’avoue être très sensible et j’ai peur que l’histoire me bouleverse de trop. Mais je pense que je vais passer ce cap et enfin lire que tout le monde trouve magnifique. Du coup le film je le garde pour plus tard. Avec le temps j’ai pris l’habitude de lire l’original avant l’adaptation. Merci.

    Aimé par 1 personne

    • De rien, ça me fait plaisir de voir que je suis lu et d’avoir des commentaires, c’est donc moi qui vous remercie.

      Je recommande en effet à tous de lire le manga. Le film est également très beau d’où le fait que je le qualifie de chef d’oeuvre, mais je préfère quand même le manga qui est plus riche.

      Et je suis aussi un grand sensible et je trouve en effet cette histoire bouleversante, il vaut mieux s’y préparer du coup.

      Aimé par 1 personne

      • J’ai vu récemment ce film et j’en ai fait une critique également. Je trouve la tienne très bien écrite et detaillée ! Je te rejoins sur plusieurs points. C’est vraiment un film magnifique ! Si tu comptes parler du manga ça m’intéressera

        Aimé par 1 personne

      • J’ai fait un article en janvier ou février sur le manga, tu peux le trouver via la barre de recherches.
        Merci beaucoup pour ce commentaire, je vais jeter un œil sur ce que tu en dis aussi !

        J’aime

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